La terrible guerre qui a dévasté la Syrie depuis 2011 aura eu le triste mérite de permettre une prise de conscience à l’égard de notre propre pays. La question qui se pose cruellement aux Français aujourd’hui est : « un pays qui subit un tel niveau de désinformation est-il une démocratie digne de ce nom ? La réponse est évidemment : non ! La libération de Deir-Ez-Zor , à l’Est de la Syrie, sur le fleuve Euphrate, par l’armée syrienne, les forces du « régime » comme dit le langage codé et orienté de nos médias, fait tomber les voiles, non seulement ceux qu’imposaient les djihadistes dans les quartiers qu’ils contrôlaient, mais aussi ceux qui, jour après jour, ont caché la vérité syrienne aux Français. En Novembre 2011, je participais à Beyrouth à un colloque sur les Chrétiens d’Orient et leur avenir, organisé par le Parlement Européen. J’étais le seul député français présent. Aucun député européen français n’avait tenu à se déplacer dans un pays et sur une question qui ont toujours placé la France au premier rang. Cette réunion a été très importante pour ma compréhension de la situation. Le « Printemps arabe » battait son plein. Kadhafi venait de tomber en Libye. Ces révolutions « démocratiques » suscitaient ma sympathie, et n’ayant aucune connaissance du contexte libyen, j’avais soutenu, en bon membre de la majorité, la politique menée par Sarkozy. Le souvenir de l’attentat contre le vol 772 de l’UTA en Septembre 1989 me faisait même considérer la fin du dictateur comme une juste punition, plus légitime que sa réception à l’Elysée quelques années auparavant. On sait aujourd’hui que cette intervention française, et occidentale, contre un pays composite, déjà menacé par les mouvements islamistes, était une stupidité. Je connaissais mieux le Proche-Orient et sa complexité. Les contacts pris au Liban avec les personnalités locales, le général Aoun, notamment, et les échanges avec des responsables chrétiens présents en Irak et en Syrie, comme le Patriarche melkite d’Antioche, par exemple, m’ont appris trois choses qui ont déterminé ma position. D’abord, les dictatures « laïques », le plus souvent à caractère nationaliste et militaire, sont un moindre mal. Elles défendent un équilibre instable qui protège les minorités contre une dictature religieuse beaucoup plus proche du totalitarisme. En second lieu, c’est une illusion de penser que, dans les pays musulmans, la transition démocratique pourrait se faire par le biais de mouvements associant la démocratie et l’islam. La Turquie d’Erdogan y avait fait songer. On voit ce qu’il en est advenu. Le calamiteux Obama a entretenu cette illusion. Ni la Turquie, ni l’Egypte, ni la Syrie ne sont l’Allemagne, pas plus que les Frères Musulmans ne sont comparables au Démocrates Chrétiens. Pour une raison simple, c’est que le message du Christ distingue Dieu et César, la religion et la politique, alors que le califat, c’est-à-dire l’unité des deux pouvoirs, spirituel et temporel, régissant jusqu’aux plus petits détails de la vie quotidienne, est au coeur de la pensée islamique, sunnite en particulier. Enfin, quelques pays richissimes, nullement démocratiques, ont les moyens de financer les troubles qui ont éclaté dans le monde arabo-musulman. On observera qu’ils ont abouti à des changements de régime en Tunisie, et en Egypte, et qu’en revanche, là où c’était une majorité chiite qui manifestait, au Bahreïn, l’armée saoudienne voisine a rapidement fait taire les mécontents. Ailleurs, de la Libye au Yémen, en passant par la Syrie et par l’Irak, c’est la guerre qui s’est installée. L’objectivité nous oblige malheureusement à constater que des Philippines au Nigéria, la violence est associée à la présence islamiste.
Or, depuis 2011, sur la « guerre civile syrienne », nos médias ont curieusement répandu des contre-vérités, qui étaient aussi celles des gouvernants français, de droite et de gauche, et plus généralement des Occidentaux. La première, récurrente, a consisté à présenter le « régime » comme totalement impopulaire, et rejeté par la majorité de la population, puisqu’il était censé monopoliser l’Etat au profit de la minorité alaouïte. C’était faux. Les autres communautés minoritaires, chrétienne, druze, kurde, etc.. ne lui étaient évidemment pas défavorables, mais une grande partie des Syriens, sunnites par tradition, préféraient l’ordre et la paix au désordre et à la guerre. Sans doute auraient-ils accueilli la démocratie à l’occidentale avec sympathie, mais il n’en a jamais été question. Il n’y a aucune force politique, aucun courant de pensée dominant qui puisse rendre cette évolution possible, tant les notions de liberté, d’égalité et de tolérance trouvent un terreau difficile dans des pays islamisés depuis près de 1400 ans. Si beaucoup de Syriens ont quitté le pays, pour se réfugier dans les pays voisins plus qu’en Europe, contrairement à ce qu’on a voulu faire croire, bien plus nombreux sont ceux qui ont rejoint les zones contrôlées par le régime et où il était possible de vivre à peu près normalement. Ainsi, toute la bataille d’Alep a été un long mensonge de la propagande que nous subissons. On disait que les Alépins étaient écrasés sous les bombes russes et syriennes dans une ville martyre. On oubliait de dire que la majorité de ses habitants étaient jusqu’alors encerclés par les djihadistes dans la moitié de la ville tenue par l’armée régulière. Ils ont d’ailleurs fêté la victoire de celle-ci. Au début de la rébellion, beaucoup, par opportunisme, et sans doute alléchés par les offres des nombreux et généreux étrangers qui s’intéressaient au devenir de la Syrie, ont rejoint l’opposition, le Conseil National Syrien, en Turquie, et l’Armée Syrienne Libre. Très rapidement, il est apparu que les combattants sur le terrain étaient avant tout des islamistes répartis en de nombreux groupes souvent rivaux, soutenus de l’étranger, par l’étranger et composés de nombreux étrangers. Une carte de la situation militaire actuelle est parlante : l’essentiel du pays, son coeur, avec la majorité de la population, et aujourd’hui la plus grande partie du territoire sont loyalistes, tandis que, comme par hasard, les zones dissidentes sont aux frontières, de la Turquie, de la Jordanie, ou d’Israël. L’armée syrienne, après avoir connu des pertes considérables, dont on parle peu, et des désertions qui ont davantage retenu l’attention, est aujourd’hui victorieuse et accueillie en libératrice. Des volontaires la rejoignent. A Deir-Ez-Zor, lorsque la dernière offensive de l’Etat islamique a coupé en deux la poche de résistance, la population a reçu des armes et participé à la défense. Ces actes de courage comme le pont aérien russo-syrien pour ravitailler chaque jour les habitants encerclés et leur libération par une percée-éclair auraient pu et dû susciter une légitime émotion, si nos médias leur avaient attribué l’importance qu’ils méritaient.
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