La présence d’un Collomb au second rang du gouvernement fait irrésistiblement penser à la boutade de Churchill sur l’autre Colomb, celui qui a découvert l’Amérique : « Christophe Colomb fut le premier socialiste, il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait et faisait tout ça aux frais du contribuable. » Partir vers l’Inde par l’ouest en sachant que la terre est un globe, en le croyant plus petit et en débarquant sur un continent inconnu est une magnifique aventure humaine, mais aussi un pari hasardeux où la providence a sauvé l’aventurier de ses erreurs.
Le chant des sirènes médiatiques continue à chanter des hymnes au nouveau et jeune président qui ferait marcher le pays vers un nouveau monde malgré la résistance de l’ancien comme aurait déclaré un des transfuges républicains enthousiaste à l’idée d’une nouvelle terre politique où son ambition démesurée pourrait s’accomplir. Quelques fausses notes parsèment toutefois la perfection des choeurs. Habitué à la servilité des médias, le nouveau pouvoir qui leur doit tant, serait directif, évinçant les uns, préférant les autres. Mais sur les quatre vaisseaux qui ont pris la mer, celui des socialistes, celui des spécialistes, celui des centristes et celui des opportunistes ex-LR, on voit avec plaisir que l’ironie de Churchill s’applique ici au premier degré. J’allais oublier M. Hulot et son hors-bord. Cette vedette des petits écrans est un élément décoratif du générique. On prévoit qu’avec du 100L/H, il aura du mal à achever la traversée dans la flotte d’un vice-amiral qui a travaillé chez Areva et au sein de laquelle, il n’aura ni vrai pouvoir, ni moyens. Première vérité : le gouvernement sera bel et bien socialiste avec une augmentation des impôts, et notamment de la CSG, pour tenter d’une part de freiner le déséquilibre des comptes et l’endettement, et d’autre part pour pratiquer une redistribution qui reviendra à matraquer au-delà du raisonnable les classes moyennes. Le Machiavel au visage angélique a, comme par hasard, confié l’économie et le budget aux transfuges de la « droite ». L’accroissement de la pression fiscale sur les uns, et les cadeaux faits aux autres, même judicieux parfois, ne génèrent pas en général la ferveur des foules.
Que M. Macron et ses comparses ne sachent pas où ils vont ni où ils sont est une seconde vérité. La France vit aujourd’hui la marche de Forrest Gump. Ce personnage d’un film de Zemeckis interprété par Tom Hanks se met à traverser à pied l’Amérique en tous sens. La foule bientôt le suit et grossit, illuminée et ravie par l’événement qui rompt avec la monotonie des jours, et puis un beau jour, Forrest s’arrête : il n’est allé nulle part et tout le monde, dépité, rentre chez soi. Les discours creux sur le changement et sur la nécessité d’y participer, qu’on trouve abondamment sur les réseaux sociaux, font évidemment penser à ce phénomène décrit par Gustave Le Bon, la métamorphose de l’individu dans la foule. L’individu raisonnable et réaliste devient irresponsable. La contagion des idées et des sentiments se répand. La suggestion induit le conformisme. Cet épisode suffit à révéler l’imposture du « libéralisme » macronien. Un libéral souhaite l’autonomie de personnes capables de mesurer rationnellement leur avenir. Le changement pour le changement, ou simplement pour devenir autre, ne fixe pas un cap rationnel. L’adaptation au monde sans tenir compte de la richesse des identités nationales n’est nullement un progrès. La réduction de l’homme à « l’homo oeconomicus », c’est le point de rencontre du marxisme et d’un libéralisme appauvri. Ce n’est pas du vrai libéralisme ! Si Macron a quelques connaissances économiques, il est d’une ignorance inquiétante sur les autres dimensions de l’existence humaine. Lorsqu’il dit, au Mali, que le terrorisme prospère sur la misère, et que le développement pourra l’atteindre à la racine, il oublie que Ben Laden appartenait à une famille de milliardaires saoudiens, et que son action a trouvé en Afghanistan, son terrain idéal : un pays tribal, archaïque, où la guerre contre l’étranger est une tradition sur laquelle ont buté Anglais, Russes et Américains. Les civilisations, les mentalités sont différentes, sauf pour la petite caste du Mac-World qui habite dans les quartiers chics des métropoles, parle anglais et se déplace facilement d’une ville branchée à une autre. « Gagnant-gagnant », qu’il dit le microcosme, sans voir qu’à la périphérie, il y a des perdants dont la vie ne s’améliore pas, dont le paysage social se détériore, et que d’autres perdants viennent concurrencer pour le travail ou contester dans leurs croyances et leur mode d’existence. L’oligarchie s’en moque : le ministre des Armées est une eurolâtre qui, d’après Jacques Myard, ne se sent pas française. L’inénarrable Bayrou, ministre de la justice, et lui-même mis en examen (tiens donc !) dit, on espère pour d’autres raisons, que celle-ci traverse une période de trouble grave, comme si le manque scandaleux de moyens, la politisation des magistrats et l’incohérence du système pénal n’étaient qu’un épisode.
Bref, il est encore temps d’arrêter, lors des législatives, cette marche vers nulle part ! Macron ce n’est pas l’Amérique, parce que, contrairement à ce qu’il croit, ni l’Amérique, ni l’Allemagne ne sont l’avenir de la France. Notre pays doit trouver son propre chemin, non pas en s’isolant, mais au contraire en empruntant chez d’autres les méthodes d’un succès reconnu, afin d’avoir la force de rester soi-même, pour offrir encore sa différence et son identité au monde.
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