Si ceux qui dirigent actuellement la France se distinguent par leurs nombreux va-et-vient, il n’en va pas de même au sujet des questions fondamentales du respect de la Vie et de la Famille. Depuis 2012, l’arsenal législatif dresse progressivement un autel voué au culte de l’idéologie libertaire. Après le mariage pour tous, c’est l’euthanasie et l’avortement qui semblent être les nouvelles priorités gouvernementales. Comme à chaque fois, ceux qui osent parler des véritables enjeux sont relégués au rang de « moyenâgeux ». Ce procès en modernité s’observe tout particulièrement dans la sphère médiatique où les rares invités comme Jean-Marie Le Méné, Président de la Fondation Jérôme Lejeune (voir ici et là), sont conspués par tous les chroniqueurs et le public. Profitons donc d’internet, espace de libre expression, pour rappeler que la liberté donné à chaque individu est accompagné d’une autre exigence : celle de la responsabilité.
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Peut-on concevoir la liberté sans les responsabilités qui l’accompagnent ?
Il est impossible aujourd’hui d’évoquer calmement l’avortement tant ses défenseurs ne veulent pas remettre en cause ce prétendu « droit imprescriptible» de disposer de son propre corps. Or comme le soulignait Victor Hugo, « tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité ». Dès lors, parler de liberté sans contrepartie est la porte ouverte à toutes les permissivités et le début de la négation de l’autre. Au même titre que les libertés politiques ne peuvent être assurées si l’on refuse la liberté d’expression ou la protection du citoyen, le droit des femmes à disposer de leurs corps ne doit pas être envisagé sans la responsabilité. Faire fi de ces contraintes est une vision très réductrice de la véritable liberté.
Proclamé à outrance depuis 1968, l’IVG se traduit exclusivement par le droit d’avorter sans se soucier des conséquences. Or nos actes doivent répondre à une certaine éthique de responsabilité. Dans la terminologie wébérienne (Max Weber, Le Savant et le Politique) il est nécessaire de distinguer ceux qui adoptent constamment une éthique de conviction et agissent conformément à un certain dogmatisme et l’éthique de responsabilité qui repose sur l’acceptation de faire face aux conséquences de ses actes. Or, cette prise de conscience ne peut se faire que si l’on considère que l’embryon est déjà un être humain en devenir bien vivant ce que ne manque pas de nier les protecteurs acharnés de l’avortement.
La vie ne se décrète pas : nier cette évidence revient à sélectionner ceux qui sont dignes de vivre
La négation de l’être in utero leur permet de comparer l’IVG à un simple acte médical. Pourtant, la vie ne se décrète pas et la fixation d’une prétendue limite est complètement arbitraire comme en témoigne les différentes réglementations dans le monde. Alors qu’en Autriche il est légalement permis d’avorter jusqu’à la 4ème semaine, la date limite est fixée à 12 semaines (après le premier jour des dernières règles) en Suisse, 14 en Allemagne et en France et jusqu’à la 18e semaine en Suède. Ces différences montrent clairement qu’il n’existe aucun consensus sur ce sujet, preuve que le moment où l’on considère les embryons comme des êtres humains procède d’un raisonnement absurde.
La négation de l’être se base également sur la prétendue absence de sensibilité et de conscience de l’embryon. Au-delà du fait que cette assertion soit parfaitement discutable du point de vue scientifique, il est dangereux de classer un être parmi les vivants en l’évaluant par rapport à ses fonctions cognitives. Au prétexte qu’il ne serait pas encore totalement formé il n’aurait pas ce caractère humain, c’est à dire la capacité intellectuelle à avoir conscience de son être, mais peut-on demander une telle chose à un nourrisson de 3 mois ? La question se pose également pour les personnes malades et/ou en fin de vie puisque les futures réglementations prévoient une libéralisation de l’euthanasie. Réifier l’embryon c’est nier l’être humain en devenir, réifier l’homme malade c’est répondre à la logique du totalitarisme et revient à sélectionner ceux qui sont encore dignes de vivre.
Cette stratégie globale se glisse de manière sournoise dans la plupart des manuels de SVT puisque l’on y peut lire désormais que la « cellule oeuf » est la première étape de la formation de l’embryon. Or dès la fécondation entre le spermatozoïde et l’ovule se forme l’embryon, ou zygote, avec un patrimoine génétique unique car il s’agit d’un individu unique et irremplaçable. Parler de « cellule oeuf » est une manière de brouiller les pistes puisqu’elle peut faire penser à un simple ovule non fécondé. Cette conception idéologique totalement dénuée des réalités biologiques et éthiques témoigne donc d’une volonté d’affranchir l’homme de son héritage et de construire un ordre artificiel ne reposant que sur le dogmatisme le plus forcené.
La construction d’un « ordre artificiel » n’est qu’une vaine tentative d’affranchir l’homme de ses responsabilités
L’intervention du législateur, toujours plus croissante dans ce domaine, est très inquiétante car ses nombreux projets de lois liberticides ne sont que des actes qui visent à renforcer son pouvoir et contrôler la vie privée des personnes. La liberté de l’individu s’en trouve réduite puisque les « délits d’entraves à l’avortement» vont se retrouver renforcés et la tentation est actuellement grande pour les gouvernants de réduire l’accès des sites d’information parlant objectivement des conséquences de l’IVG. Il n’est pas vain de dire que l’on se dirige vers une « pente fatale » conduisant à la « servitude » qui ici est purement idéologique (Friedrich Hayek, Droit, législation et liberté) puisque, désormais, de la conception à la fin de vie en passant par l’éducation et le mariage, tous les passages symboliques de l’être humain sont encadrés de manière dogmatique par l’État.
N’en déplaise au défenseur de cette nouvelle religion libertaire nous nous ne sommes pas des êtres auto-crée comme le rêvait les grecs avec le mythe de l’autochtonie. Nous sommes tous la conséquence de l’éthique de responsabilité de nos parents. Saint Augustin traduit bien la dette morale et spirituelle que nous leur devons : « Qu’avons-nous que nous n’ayons point reçu de vous ? » (Les Confessions). Mais c’est le propre de l’ordre moral incarné par la gauche que d’instaurer un « ordre artificiel » (Philippe Nemo) s’affranchissant de la loi naturelle la plus élémentaire. Tout cela explique l’orientation idéologique par la loi au niveau des choix relevant pourtant de la liberté même de l’individu comme en témoigne l’utilisation du congé parental qui empêche le couple de s’organiser librement ou encore des cours de propagande enseignés à la maternelle avec le programme « l’ABCD de l’égalité ».
La véritable liberté laissée aux individus ne peut s’épanouir que par une attitude éthique et responsable
La liberté de l’individu par son autonomie reconnue ne signifie pas que l’homme puisse créer des normes artificielles en s’affranchissant de toutes les contingences naturelles : « La loi naturelle n’est rien d’autre que la lumière de l’intelligence mise en nous par Dieu » rappelait Jean-Paul II. Dès lors, cette loi non écrite ne peut se révéler que par la raison et la mise en oeuvre d’une éthique de responsabilité.
Le pouvoir de supprimer la vie que l’Homme s’est arrogé en toute légalité depuis la loi Veil constitue le véritable problème auquel doit répondre, une nouvelle forme de responsabilité qu’avait définie Hans Jonas (Pour une éthique du Futur). Cette dernière devant être dissociée de la responsabilité traditionnelle qui naît des rapports de la propriété ou de l’obligation de réparer le tort fait à autrui. La « responsabilité jonasienne» a pour but d’interdire à l’Homme d’entreprendre toute action qui pourrait mettre en péril l’existence des générations à venir. C’est pourquoi l’utilisation de l’avortement à des fins personnelles et eugénistes peut conduire à ce qu’il nomme une « éventualité apocalyptique ». Pour y remédier nos actions doivent toujours être guidées en fonction d’une « connaissance préalable à l’agir ».
Emmanuel Levinas (Difficile liberté) prolonge la réflexion entre le rapport éthique que l’on peut entretenir avec autrui qui est désarmant dans sa vulnérabilité. Dès lors, « le meurtre est possible quand on n’a pas regardé autrui en face. L’impossibilité de tuer n’est pas réelle mais morale […] le regard moral mesure, dans le visage, l’infini infranchissable ou s’aventure et sombre l’intention meurtrière ». La contemplation du visage d’autrui, ici l’embryon, doit être considéré comme un appel à limiter notre propre liberté en faveur d’une responsabilité à son égard. La responsabilité permet de nous affranchir de notre propre égoïsme en acceptant l’autrui qui est « l’absolument autre ».
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Depuis 1975, on estime que l’avortement a supprimé 8 millions d’être vivants en France. Derrière ce vide se cachent les souffrances de nombreuses familles car les conséquences psychiques sont bien réelles. Si l’avortement n’était qu’une formalité médicale, pourquoi n’y a-t-il personne pour témoigner dans les médias de sa propre expérience et dédramatiser l’acte ?
Si les lois naturelles sont immuables les lois artificielles sont variables dans le temps et ne sont que le fruit d’une majorité temporaire. Continuons ainsi sans relâche à exprimer notre point de vue pour défendre la Vie à tous les stades car, au final, « il n’est de richesse que d’hommes » (Jean Bodin).
Dessin : DBoch (Bafweb)
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