Obama, Erdogan : les masques doivent tomber !

L’agonie de Kobané réveille des souvenirs. La résistance d’une poignée d’hommes contre un ennemi implacable, par ailleurs l’ennemi de la France, qui peut être secourue par un allié puissant possédant les moyens d’intervenir et qui ne le fait pas par calcul, au mépris de la vie et du courage des combattants ainsi sacrifiés, c’est du déjà-vu. La Turquie est notre « alliée » au sein de l’OTAN. Le prétendu « état islamique » est un ennemi implacable. L’armée turque pourrait intervenir et nettoyer les islamistes rapidement. Elle ne le fait pas parce qu’elle ne veut pas indirectement soutenir le régime de Damas et révèle ainsi son véritable objectif. Elle ne le fait pas parce qu’elle ne veut pas aider les Kurdes qu’elle traite en citoyens de seconde zone chez elle, et qui pourraient constituer une zone autonome en continuité avec le Kurdistan turc alors que de part et d’autre de la frontière, les autonomistes du PKK et ceux du PYD sont en bons termes. Elle ne le fait pas parce qu’il est assez clair désormais que la Turquie a favorisé les djihadistes, y compris ceux de l’ »état islamique », en laissant passer les armes et les hommes, en leur permettant de s’entraîner et d’être soignés sur son sol, et en leur fournissant peut-être même un appui militaire discret.

En 1944, les patriotes polonais déclenchent l’insurrection de Varsovie. L’armée rouge est de l’autre côté de la Vistule. Elle ne bougera pas tant que les Allemands n’auront pas anéanti la révolte. Ce qui restait de l’armée polonaise et de ses officiers après son écrasement par les nazis et les soviétiques en 1939, après le massacre d’un grand nombre de ses cadres sur l’ordre de Staline à Katyn, pouvait soutenir avec les résistants patriotes le gouvernement légitime réfugié à Londres et non celui soutenu par les communistes à Lublin. Staline a laissé faire le travail par Hitler pour permettre aux Russes de dominer la Pologne pendant près d’un demi-siècle. L’impérialisme russe se recouvrait habilement de l’idéologie socialiste, si pleine d’un avenir radieux. De même aujourd’hui, l’islamisme dit « modéré » d’Erdogan voile assez bien la renaissance d’un impérialisme turc.

En 1954, des soldats français sont encerclés à Dien-Bien-Phu par les communistes du Viet-minh. Un Etat-Major imprudent mal informé par un service de renseignement défaillant s’était fait piéger. Le 13 Mars les communistes lancent l’assaut. Le 23, le Chef d’Etat-Major français, Paul Ely croit obtenir de son homologue américain la promesse d’une frappe massive sur les attaquants et leur artillerie. Cette intervention aurait été l’application de la politique d’endiguement du communisme et de la théorie des « dominos ». Mais le cher général Eisenhower, au sourire enjôleur, ne l’entendait pas ainsi. L’Amérique ne devait pas ternir sa mission divine de libératrice de l’humanité en soutenant une armée coloniale. Elle tentera cependant de se substituer à la France dans ce qu’il subsistera de l’Indochine après le départ de la France, et tandis que les français prisonniers subiront un calvaire. En somme, l’Amérique avec componction, avait joué le même scénario que l’Oncle Joe, et couvert l’impérialisme national sous le manteau de l’idéologie démocratique, humaniste et libérale. Certes, les Etats-unis sont une colonie émancipée, mais où ce sont les colonisateurs qui se sont libérés et non les colonisés, lesquels ont a peu près disparu… La politique actuelle d’Obama doit nous rappeler les ambiguïtés permanentes de la diplomatie américaine, son mélange de générosité affichée et d’égoïsme cynique pratiqué, dont leurs alliés ont souvent fait les frais. Elle doit nous rappeler les interventions militaires trop tardives, celles qui ont été menées maladroitement ou qui ont été stoppées pour des raisons de politique intérieure et au mépris des populations concernées, de la Corée à l’Irak.

Les Etats-Unis aimeraient présenter leur obsession anti-russe actuelle comme le combat du Bien dont le champion serait le gentil Barack contre le Mal du méchant Vladimir. Certes, ce dernier défend clairement les intérêts de la Russie et veut préserver ce qui lui reste d’influence sur ce qui était aussi un Empire. Mais il le fait sans masque idéologique. On ne saurait en dire autant du Président américain qui fait de la géopolitique d’intérêt national mais en se drapant dans les plis de la conscience pure de l’Amérique. Quant à l’ »allié » turc, il fait la même chose en nappant le nationalisme ottoman sous une couche d’islamisme « modéré ». Entre Poutine qui aide les prorusses en Ukraine, et Erdogan qui soutient les djihadistes en Syrie, c’est le second qui est plus dangereux car l’ami de nos ennemis est notre ennemi… à moins que les masques deviennent à ce point insupportables qu’ils soient obligés de tomber.

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16 Comments

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  • Daniel chaudron , 22 mai 2015 @ 18 h 28 min

    “allié puissant possédant les moyens d’intervenir et qui ne le fait pas par calcul, au mépris de la vie et du courage des combattants ainsi sacrifiés”.
    Les USA, en Europe de l’Est (39-45)?

  • Boutté , 23 mai 2015 @ 8 h 36 min

    Que la démocratie soit paralytique n’est plus un scoop .
    Etait-ce parce qu’il en avait conscience que Mittérand a tenté de l’imposer en Afrique Noire ?

  • Bardamu , 23 mai 2015 @ 10 h 40 min

    Merci Monsieur Vanneste de cette analyse lucide.

    C’est encore plus dégueulasse que ce que vous pensiez: http://arretsurinfo.ch/selon-un-document-de-la-dia-de-2012-loccident-facilitera-la-montee-de-letat-islamique-afin-disoler-le-regime-syrien/

    Pourquoi cet acharnement?
    1/ La Syrie était le seul allié des palestiniens, les réfugiés étant d’ailleurs beaucoup mieux traités que dans tous les autres pays d’accueil
    2/ La Syrie avait refusé le passage d’un gazoduc du Qatar pour donner la préférence à un gazoduc provenant d’Iran
    3/ Voir le plan Oded Yinon…
    4/ En Syrie, les sunnites, chiites, alaouites et chrétiens vivaient en bonne intelligence
    5/ La Syrie avait accueilli des centaines de milliers de chrétiens fuyant l’Irak
    6/ Une bonne partie des réserves d’hydrocarbures découvertes en Méditerranée se trouvent dans les eaux syriennes
    7/ Jusqu’à l’accord avec Chypre, la seule base russe en Méditerranée est à Tartous

    A côté de ça, les 220;000 morts (dont au moins 60.000 soldats de l’armée syrienne), les 6 millions de déplacés ou réfugiés, les décapitations, les viols, l’esclavage sexuel, un pays pratiquement détruit, tout ceci n’a pas d’importance, n’est-ce pas ?

  • nauticat , 23 mai 2015 @ 10 h 56 min

    bonjour Daniel chaudron ,juste pour l’anecdote , en1954 à la veille de Dien -Bien-Phu ,votre serviteur alors fort jeune , dans la Marine du Delta ,avait des camarades dans la Coloniale . Ces camarades qui allaient sauter dans la cuvette ;le croyez-vous ? Connaissaient la position des USA ; à savoir qu’ils ne seraient ni soutenus ni secourus !

  • Vautrin , 23 mai 2015 @ 14 h 13 min

    Allons, allons ! L’allié puissant en question n’a aucune velléité d’intervenir. En tous cas, pas sous l’administration Obama, et je doute qu’il le fasse sous une administration “Republican”. Le jeu stratégique des USA est de semer une panique générale dans le Moyen Orient, ce qui aurait pour résultat immédiat de rendre la situation plus malléable. Pour ceux qui y croient, bien sûr, car allez manier la nitroglycérine, vous m’en direz des nouvelles ! Cette stratégie a été initiée lors de l’intervention soviétique en Afghanistan, et s’est développée par la suite, le précédent verrou – la Libye – ayant sauté par l’incohérence de Sarkozy et des Anglais, le prochain, celui de la Syrie allaouite étant en danger de succomber. Ne nous faisons pas d’illusions : en 1940, le Congrès avait interdit à Roosevelt (qui par ailleurs ne comprenait rien à rien) d’intervenir en Europe. Nous avons succombé… et sommes devenus une colonie du Mickeyland. Tout bénéfice pour l’Oncle Sam ! Pourquoi l’Obama, crypto-musulman, interviendrait-il ? Ce n’est pas son intérêt, ni celui (supposé, et à très, très court terme), des USA.
    Le danger immédiat pour nous est l’importation, via l’invasion méditerranéenne, de renforts militaires à la 5e colonne islamique dans nos pays. Et puis soyons franc : pour y répondre, devant la menace, à l’intérieur je verrais d’un bon œil une opération d’épuration, et à l’extérieur je ne verrais aucun inconvénient à l’emploi de l’arme atomique tactique dans ces régions, tant le daech est une ignominie et tant le danger est grand. Mais je peux toujours rêver ! L’Occident est une zone de lopettes dirigée par des salopards.

  • penelope , 23 mai 2015 @ 16 h 27 min

    dans cette affaire monstrueuse,on ne sait plus qui est pour qui et contre qui,une chose est certaine,ils sont tous d’accord contre les occidentaux;leurs appels au secours n’entrainent après que des reproches;je regrette et je plains vraiment les populations et le chrétiens qui paient un lourd tribu à leurs actes sauvages.

  • Pascal , 24 mai 2015 @ 15 h 29 min

    « Arme atomique tactique ». Nous avons détruit notre stock de bombes N, les Ricains itou.

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