Nouvelles de France a proposé à Pierre Gentillet et à Alexandre Latsa d’échanger sur la petite musique occidentale anti-Russes.
Qui êtes-vous ?
A.L. : je suis français, âgé de 36 ans et vis à Moscou depuis 6 ans. J’y dirige un petit cabinet de recrutement et suis également écrivain et analyste, j’écris sur la Russie d’aujourd’hui.
P.G. : Je m’appelle Pierre Gentillet, je suis étudiant en droit et en sciences politique et je vis actuellement à Paris. Je suis par ailleurs président du mouvement jeune d’un des courants de l’UMP : la Droite Populaire.
Quel est le mythe qui vous semble le plus répandu sur la Russie de Poutine ?
Alexandra LatsaA.L. : On présente souvent ce pays comme un cimetière pour journalistes. Si officiellement 300 journalistes sont morts en Russie depuis 1991, seulement 56 selon le CPJ dans le cadre de leur activité de journaliste. Durant la période Poutine, 26 journalistes auraient perdu la vie : 15 entre 2000 et 2007, 11 entre 2007 et 2014 et 4 depuis 2010. Donc le nombre de journalistes tués diminue en Russie depuis l’élection de Vladimir Poutine. Enfin 12 de ces 26 journalistes sont morts dans le Caucase, zone de guerre larvée entre l’Etat russe et des groupes islamistes indépendantistes.
P.G. : Sans conteste il s’agit de la légende selon laquelle Vladimir Poutine ne serait élu que par des fraudes massives aux élections. Bien évidemment, c’est absolument faux ! Depuis 13 ans, Vladimir Poutine a toujours remporté dès le premier tour toutes les échéances électorales présidentielles avec 52,52% des voix en 2000, 71,22% en 2004 et 63,6 % en 2013. Il y a eu des fraudes, c’est certain, mais bien des études ont montré que cela ne pouvait avoir d’impact sérieux sur les scores finaux puisque influant tout au plus 3 à 5% des bulletins.
Pensez-vous que la Russie soit actuellement une dictature ?
A.L. : Tout d’abord, il ne faut pas oublier que l’Etat se reconstruit après l’anarchie des années 90 et le règne des mafias. Indéniablement, la Russie d’aujourd’hui n’est pas totalement une démocratie à l’Occidentale mais ce n’est pas non plus une dictature, bien loin de là. On y trouve nombre des attributs d’une démocratie comme les élections libres, la pluralité des partis ou la liberté de la presse mais il y a aussi des pesanteurs que recouvrent les concepts de dictature de la loi ou de démocratie souveraine. Il n’existe pas de terme en langue française pour correctement le qualifier. On pourrait le qualifier de régime présidentiel fort, vertical et « à tendance autoritaire ».
P.G. : Il faut croire que si c’est une dictature elle plait beaucoup aux Russes car les derniers chiffres de popularité de Vladimir Poutine sont supérieurs à 80% d’opinions favorables ! Très franchement, je pense que qualifier la Russie de dictature est totalement ridicule mais en revanche cela ne veut pas dire pour autant que la Russie soit une démocratie et elle ne s’en réclame d’ailleurs pas. Essayons de ne pas toujours voir les choses de manière bipolaire, à savoir qu’il ne soit possible de choisir qu’entre la dictature d’un coté et la démocratie de l’autre. La Russie est un pays où le peuple est maitre de son destin tout en ayant des hommes d’Etat et des institutions dirigistes.
Pensez-vous que l’économie russe ne profite qu’aux riches ?
A.L. : Les inégalités ont historiquement toujours été fortes en Russie et cela perdure aujourd’hui. Sur ce point la Russie est plus proche des Etats-Unis que de l’Europe occidentale. Pour autant, une importance classe moyenne a émergé rapidement ces 13 dernières années et ce malgré une guerre et une crise financière mondiale. On estime que cette classe moyenne représente environ 25% de la population du pays et déjà 40% de la population active.
Pierre GentilletP.G. : S’il y a encore de graves inégalités en Russie, c’est hélas une réalité, il convient néanmoins d’observer les résultats obtenus par Vladimir Poutine. Citez-moi un pays en Europe qui a fait passer le revenu annuel moyen de 1 322 euros à 7 988 euros entre 2000 et 2013, un pays dont le taux de pauvreté est passé de 35% à près de 13% de 1999 à 2012, un pays dont le taux de chômage n’est aujourd’hui que de 5,5%. Je crois que vous devinez aisément la réponse…
Les sanctions internationales vont elle pénaliser l’économie russe ?
A.L. : Aujourd’hui, les sanctions sont politiques et n’affectent pas l’économie du pays. Si des sanctions économiques devaient survenir elles porteraient sans aucun doute un peu atteinte à l’économie russe mais la Russie dispose de colossales réserves de changes et pourrait se tourner encore plus vers l’Asie. En face, la France serait particulièrement touchée en cas de sanctions car la Russie est l’un de nos principaux clients à l’export, a qui nous fournissons des biens de haute technologie dans des domaines (armements, aérospatiale…) qui seraient prioritairement visés.
P.G. : Je ne le pense pas et je ne le souhaite pas. Je ne le pense pas car l’économie russe est une économie plus solide qu’on ne le laisse penser. Le pays ne vit pas que sur les rentes énergétiques, la Russie dispose de nombreux atouts. De plus, une très large partie des pays européens sont clients du gaz russe. On peut aussi parler des matériaux comme le titane dont l’industrie aéronautique française est dépendante à hauteur de 60%. Les relations sont donc très fortes entre l’Europe et la Russie. J’ai bon espoir que les dirigeants européens ne sacrifient pas les intérêts de leur pays pour satisfaire les injonctions des Etats-Unis qui, hormis les importations de crabes du Kamtchatka, n’ont pas grand chose à perdre !
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