Il faut déconstruire les stéréotypes. Tel un leitmotiv, cette formule est devenue le slogan de l’idéologie de la gauche. Depuis que celle-ci a compris que sa politique économique condamnait sa politique sociale, elle se replie dangereusement sur les valeurs et les comportements. Depuis qu’elle sait qu’en prétendant mieux répartir les richesses, on en produit surtout moins, la gauche a renoncé à être réformatrice sociale pour devenir révolutionnaire morale. Cette évolution correspond à son glissement sociologique. Les ouvriers l’ont quittée. Les bobos les ont remplacés, sans problème de fin de mois, mais avec des envies de libération morale. Il faut donc que l’école « de la République »produise en série des consciences pures comme des pages blanches, lavées des vilains préjugés inculqués par les familles, uniquement munis de leur raison de membres indistincts de l’humanité. Jusque là, on est en terrain connu, celui de l’école laïque chère à Ferdinand Buisson à qui Vincent Peillon donne de façon émouvante une nouvelle jeunesse. L’ennemi est la religion, surtout si elle est catholique. Une telle conception reconnaissait toutefois l’objectivité d’un certain nombre de repères : l’appartenance nationale à travers la langue et l’histoire, la cellule familiale comme partenaire éducatif de l’instituteur, la science expérimentale comme fondement du savoir, la République comme socle des valeurs. Or, aujourd’hui la nation est condamnée à la repentance et à l’humilité face aux communautés de toutes sortes, la famille est subvertie avec acharnement, des théories loufoques, comme le « Gender » envahissent le pays de Descartes et de Claude Bernard, la République n’est plus le Bien Commun, mais un outil idéologique de division. Désormais, il s’agit non seulement d’éliminer les préjugés et les traditions contraires au progrès, il faut déconstruire et remplacer.
Maintenant, il faut détruire les vilains stéréotypes, ces préjugés qui sont véhiculés par le groupe auquel on appartient. Malheureusement ces stéréotypes constituent l’identité d’une communauté, définissent des comportements qui ont été sélectionnés par l’histoire parce qu’ils étaient utiles à la vie commune. Leur négation est une remise en cause du droit à l’identité et à la différence. Or ce droit à la différence est un poncif de gauche. D’où vient cette contradiction ? Du choix idéologique entre les bons et les mauvais stéréotypes. Certains font partie de l’identité de groupes minoritaires. Ils fondent, aux yeux de la gauche, le droit à la dignité de ceux-ci et doivent donc bénéficier d’une discrimination positive. Quand ils deviennent intolérables, ils justifient la chasse aux stéréotypes majoritaires par souci d’égalité. Pour un observateur un peu critique, ce tête-à-queue produit des effets croustillants. Pour lutter contre l’infériorisation vestimentaire des femmes dans la culture musulmane, on a interdit les signes religieux, y compris les petites croix qui ne gênaient personne. Derrière ce renouveau de la laïcité de combat, se profilait un autre objectif : lutter contre la présence excessive des stéréotypes liés aux sexes dans la mentalité musulmane et porteurs de discrimination. Il aurait été simple de dire que la France prône l’égalité entre les sexes et que les gens qui veulent y vivre doivent s’y conformer. On en est arrivé a contester la validité de la différence sexuée.
L’égalité n’est pas la confusion. Toute culture repose sur une reconnaissance des identités sexuées et de leur complémentarité qui est la source de son avenir. Chaque société organise les rôles sociaux dévolus aux sexes. A partir de cette identité et de ce rôle se forgent des modèles, des « pattern », des « idéaltypes » qui s’inscrivent dans les mentalités. Ils forment à leur tour une identité culturelle. Que celle-ci évolue, que la politique modifie les statuts juridiques vers plus d’égalité est légitime. Que l’on veuille détruire une mentalité et les valeurs qu’elle porte en faisant la chasse aux stéréotypes, c’est de l’assassinat culturel, du totalitarisme inacceptable dans une démocratie. Lorsqu’on vise notamment les stéréotypes propres à la majorité de la population, alors on est sur la route de la servitude, celle de 1793, celle de 1917, celle de la Révolution Culturelle, ces tragédies meurtrières qui ont conduit à d’absurdes et sanglantes impasses. Si des gens n’ont rien à faire en République, ce sont ceux qui parlent sans cesse de changer les mentalités. L’Etat doit viser le Bien Commun, diriger les affaires communes et protéger les personnes. Il n’a aucun droit à modeler les mentalités, à éradiquer les traditions, à faire de chaque enfant une page blanche sur laquelle il écrirait l’idéologie de l’homme nouveau. Il en a encore moins le droit lorsqu’il en vient à contester non des représentations culturelles, mais des réalités objectives comme les sexes biologiques. Qu’un petit garçon devienne un père et se fasse appeler « papa » est infiniment plus probable et raisonnable pour lui que pour sa soeur. La perte des repères et la transformation des cerveaux en bouillie pour les chats n’est pas une libération, mais au contraire la préparation de générations d’individus, de consommateurs notamment, particulièrement malléables lorsque modes et pulsions auront remplacé ces stéréotypes qui permettent de savoir qui on est et ce que l’on doit faire. Il n’y a pas de liberté sans devoir que l’on choisit d’accomplir ou non, mais que l’on connaît.
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