Nul ne saurait prévoir à ce jour la composition future de l’assemblée nationale. Résultant, au soir du 18 juin, d’une situation totalement atypique, elle pourrait se traduire par une configuration institutionnelle de type franchement nouveau.
Comparer cette situation avec celles qui prévalurent au cours des IIIe et IVe républiques force et fausse même le trait. Même si la chambre basse ne donnait pas de majorité au nouveau président celui-ci dispose de prérogatives hors de toute comparaison avec celles des Loubet, Fallières, Lebrun et autres Vincent Auriol du passé. Et il ne semble guère préparé à y renoncer, bien au contraire.
“Deux dangers menacent le monde, disait Paul Valéry : l’ordre et le désordre”. Jamais plus qu’en ce début de quinquennat cet apparent paradoxe n’a mieux semblé l’expression de la comédie du pouvoir.
De bons esprits aiment à parler d’une hypothèse et d’une conjonction que l’on a nommées, dans la pratique bancale des 30 dernières années, la cohabitation.
Ce contournement de la constitution fut inventé en 1985 dans un contexte bien précis par Édouard Balladur. Il s’agissait alors de maintenir la balance égale entre giscardiens et chiraquiens en vue des élections législatives de 1986. Il semblait en effet simplement trop tôt pour préjuger de qui l’emporterait en cas d’élection présidentielle anticipée. Or ce scénario qui fut écarté, eût représenté l’interprétation correcte de l’édifice gaullien : le président désavoué par l’opinion populaire doit s’en aller, comme cela avait été le cas du général De Gaulle en 1969. Aux yeux du fondateur de la Ve république le gouvernement et son chef doivent demeurer en symphonie avec le chef de l’État, lui-même clef de voûte du pouvoir, en accord avec le peuple dans ses profondeurs, doctrine énoncée dès 1946 par le discours de Bayeux.
Une partie des républicains et des centristes de l’UDI, examinent ainsi, avec plus ou moins de sincérité, le cas où ces reliquats de droite sortiraient majoritaires des élections législatives qui s’approchent. À vrai dire, en réalité, ils se savent d’avance bien satisfaits s’ils parviennent à éviter le désastre inverse, résultant aussi bien de l’apparition du parti En Marche, du renoncement à briguer un nouveau mandat national de la plupart des maires et élus locaux, et, surtout du désarroi dans lequel ils laissent leur électorat.
La prestation courtoise, mais d’autant plus molle, du chef provisoire Baroin achève enfin de démoraliser les dernières ardeurs.
Voici en effet comment François Baroin, dresse l’éloge du nouveau ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer : “C’est probablement le meilleur de sa génération, qui a le plus travaillé et le plus compris ce qui est bon pour la formation de nos enfants. Je lui fais confiance. (…) C’est un choix remarquable de la part du président Macron.” Avec des dirigeants qui tiennent de pareils discours, la droite a-t-elle vraiment besoin d’adversaires ?
Les discours réputés durs, aussi bien sur les sujets dits régaliens, sur les peines planchers, sur la majorité pénale que sur un sujet économique comme celui de la rallonge fiscale, clairement envisagée par le nouveau pouvoir, ne compensent aucunement l’impression que nous évoquons.
Après la réunion tristounette du 20, au parc floral de Vincennes, où les Républicains cherchaient à faire semblant de se congratuler dans l’intimité retrouvée des vieux de la vieille de l’ancien RPR, les illusions de redressement du pays, telles qu’elles avaient pu se manifester dans les grands rassemblements de la campagne présidentielle semblaient bel et bien remises au rancart.
Pour sa part, deux jours plus tard, ce 22 mai, Brice Hortefeux se projette cependant dans une hypothèse hardie : “Si nous gagnons les élections législatives, nous gouvernerons”.
On appelle cela cohabitation. Cela ressemble beaucoup à un faux nez.
> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog L’Insolent.
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