La renonciation de François Hollande à se représenter a évité à la gauche d’assumer un bilan jugé catastrophique par la plupart des Français et rejeté par beaucoup d’électeurs de gauche qui considèrent que le Président a trahi les promesses du candidat. Ce refus devant l’obstacle aurait dû achever l’image de la gauche dans l’opinion et conduire à l’affrontement annoncé entre la candidate du Front National et celui des Républicains. Manuel Valls, en porteur de la légitimité socialiste, aurait affronté la tempête en se préparant pour le coup d’après. Héritier de la gauche de gouvernement, cet oxymore voué aux critiques internes et externes, tiraillé par les contradictions, Manuel Valls aurait réuni le dernier carré du PS, abandonné par ceux qui l’accusent d’avoir joué les Brutus, malmené par les frondeurs qui lui reprochent son 49/3 en rafale et des positions « droitières » sur la sécurité, l’immigration, le travail. Droit dans ses bottes et le front haut, il aurait subi la défaite avec dignité et aurait pris la tête d’une opposition « blairiste » prête à succéder aux excès du « Thatcher » français, François Fillon. Mais, l’Histoire ne se répète jamais de façon identique.
La disparition de François Hollande de l’avenir de la gauche l’efface aussi dans le présent, comme si le retrait du personnage qui incarnait le bilan du mandat remettait les compteurs à zéro, redonnait à la gauche sa pleine virginité. D’habitude, la gauche était « sortie » du jeu en raison des conséquences négatives de son passage au pouvoir sur le plan économique ou sur celui de la sécurité, mais elle conservait l’héritage d’une « conquête » sociale, comme la diminution du temps de travail, ou celui d’une avancée symbolique comme l’abolition de la peine de mort pour les assassins. Au bout d’un mandat d’une « droite » qui n’avait pas osé, une fois de plus, remettre en cause ces réformes pernicieuses, la gauche revenait, toute fraîche, avec de nouvelles utopies. Cette fois, ne restera que le « mariage unisexe » qui n’intéresse pas grand monde. Alors, la gauche va oublier ce passé récent et se refaire une santé afin d’être présente au second tour de l’élection présidentielle. Ce n’est pas gagné, mais c’est possible.
Si on met à part le futur mort congelé dans un sombre passé, qu’incarne Mélenchon, il reste deux cartes à jouer. La première avance masquée. Elle porte l’effigie de Macron. C’est le candidat du « ni-ni » intégral qui essaie de se faire passer pour celui du « et-et ». Ni droite, ni gauche, il dit puiser les bonnes idées de l’un et de l’autre côté. La première est la tarte à la crème de la réconciliation entre la liberté et l’égalité. C’est impossible : soit la liberté l’emporte, et l’inégalité des talents engendre des inégalités de condition ; soit la volonté d’imposer l’égalité nécessite de limiter la liberté, par exemple au niveau de l’école. En fait, M. Macron se soucie peu de l’inégalité sociale. Il revendique « l’égalité des libertés », une jolie pirouette sémantique qui illustre son positionnement « social-libéral » qu’il qualifie de progressiste. Derrière les slogans creux tels qu’il faut « aller plus loin », « donner du souffle » ou encore « renouveler le paysage politique », on retrouve l’addition des mesures de libéralisation de l’entrepreneuriat, d’ouverture des frontières et d’individualisme des comportements qui caractérisent les idéologues de la mondialisation heureuse, lesquels passent effectivement la France et les Français qui auront du mal à suivre, par pertes et profits. Minc, Attali, Cohn-Bendit, et Macron, même combat pour chasser le « caduque » et « l’obsolète »! Mondialisation, accueil des réfugiés qui seraient une force, renforcement de l’Europe grâce à un partenariat franco-allemand réaffirmé, rejet des mesures identitaires, nationalité comptant moins que la résidence, révèlent que Macron est bien de gauche, et de la pire, celle qui cumule l’individualisme libertaire avec l’oubli de la nation. Si un certain nombre de constats et de propositions économiques sont valables, ont-ils le moindre sens, s’ils ne visent pas d’abord à la restauration de l’indépendance et de la puissance du pays, et au rayonnement d’une identité culturelle préservée ? Garantir un bon niveau de vie à ceux qui habiteront l’hexagone dans l’avenir n’est pas un projet politique. En revanche, assurer aux Français de sauvegarder leur héritage, unique au monde, et de mieux vivre dans un pays qui aura enfin rétabli sa compétitivité face à ses concurrents, est une véritable ambition politique.
L’autre carte est celle assez inattendue de Hamon. C’est au contraire celle de la gauche en pleine lumière. La France traîne quarante ans de déficits et le boulet d’une dette contractée à l’étranger qui peut devenir insupportable si les taux remontent. La France investit insuffisamment. Elle croule sous une dépense publique pathologique financée, en partie seulement par des prélèvements obligatoires asphyxiants, décourageants, et aussi par l’emprunt. Il faudrait faire exploser ce système mortel. Hamon l’accentue, l’alourdit encore. Il arrive comme illuminé par une révélation divine. Il a sa pierre philosophale, « LA » mesure sans laquelle la gauche ne serait plus la gauche, le revenu universel d’existence, complètement infinançable, avec ses 300 Milliards de coût. Cette lubie est prise au sérieux. Elle fait l’objet de débats. Elle réanime la gauche toujours disposée à croire que tout est possible dès lors que l’Etat le décide. Peut-être va-t-elle permettre au « frondeur » d’emporter la primaire. Dès lors les électeurs de gauche qui auront retrouvé l’espoir auront le choix entre le flou et le fou. Espérons que les Français seront assez nombreux pour rappeler que la politique a besoin de clarté et de cohérence.
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