Le synode, victoire de l’athéisme ?

Durant les dernières semaines votre serviteur a refusé de publier le moindre commentaire sur le synode qui se préparait puis s’est réuni à Rome autour de la question de la famille. Il a suivi les commentaires et les débats avec intérêt, mais n’a pas souhaité y prendre part, considérant que durant ces semaines, c’est surtout de paix dont avait besoin le peuple de Dieu.

Le bilan qui est sorti de ces événements est temporaire. Le document final est en demie-teinte et ne contente pas grand monde pour l’heure. Pour le document final, suivi des décisions papales ayant valeur de règle dans l’Eglise universelle, il faudra attendre fin 2015. En attendant, les interprétations sont largement superflues et sujettes à l’erreur.

Pourtant, contre toute sagesse, tout le monde a souhaité y aller de son commentaire, de son avis péremptoire, pointant le risque de schisme, de rupture, d’hérésie même d’un côté, tandis que l’autre camp faisait état de sa déception. On a tout lu, et notamment beaucoup de discours haineux ou fielleux dont tout amour chrétien était absent. Où est Dieu dans tous ces commentaires qui ont entouré le synode dans le monde ?

Les pères synodaux et le pape se sont trouvés bien seuls à chercher comment faire vivre les hommes au rythme de la vie chrétienne, aujourd’hui. Jusqu’au cœur de leurs débats il s’est trouvé des personnes plus occupées de leur parti que de la recherche du juste. Il n’est pas habituel dans la vie de l’Eglise de voir des cardinaux s’exprimer publiquement, contre le pape ou contre leurs frères dans l’épiscopat avec la véhémence que nous avons vu ces derniers temps. En ce sens, le document de synthèse qui vient d’être publié, même s’il mécontente, est une belle réussite d’apaisement. Il ouvre une voie d’un an pour réfléchir au meilleur chemin à emprunter pour que la famille du XXIe siècle puisse se sentir accueillie par son Dieu et apte à vivre à son diapason.

La réflexion à laquelle le pape invite les évêques du monde et les fidèles est une nécessité. Durant ces semaines, nous avons préféré nos partis, nos petites doctrines parées des oripeaux de la grande doctrine de l’Eglise, et nous en avons oublié Dieu.

Parmi les tenants du magistère actuel, ou de la théologie de la famille enseignée par le bienheureux Paul VI puis saint Jean-Paul II les tribuns n’avaient que la saine doctrine à la bouche. Pour eux, il fallait sauver la doctrine, la vérité, le magistère, la tradition. Mais ces choses, invoquées seules, ne sont que des lettres mortes. Elles sont l’expression vivante de la loi de Dieu, de ses droits sur sa Création, et de sa volonté pour nos vies. Or, Dieu fut l’absent de ces diatribes. On a vu des évêques s’insurger contre le sabotage du magistère issu des quatre précédents pontificats. On a entendu des prêtres s’inquiéter de ce que les vingt dernières années de leur pastorale auprès des couples allaient devenir caduques et les faire passer pour des faussaires. Tout cela fut un grand numéro de « moi je », « moi je ». Mais des droits de Dieu il ne fut jamais question. De sa loi inscrite dans la Bible et la Tradition, très peu parlèrent.

Les partisans d’une évolution magistérielle vers l’accès à la communion pour les divorcés remariés ou vers la reconnaissance de fait des unions homosexuelles n’avaient que la charité à la bouche, mais de Jésus Christ il fut peu question, ou bien en tronquant sa parole. L’évêque émérite d’Oran développa dans les colonnes de La Vie un très long discours essentiellement de canoniste et de moralisateur, centré sur l’homme et la sincérité de son amour. Mais n’est-ce pas l’Amour de Dieu pour sa Création qui prime ? N’est-ce pas le plan de Dieu pour l’humanité qui doit être le premier servi ? C’était le parfait écho aux discours du cardinal Kasper, présenté comme le maître à penser du pape François, qui n’a traité le problème des divorcés que sous l’angle d’une procédure juridique spécieuse et dont on devine bien que son extrême complexité la rendrait inapplicable et déboucherait sur le laisser aller et le laisser faire. Où est la clarté de la justice de Dieu ? Le pape, justement, s’est bien gardé de suivre ces chemins étroits. Mais, hélas, sa voix, qui devait être la plus écoutée, le fut moins, dans la presse, que celle des commentateurs idéologues qui ont occulté le message de Jésus Christ dont il se faisait le porte-parole.

Des commentateurs, des évêques, des prêtres, des journalistes, y sont tous allé de leur laïus sur la saine doctrine, sur la miséricorde, sur la charité, mais il ne fut jamais question de la grâce de Dieu infusant dans la vie des couples. Il ne fut pas question du Tout Puissant au nom duquel, pourtant, s’accomplissent chacun de ces actes. Les journalistes, les premiers, et notamment dans la presse catholique, en livrant une vision essentiellement partisane des courants présents au synode, en se contentant d’une lecture soit pastorale, soit doctrinale et presque jamais théologique ont donné à lire une analyse, en définitive athée, car ayant évacué Dieu. Ce n’était plus la doctrine de l’Eglise dès lors, mais l’idéologie accaparée par un parti. Bien sûr que la Vérité est importante. Bien sûr que la charité est essentielle. Evidemment on ne peut pas vivre sans miséricorde. Mais tout cela ne prend sens qu’autour de Dieu. Or, il semble que ceux qui suivirent l’actualité du synode l’aient allègrement oubliés.

Pourtant, on ne peut pas croire que tous ces hommes ne soient pas croyants, qu’ils n’aient pas fait de Dieu le centre de leur vie. Mais tous occupés à leur empoignade générale, ils en ont oublié le principe même de leur existence, celui qui lui donne son sens. Quelle tristesse !

Il n’y a guère que le pape François et les pères synodaux qui aient su maintenir Dieu au centre de leur réflexion et de leur parole durant ces temps. C’est l’essentiel ! Mais il n’est parvenu jusqu’à nous qu’une voix déformée et atténuée par le prisme de tous les commentateurs laïcs et ecclésiastiques, plus occupés de voir midi à leur porte que l’action de l’Esprit Saint.

Votre serviteur a même entendu, en chaire, dimanche 19 octobre, un prêtre parisien exerçant son ministère dominical à Chartres (il se reconnaîtra sans doute s’il lit ces lignes), parlant sous la protection de sainte Thérèse d’Avila, proclamer qu’il préférait un prêtre annonçant la Vérité à un prêtre saint qui ne saurait communiquer cette Vérité au monde. La dialectique pernicieuse de ces dernières semaines s’y trouve condensée. On y oublie allègrement que le saint vit de la Vérité, que sa vie est un exemple qui inspire ceux qui le voient. On y oublie que le saint parle presque toujours avec éloquence des choses de la foi, et ce avec le secours de la grâce, même lorsqu’il est ignorant. Avons-nous oublié que Moïse, bègue et malhabile, tonnait devant Pharaon et les Hébreux la Vérité de Dieu ? Comment un homme qui n’est pas saint pourrait-il annoncer la Vérité sans mentir ?
On ne peut pas avoir la saine doctrine, c’est à dire l’intelligence de la foi, sans vivre de la grâce ou du moins chercher à en vivre, et il est difficile d’avoir la grâce si on ne se nourrit pas de l’intelligence de la foi. Les deux pans du manteau sont attachés ensemble par cet équilibre. A préférer l’un au détriment de l’autre, on risque de devenir un censeur, ou esprit absent.

De la même manière, charité et vérité avancent ensemble à l’imitation de Jésus Christ qui disait vrai et disait le vrai avec l’amour toujours nécessaire et suffisant.

En oubliant les droits de Dieu sur son peuple et en l’évacuant des débats pour ne se concentrer que sur les partis en présence et le sort de tel ou tel groupe de fidèles, nous tous qui, en privé ou publiquement, avons pris parti avant de lire attentivement, avons préféré lancer nos jugements plutôt que d’écouter, nous avons donné à voir le visage d’une Eglise défigurée par des divisions. Nous avons un an, d’ici à l’automne 2015, pour réparer ces fautes en priant, en plaçant Dieu au cœur de notre réflexion, de notre action, et en le disant hautement.

De cette remise à l’endroit des priorités il ne peut que sortir l’équilibre que nous cherchons à atteindre entre Charité et Vérité pour offrir ce qui leur est nécessaire aux hommes d’aujourd’hui.

> Gabriel Privat anime un blog.

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84 Comments

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  • C.B. , 23 octobre 2014 @ 10 h 08 min

    Je crains que les catholiques et vous n’ayez pas la même interprétation du mot “amour”.
    Vous semblez également vouloir ignorer que le plus grand nombre des actes pédophiles (à proportion des effectifs des populations) est commis par des gens vivant en couple, ce qui est quand-même rare chez les prêtres catholiques: autrement dit, le célibat semble statistiquement ne pas constituer un facteur aggravant.
    À ma connaissance, les sœurs clarisses de Namur ont simplement offert à Michèle Martin une alternative à la prison (liberté conditionnelle): un cloître de clarisses est plutôt moins confortable qu’une prison moderne.
    Quant aux paroles du Christ à la femme adultère, certes il commence par “je ne te condamne pas non plus” pour ajouter aussitôt, ne l’oublions pas “va et ne pèche plus”.

  • hermeneias , 23 octobre 2014 @ 10 h 12 min

    “Bon” cap000 ( pseudo mystérieux mais votre cap me semble peu sur….)

    Nous y voilà avec “l’amour” / “désamour” “sincère” alors qu’il s’agit , au delà de votre ou notre subjectivité/sincérité ou psychisme , de se rendre ou d’acquiescer à un Amour qui nous transcende et nous a créé et qui est notre Fin si nous le voulons .

    Mais il est vrai que mariage civil et mariage chrétien n’ont que très peu à voir dans le contexte d’une ré-publique laique .
    Que la chose publique , pauvre fille de “joie” , fasse ce qu’elle veut sur son trottoir mais que l’Eglise n’y mêle pas Dieu et l’Amour qui ne passera JAMAIS

  • C.B. , 23 octobre 2014 @ 10 h 12 min

    D’autres avant vous, “Militant”, ont prophétisé la destruction de l’Église: et ont disparu alors qu’elle existe toujours.
    En 1905, la loi de séparation de l’État et des églises allait éradiquer le catholicisme en France en moins de dix ans: belle prédiction.
    L’Église Catholique est plus moderne que les écologistes-progressistes: en particulier Humanae Vitae est à l’avant-garde. Cinquante ans après sa parution, elle est toujours à la pointe de la pertinence.

  • C.B. , 23 octobre 2014 @ 10 h 21 min

    Où avez-vous vu, “telleh”, une “raide fidélité à une loi intransigeante”?
    Mettez-vous “intransigeance” pour couvrir “indissolubilité du mariage”? pour “ouverture à la vie” (qui suppose a minima sa faisabilité, donc l’union du mâle et du femelle).
    Le sacrement catholique de mariage unit l’homme (prêt à donner sa vie par amour pour celle qu’il aime comme le Christ a donné sa vie pour l’Église) et la femme (à l’image de l’Église épouse du Christ). Rien à voir avec un sentimentalisme susceptible de fluctuations.

  • Cap2006 , 23 octobre 2014 @ 10 h 21 min

    D’autant que Jean Paul II, protecteur des pretres pédophiles et originaire d’un pays qui annule 6 à 7 000 sacrements du mariage par an… un peu de recul paraissait necessaire pour sauter par dessus l’effet marketing.

    JPII rock star certes…

  • C.B. , 23 octobre 2014 @ 10 h 24 min

    Erreur, “cap2006”: un mariage catholique ne peut pas être annulé mais seulement reconnu comme nul, c’est-à-dire n’ayant jamais eu la validité d’un sacrement.
    C’est foncièrement différent d’un divorce.

  • C.B. , 23 octobre 2014 @ 10 h 31 min

    Non, Victoria, dans l’Église catholique on ne peut pas dire que “de nos jours on se marie et on se dé-marie comme on achète un paquet de cigarette sans voir à quoi on s’engage”.
    Le sacrement de mariage ne comporte aucun “démarriage” possible: il n’y a pas de divorce, et l’annulation de mariage est tout-à-fait différente (c’est une reconnaissance de nullité de procédure … comme si quelqu’un déjà marié civilement et non divorcé contractait un deuxième mariage civil: celui-ci serait reconnu comme nul de plein droit).

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