Tribune libre de Cyril Brun*
La France se met en veille et se couvre de lumières chaque soir davantage. C’est Notre-Dame de Fourvière qui doit être contente ! Au cœur de la nuit froide et glaciale que traverse l’Homme aujourd’hui, des îlots d’espérance réchauffent les cœurs de centaines, de milliers de jeunes et de moins jeunes. Cette France ne se met pas en veille comme on se tient en retrait pour attendre son heure, elle est en veille active. Et comme une peau de chagrin inversée, elle gagne du terrain, illuminant chaque nuit un peu plus le cœur et l’âme de ceux qui se laissent rejoindre par la paix et le beau. Face à l’escalade de la violence, nos veilleurs marquent une pause. De l’intérieur même de la spirale de l’affrontement, ils l’enrayent par son contraire, la paix. Comment comprendre que des centaines de jeunes, dont l’âge même est la marque de l’impulsive rébellion, puissent rester impassibles devant les incessantes provocations et la tension propre à tout mouvement populaire de masse ? Comment ne pas être interpellé face à des garçons, par nature si fiers et orgueilleux, toujours prompts à faire les coqs devant le sexe opposé, qui choisissent l’humilité de la patience et du silence ? Comment ne pas être impressionné en constatant que si jeunes leur sagesse a déjà dompté leur passion ? Si la source de la violence vient de l’instabilité et de la peur, à n’en pas douter nos veilleurs ont pour eux une incroyable confiance en la vérité qu’ils défendent. La fermeté de leur quiétude ne peut avoir d’égal que la fermeté de leur conscience. Mais comme un arbre planté au bord d’une rivière, cette double fermeté puise à la fontaine de jouvence du beau et du bien. Comme toute forteresse assiégée, nos veilleurs ont fait provision d’armes et de nourritures. Pour fortifier leur quiétude menacée, ils font un festin de Racine et autre Corneille. Ils se protègent derrières des remparts de poèmes et leurs chants s’élèvent comme un parfum d’encens pour combattre l’âpreté violente de gaz nauséabonds.
Le beau pacifie et élève l’âme. Lié au vrai, le beau fortifie le cœur et la raison. La petite lumière des veilleurs qui lèche, si frêle, l’ombre opaque d’une société qui a dissocié le vrai du beau et le beau du bien apporte un triple démentit à ses assaillants. Face à une fausse modernité qui se gargarise de la déstructuration du réel, la vérité unifie et pacifie. A rebours de la laideur revendiquée comme un art, la beauté libère de la peur. Là où le mal divise, éclate et salit, le bien unit, unifie et embellit. Le beau, le vrai, le bien quand ils sont vécus par leurs défenseurs libèrent même leurs détracteurs. Le bien est diffusif de soi et l’ondée de veilleurs qui s’étend depuis les pelouses des Invalides est bien la preuve que au-delà d’une loi inique qui passera peut-être, le monde change. C’est en attirant par la paix que procure le beau que seront affermis dans la vérité les consciences qui cherchent le bien. Si choc il y a aujourd’hui, c’est chaque nuit autour de cette faible veilleuse, celui du beau, du vrai, du bien qui désormais inversent l’ondée et retournent la peau de chagrin.
*Cyril Brun est le délégué général de l’Institut éthique et politique Montalembert à Paris.
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