par Hubert Montmirail
La considérable avance de François Fillon sur Jean-François Copé dans les sondages expliquerait vraisemblablement les derniers épisodes : multiplication des allusions au mal-vivre des Français de la part du député-maire de Meaux, nervosité dans l’appareil de l’UMP, retournements de certains soutiens à Jean-François Copé ou anticipation de son éventuelle défaite par ses proches ou par l’intéressé lui-même…
Jean-François Copé aux abois ? Il semblerait que, depuis trois semaines, l’équipe de Jean-François Copé patine. D’où les ultimes polémiques destinées à rattraper l’écart dans les sondages : racisme anti-blanc, affaire du « pain au chocolat »… Si le contexte a sa part, les proches de Jean-François Copé semblent perdre pied, ne savant plus quoi faire pour combler cet écart. Le hic est que ce qui semblait fonctionner en pleine campagne présidentielle ne parvient pas à prendre dans une élection interne. Mais la véritable raison est là : Jean-François Copé n’est pas Nicolas Sarkozy, et François Fillon bénéficie d’une bonne image auprès des Français, y compris de la part d’électeurs que son compétiteur cherche à séduire. En effet, même auprès des électeurs du FN, François Fillon a une bonne image. C’est bien l’image que donnent les protagonistes qui conditionne tout. François Fillon dispose d’une image d’homme politique consensuel, forgée notamment lors de son séjour à Matignon, alors que Jean-François Copé continue à apparaître comme un jeune loup ambitieux. En effet, François Fillon engrange les cinq années qu’il a passé auprès de Nicolas Sarkozy. En apparaissant comme le contrepoids paisible d’un Président qu’il a accompagné, François Fillon a finalement acquis une crédibilité. Cela lui permet à la fois d’assumer et de critiquer l’héritage sarkozyste. En effet, il peut d’autant plus le critiquer qu’il a été proche de l’ancien président de la République. Jusqu’où ira cette distance ? On sait que Nicolas Sarkozy lorgne sur l’UMP et qu’il souhaite y garder ses pions. Il l’a récemment fait comprendre. Le prédécesseur de François Hollande dit prendre de la distance avec la politique, mais son envie de retourner dans la « mare », guettant le moindre signe favorable, est un secret de polichinelle. On comprendra aussi la raison pour laquelle Jean-François Copé dit soutenir Nicolas Sarkozy : en cas de victoire de François Fillon, ses partisans pourront appuyer l’ancien président de la République…
Nervosité à l’UMP. Quant au siège de l’UMP, les tensions sont assez vives depuis quelques semaines. À l’approche du 18 novembre, les clans se cristallisent, se figent ou se soupçonnent. Les plus exposés à cause de Jean-François Copé brûlent leur dernière cartouche, car ils savent qu’ils n’ont rien à perdre, et redoutent ceux qu’ils soupçonnent d’avoir fait allégeance au prévisible prochain président de l’UMP. Pis : tout peut devenir prétexte à une séparation avec certains collaborateurs. D’où certaines réactions. Inversement, certains cadres du parti sont dans le collimateur de l’équipe de campagne de François Fillon. On accuse ainsi certaines instances d’être « sous influence »… Il semblerait que deux camps soient apparus à l’intérieur même de la rue de Vaugirard. En réalité, l’approche du 18 novembre ne peut qu’instiller un climat de nervosité.
Xavier Bertrand roule-t-il pour Copé ? Certes, il ne s’est pas prononcé pour les deux candidats, mais on note que Xavier Bertrand semble faire des petits clins d’œil à Jean-François Copé, comme on l’a vu dimanche 14 octobre, sur France 5 (émission “C politique”) : « avec Jean-François Copé, nous ne nous sommes jamais autant parlé que ces dernières semaines ». Mais aussi : « Nous sommes certainement lui et moi beaucoup plus complémentaires que certains ne l’imaginent. » Enfin : « le choix final, je ne le ferai pas en fonction de la sympathie que l’on peut avoir pour l’un ou pour l’autre, ou des antipathies passées. À un moment ou à un autre, il faudra tourner la page ». Allusion probable à son inimitié pour Jean-François Copé qui lui succéda à la tête de l’UMP en 2010. Enfin, autre proximité avec Jean-François Copé : le recours à la rhétorique copéiste selon laquelle les sympathisants ne sont pas les adhérents de l’UMP… Au lieu de faire comme François Baroin ou Claude Guéant, il a préféré tenir compte de son incapacité à intégrer objectivement la « Fillonie ». N’attendant rien de François Fillon –Xavier Bertrand lui reproche son absence de soutien à sa candidature à la présidence du groupe UMP à l’Assemblée nationale – le député de l’Aisne préfère ménager l’actuel secrétaire général de l’UMP. Cette démarche est assez curieuse, alors que les proches de Xavier Bertrand soutiennent François Fillon.
Panique à bord ? Quand on voit le pouvoir se dérober sous ses pieds, plusieurs réactions sont possibles. Il y a d’abord les retournements. Certains élus, jusque là mouillés pour Copé, semblent retrouver des ardeurs unitaires et n’hésitent pas à venir dans les réunions organisées en faveur de François Fillon… Il y a ensuite les anticipations. À défaut de faire gagner Copé, parce que cela devient impossible, on encourage, dans le cadre de la mise en place des mouvements de l’UMP, les motions « sarkozystes », comme la « Droite forte » de Guillaume Peltier et Geoffroy Didier. En effet, le 18 novembre 2012, les adhérents devront aussi se prononcer sur les motions qui leurs seront soumises. D’après les sondages, cette motion arriverait en tête dans les soutiens. Enfin, il y a des réactions moins glorieuses : paranoïa et panique qui se traduit par la mise au rancart de certains permanents… Pour rester sur un registre plus rationnel, il semblerait qu’en haut-lieu la défaite de Copé ait été anticipée depuis plusieurs mois.
Jean-François Copé a passé en revue toutes les hypothèses, y compris sa défaite. En réalité, Jean-François Copé a bien envisagé plusieurs scénarii possibles, dont la défaite à la présidence de l’UMP. On en voit les signes par le soutien à la « Droite forte », les manœuvres d’externalisation auprès de prestataires extérieurs à l’UMP ou l’appui à Nicolas Sarkozy… Créer un parti concurrent à l’UMP ? Cela ne peut être exclu vu les « moyens » hors UMP (son mouvement Génération France, son recours à une boîte de communication gérée par l’un de ses proches…) dont le secrétaire général de l’UMP dispose. Créer un opposant institutionnalisé à l’intérieur même de l’UMP ? On le perçoit par l’appui logistique à la « Droite forte » (ce courant a pu ainsi organiser des réunions au sein de l’UMP). La remontée pour la victoire ? On le voit par les différents pavés dans la mare lancés par Jean-François Copé. Enfin, la proximité affichée avec Nicolas Sarkozy que l’on constate par la décoration de son bras droit, Jérôme Lavrilleux, démontre que Jean-François Copé peut se rabattre sur l’ancien président de la République face à François Fillon. La grande différence entre le copéisme et le fillonisme est que l’un est plus soluble que l’autre dans le sarkozysme. D’un point de vue idéologique, on peut dire que le sarkozysme peut être soldé de différentes manières. Jean-François Copé représenterait la ligne orthodoxe, tandis que François Fillon incarnerait la tendance révisionniste…
En tout état de cause, les rapports Copé-Fillon dépendront de l’ampleur des écarts du vote du 18 novembre 2012. Si Jean-François Copé gagne, ce sera la preuve que la droitisation fonctionne chez les militants UMP et que ces derniers sont sensibles à toute inflexion allant dans ce sens. Si François Fillon remporte la présidence de l’UMP, mais de peu, ce sera la preuve que Jean-François Copé pèse. Le député de Paris se retrouvera alors avec son premier opposant interne, un peu comme François Mitterrand confronté à Michel Rocard dans les années 1970, alors qu’il était le premier secrétaire du PS… On peut imaginer que Jean-François Copé sera au taquet, guettant tout faux pas de François Fillon. Enfin, si la victoire de François Fillon est large (plus de 55% des votants), on peut supposer que l’ancien Premier devienne, dans les années à venir, l’opposant numéro 1 à François Hollande. Un opposant installé, mais qui risque de laisser Marine Le Pen lorgner sur sa droite. On ne peut pas tout avoir !
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