Le cirque de l’élection présidentielle américaine prend une tournure inquiétante. La médiocrité des candidats y atteint des sommets. Que cette farce coûteuse puisse décider du choix du Chef d’Etat le plus puissant du monde éveille un doute sur l’avenir de nos démocraties, puisque beaucoup de pays et le nôtre en particulier semblent fascinés par ce modèle en déshérence. Si le bipartisme fondé sur les modes de scrutin demeure déterminant, on ne sent plus à travers lui se dessiner une alternative solide, mais plutôt un jeu de rôle imposé par les sondages. Après le désastre Carter, la volonté de Reagan de redresser les Etats-Unis par une politique économique de baisse des impôts et de retrait de l’Etat, et par une offensive patriotique sur la scène mondiale avait constitué un ensemble cohérent marqué par la création de 14 millions d’emplois et l’effondrement du bloc soviétique. Bill Clinton avait bénéficié des difficultés économiques de la fin du mandat de Georges Bush et plus encore d’un troisième candidat, le milliardaire Ross Perrot. Il avait incarné le « nouveau démocrate », réaliste en économie, aidé en cela par la majorité républicaine du Congrès. On peut cependant imputer à sa présidence la montée en puissance du danger islamiste qu’il a soutenu contre la Serbie dans les Balkans, et qu’il a laissé se développer en Somalie et en Afghanistan. Son règne aura été celui de la poussière sous le tapis. Son successeur, mal élu, a pris de l’ampleur avec l’attaque du World Trade Center le 11 Septembre 2001, et aurait pu être un nouveau Reagan si sa lutte contre le nouvel ennemi, l’islamisme, s’était terminée par une victoire. L’offensive menée contre la dictature laïque et nationaliste irakienne a conduit au contraire à un enlisement tandis que la crise financière s’abattait sur le monde. Il a été facile à Barack Obama d’offrir une image en tous points opposée à celle de son prédécesseur Georges W. Bush : un travailleur social qui affiche avec son épouse son appartenance à la minorité noire, un pacifiste adepte des drones tueurs mais opposé à la présence des soldats américains sur le terrain, un libéral favorable à des avancées en faveur des homosexuels, un partisan d’une protection sociale renforcée en matière de santé. En France, il a fait, dans le microcosme médiatique et politique, un tabac. Très prématurément Prix Nobel de la Paix en 2009, il a prononcé au Caire un discours très élogieux envers l’Islam. Son second mandat va s’achever sur un tableau contrasté. L’économie américaine se porte apparemment mieux. Pourtant ce Président aura été celui de l’illusion : jamais les bruits de guerre n’auront été aussi forts depuis la chute du mur de Berlin ; l’islam tant vanté au Caire a torpillé le Printemps Arabe et revêt dans le monde le visage repoussant du fanatisme ; le ralentissement des pays émergents et la hausse du dollar font craindre une rechute de l’économie américaine.
On pourrait imaginer l’arrivée sur la scène politique américaine d’un candidat sérieux qui puisse mettre fin à ces années d’illusion où la communication trompeuse a endormi l’opinion face à la montée des périls. Or les deux candidats qui semblent s’imposer sont Donald Trump chez les Républicains et Hillary Clinton chez les Démocrates. Le premier est un milliardaire de l’immobilier qui l’emporte sur de bien pâles rivaux par son côté spectaculaire. New-yorkais d’origine allemande et écossaise, il est une véritable caricature du socle « wasp » de l’électorat républicain, avec des dérapages fréquents envers les minorités. Il veut suspendre l’entrée de musulmans aux Etats-Unis. Il veut dresser un mur à la frontière mexicaine pour empêcher l’arrivée des hispaniques. Ciblé sur ce point par le Saint-Père, il en a sans doute plutôt tiré parti dans l’électorat protestant de Caroline du Sud alors que ses positions « sociétales », et donc religieuses, aux USA, sont très mouvantes. Malgré cet élan provoqué chez les conservateurs, on peut craindre qu’un prétendant aussi baroque ne dresse une majorité contre lui à l’élection. Le seul obstacle paraît une coalition de ses adversaires regroupée derrière un candidat plus mesuré. Mais Cruz est trop conservateur et Rubio ne fait pas le poids.
Du côté démocrate, Hillary Clinton semble peiner. Contre toute attente le candidat « social-démocrate » autant dire gauchiste aux Etats-Unis la talonne et la devance même chez les jeunes. Elle a contre elle d’appartenir à cet « établissement » que les électeurs de Trump vomissent et d’avoir une réputation qui n’est pas sans ombre. Son arrivée à la Maison Blanche aura l’allure d’un retour du clan Clinton, d’une victoire des minorités sur lesquelles elle mise désormais, et d’une porte ouverte au libéralisme sociétal. On ne voit pas un nouvel élan national naître d’une pareille configuration.
Pour l’instant, l’enthousiasme en faveur de la première présidente n’a pas l’intensité de la ferveur qu’avait suscitée dans notre pays le premier Président noir. Chacun est conscient de la faiblesse de l’offre face aux problèmes auxquels le monde est confronté et qu’Obama n’a guère contribué à résoudre. Cette réserve devrait nous inciter à regarder moins en direction des Etats-Unis et nous ôter le désir de les imiter. Qu’un parti se soit appelé chez nous, « Les Républicains », et qu’il se soit lancé dans des primaires est inquiétant. Il est temps que la France retrouve sa voie et son identité. Notre Constitution appelle à la Présidence un homme que les Français choisissent, non le représentant d’un parti.
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