Avant-hier était une journée d’élections, hier une journée de commémoration. Dimanche, la Russie a élu ses 450 députés à la Douma, l’équivalent de l’Assemblée Nationale. En léger recul par rapport à 2011, le parti du Président Vladimir Poutine a une nouvelle fois remporté les élections avec 48,7% des voix qui lui assurent une majorité absolue. La seconde force politique est le parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski, en fait un parti nationaliste, et la troisième, le parti communiste, respectivement soutenus par 15,7 et 15,3% des électeurs. Ces formations soutiennent le plus souvent la politique présidentielle. Vladimir Poutine avait sobrement appelé les Russes aux urnes en leur demandant un vote responsable pour élire des parlementaires capables d’appliquer la volonté du peuple et de défendre les intérêts de la Russie. Il avait par ailleurs assuré la transparence du scrutin qui avait été contestée en 2011. Ella Pamvilova, ex-commissaire aux droits de l’homme avait été chargée d’en superviser le contrôle. Les résultats ont une portée considérable. La Russie a connu une forte récession produite par l’effondrement du prix du pétrole et par les sanctions occidentales. Les effets en sont patents sur le niveau de vie de beaucoup de Russes. Or, le pouvoir est conforté parce que la dimension nationale l’emporte sur les revendications individuelles. Vladimir Poutine a redonné à la Russie sa grandeur et aux Russes leur fierté. La réunion de la Crimée, peuplée de Russes, qui, majoritairement la souhaitaient, à la Fédération de Russie a été la manifestation la plus forte de la résurgence du pays. Désormais, celui-ci tient la dragée haute aux Etats-Unis, qui n’apparaissent pas étrangers aux difficultés économiques du pays. Le patriotisme est le ressort du pouvoir actuel en Russie. Le gaulliste que je suis se sent frustré qu’il n’en soit pas de même en France. Fort de ce succès, il est fort probable que Vladimir Poutine briguera un quatrième mandat en 2018.
Le vote local dans le Land de Berlin a également une signification forte malgré la taille réduite de l’élection. Berlin est traditionnellement une ville de gauche très « progressiste ». Elle était gouvernée comme l’Allemagne par une grande coalition du SPD et de la CDU, mais avec une inversion du rapport de forces. Pour le parti de la Chancelière, c’est la débâcle. Avec 17, 5% des voix, il enregistre son score le plus bas et devra laisser la place dans la majorité aux Verts et à l’extrême-gauche de Die Linke qui ont tous deux réuni 15% des suffrages. Le SPD, lui aussi en recul dans un de ses fiefs, gardera la présidence avec 23% des voix. Enfin, l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) entre au Parlement régional avec 14% des voix, ce qui constitue une percée. Une fois de plus, ce sont les déclarations irresponsables de Mme Merkel appelant à la ruée des migrants, qui ont pénalisé son parti et sans doute mis un terme à sa carrière politique. Beaucoup d’Allemands voient la présence massive des immigrés non comme l’accueil généreux des victimes d’une « crise migratoire », mais comme le résultat importun d’une volonté politique absurde qui n’est pas la leur. Dans un pays dont les résultats économiques sont flamboyants, la majorité en place est affaiblie parce qu’elle semble ne plus écouter le peuple et défendre les intérêts nationaux.
Si l’on compare ces résultats et qu’on réécoute la déclaration du Président russe, on perçoit le danger qui menace les démocraties occidentales. Celles-ci concentrent leur action sur les chiffres de l’économie et cherchent, avec très peu de succès parfois, comme en France, à améliorer les conditions de vie individuelles. Elles ignorent quand elles ne rejettent pas les revendications identitaires, les élans patriotiques. Souvent, et particulièrement en Allemagne, le poids du passé inhibe des exigences de bon sens comme la préférence nationale en matière de solidarité. Il n’y a pourtant pas le moindre rapport entre la folie hitlérienne qui a retranché du corps de la nation allemande les 500 000 juifs qui contribuaient à sa force et à son rayonnement et le désir légitime actuel de ne pas être envahi par un nombre d’étrangers suffisamment important pour modifier l’identité culturelle et la manière de vivre d’une nation. Seule, une élite coupée du peuple et de la réalité de sa vie peut fantasmer sur cette confusion et afficher un souverain mépris pour la population en stigmatisant une réaction naturelle et légitime à travers les épithètes de « populiste » ou de « nationaliste ». Lorsque le bon sens se réfugie à l’extrême-droite, évidemment celle-ci peut devenir majoritaire. Mais la faute en revient entièrement aux caciques des partis de pouvoir, qui font le spectacle, comme on le voit dans les « primaires » de LR, et ne semblent s’intéresser au peuple que le temps d’une élection pour regagner leur quartier privilégié dans l’heure qui suit. Hier, ils se sont bousculés lors de l’hommage rendu aux victimes des attentats. Alors que des doutes grandissent quant aux mesures prises pour protéger les victimes des attentats, qui ne voit que cette commémoration se situait dans la perspective des élections présidentielles avec l’inévitable discours du Président et sans doute candidat ?
Un peu partout dans nos démocraties, en Europe comme aux Etats-Unis, monte la fatigue des peuples. Manifestement les Russes ne sont pas fatigués d’un Président qui les écoute et fait valoir avant tout les intérêts de la Russie.
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