Alors que le mouvement identitaire semble faire l’objet de dissensions ayant abouti lundi à la mise en place d’une nouvelle direction opérationnelle et au départ du bureau exécutif de Philippe Milliau, Nouvelles de France a rencontré Philippe Vardon, président de Nissa rebela (site) et auteur d’Eléments pour une contre-culture identitaire. Entretien sans langue de bois.
Il y a près d’un mois, le journaliste du Monde Abel Mestre révélait les tensions existant au sein du Bloc identitaire. Contacté alors par Nouvelles de France, vous n’aviez pas souhaité vous exprimer davantage. Pourquoi le faire aujourd’hui ?
C’est exact. Pendant ces 10 années comme dirigeant identitaire, je ne me suis jamais étalé dans les médias, même « amis » ou plus précisément non-hostiles, sur d’éventuels soucis internes. Je n’ai pas davantage pour habitude de régler mes différends de cette façon… Pour ma part, j’ai toujours cherché à exister davantage dans la démonstration que dans le dénigrement des autres.
Je savais qu’il faudrait que je m’exprime à un moment ou un autre, mais je voulais que ce soit une fois un dénouement arrivé, et pas dans le but d’en provoquer un. Je vous réponds aujourd’hui simplement car je considère que le moment est venu, qu’il faut que certaines choses soient dites pour pouvoir tourner la page, et enfin retourner au combat.
Ce « dénouement » met donc fin à une longue et intense querelle personnelle vous ayant opposé à Philippe Milliau ?
Non. Vouloir résumer les événements récents à une querelle personnelle entre deux individus serait faire preuve de paresse intellectuelle. Je constate d’ailleurs que de manière générale, et c’est vrai chez nous comme ailleurs, on a tendance à décréter « problème de personnes » tout affrontement dont on se refuse à analyser la réalité politique. Quelle serait donc cette dimension personnelle ? Philippe Milliau a-t-il convoité mon épouse ? Est-ce que je lui dois de l’argent ? Restons sérieux.
Évidemment, c’est bien un profond désaccord politique qui s’est peu à peu cristallisé sur nos deux personnes. Mais là-dedans point d’inimitié personnelle, tout comme d’ailleurs l’intervention de Fabrice Robert est une décision strictement politique n’étant pas liée à l’amitié qui nous unit depuis 15 ans.
Le soutien apporté par Nissa Rebela – le mouvement identitaire niçois que vous dirigez, associé au Bloc Identitaire mais néanmoins autonome – à la candidature de Marine Le Pen est-il pour quelque chose dans ces troubles ?
Oui et non. Oui, car cela a renforcé, si ce n’est provoqué, une certaine hystérie de Philippe Milliau à mon encontre. Il entretient vis-à-vis de la famille Le Pen une haine tenace. Non, car au fond, le débat ne se situe pas autour de la question de l’élection présidentielle. Par ailleurs, il était prévu depuis l’origine que les mouvements locaux associés au Bloc pourraient se prononcer de leur côté. Les adhérents de Nissa rebela ont choisi à 79% de soutenir Marine Le Pen, mais par exemple la direction d’Alsace d’abord a décidé de ne donner aucune consigne de vote [c’est aussi le choix finalement défendu par le Bloc identitaire au niveau national après consultation de ses membres, ndlr].
Alors pourquoi et comment en est-on arrivé à cette exclusion pure et simple de Philippe Milliau du Bloc identitaire ?
Tentant d’imposer ses vues (rupture avec la diversité du mouvement identitaire à travers une centralisation des outils entrainant un assujettissement des différentes initiatives, volonté de « sortie du champ politique ») par des moyens divers et variés, Philippe Milliau s’est peu à peu mis lui-même sur le chemin de son départ, à travers son comportement. Notamment en lançant des fatwas sur les uns et les autres, en créant et entretenant un climat malsain, et en réclamant lui-même la mise sur la touche de cadres importants ! Je ne peux m’empêcher de penser au fameux arroseur arrosé.
Pas plus qu’hier je ne souhaite m’étaler sur des points précis, d’autant que certains de vos confrères n’ont pas écrit que des sottises à ce propos [Abel Mestre, du Monde, a notamment évoqué le blocage de l’impression du journal interne du mouvement car Philippe Vardon y apparaissait trop, ou encore des consignes pour que celui-ci ne puisse participer aux récentes assises contre le droit de vote des étrangers, ndlr].
Quelque part, Philippe Milliau, c’est l’histoire d’une greffe qui n’a pas pris. Il n’a jamais su se faire à notre façon d’envisager le combat politique, et tout au contraire a voulu apporter, importer, ses conceptions. Des conceptions, des manières de fonctionner, héritées d’expériences politiques passées qui l’ont sans doute trop marqué pour qu’il puisse mener à bien sa mue identitaire. Définitivement, le mouvement identitaire est un modèle original. Définitivement aussi, la logique de cour et de coteries, l’esprit partisan, nous sont étrangers.
On peut donc considérer aujourd’hui que vous avez gagné ?
Ce serait encore envisager tout cela comme un affrontement entre deux personnalités, ou bien deux clans. Il n’en est rien. Tout d’abord, je n’ai pas demandé la tête de Philippe Milliau (la réciproque n’est pas forcément exacte) et je ne me réjouis pas particulièrement à l’idée de voir exclu quelqu’un du mouvement. Mais il est certain que nous en étions arrivés à un stade où la situation devenait insupportable… Je crois qu’au vu des mois et semaines écoulées, et des tentatives multiples de conciliation, nous ne pouvions pas faire autrement. Par ailleurs, les combats que nous devons mener sont trop importants et urgents pour continuer à dépenser de l’énergie aussi futilement.
Faut-il désormais s’attendre à une crise au sein du mouvement identitaire, une scission ou même une explosion ?
Je n’y crois pas une seule seconde. Tout d’abord, la décision de Fabrice Robert est intervenue après une large consultation. Tous ceux qui connaissent le mode de fonctionnement de Fabrice (qui n’est pas un chefaillon autoritaire comme les droites radicales en connaissent souvent) savent bien qu’il n’est pas homme à prendre ce genre de mesures à la légère. C’est un choix lourd, symbolique dans une certaine mesure, et donc pleinement mûri et assumé.
Que certains veuillent témoigner de leur amitié, et même la lui conserver, à Philippe Milliau je le conçois bien sûr. Mais nous sommes là encore dans le registre personnel, pas le combat politique. Car en revanche, sur ce plan, chacun sait bien où se trouvent à la fois la légitimité et la dynamique.
Hier, dans un de vos commentaires dans la presse vous avez déclaré « Milliau a voulu entraîner les identitaires vers une sortie de la politique. Pour nous, l’essentiel, c’est le terrain, la rue. » Doit-on comprendre que l’activisme va désormais prendre le pas sur les initiatives dites « métapolitiques », culturelles ou associatives ?
Je n’ai jamais prôné une rupture mais un retour aux équilibres. C’est vrai pour notre stratégie, comme pour notre mode de fonctionnement et de direction d’ailleurs. J’ai consacré mon premier livre à la volonté d’élaboration d’une contre-culture identitaire [Nouvelles de France a consacré un entretien vidéo en 3 parties – 1, 2 et 3 – à l’ouvrage de Philippe Vardon, Eléments pour une CONTRE-CULTURE identitaire, ndlr] à même de fournir des bases solides à des structures constituant de véritables contre-pouvoir, et demain une contre-société alternative et enracinée. J’ai par ailleurs dédié une large partie de ma vie à des engagements métapolitiques, qu’on évoque la participation à des revues, la musique, ou encore l’ouverture de la toute première maison de quartier identitaire avec la Maioun à Nice dès 2004. Mais il est vrai aussi que ma démarche a toujours été d’aller vers une « métapo populo », pas vers une logique de salons privés où on fait l’exégèse de Heidegger entre convaincus (sans jeu de mots).
Je considère donc qu’il faut savoir marcher sur ses deux jambes, action politique (et là aussi dans ses différentes formes) et action métapolitique doivent être liées, coordonnées, et se répondre. Et c’est justement l’une des spécificités principales des identitaires d’avoir voulu assurer cette présence sur tous les fronts. Y renoncer, serait renoncer à nous-mêmes. C’est aussi la volonté de continuer à agir dans ce sens qui me pousse, et l’épisode que nous venons de traverser m’a donné l’occasion de l’illustrer, à défendre encore et toujours (fut-ce parfois au détriment d’une certaine efficacité administrative ou comptable, je le concède) notre logique multiforme, asymétrique, souple.
Pour aller au fond des choses, je pense que notre vocation est davantage d’être un modèle et une école (au sens que l’on donne à ce terme dans les arts martiaux par exemple) qu’un parti traditionnel.
Concrètement, que va-t-il désormais se passer ?
Plein de choses, comme toujours avec nous ! En vrac : dès ce samedi, une manifestation à Paris contre la mainmise du Qatar sur la France (RDV à 16h Place de l’Opéra) ; la présentation prochaine d’une nouvelle direction à la fois pour le Bloc et le mouvement identitaire dans son ensemble et sa diversité ; le lancement de plusieurs projets liés à l’anniversaire des 10 ans du mouvement identitaire (en septembre 2012 cela fera une décennie que les Jeunesses identitaires, première pierre de l’édifice, auront été créées), avec en tout premier lieu l’organisation d’une grande Convention à l’automne prochain ; des travaux liés à l’approfondissement de nos propositions en particulier sur la question du fédéralisme interne et des libertés/identités locales, ou encore sur notre projet alter-européen ; et bien sûr quelques actions chocs à venir dont vous comprendrez bien que je ne peux les évoquer dans vos colonnes…
Me concernant, si une large part de mon énergie sera consacrée dès septembre aux élections municipales niçoises, pour lesquelles nous sommes d’ores et déjà en campagne aux côtés de nos partenaires locaux, je souhaite aussi que nous entamions une réflexion sur les échéances locales de 2014. Fêtant bientôt les 10 ans du lancement des identitaires, je considère qu’il est temps que nous passions de l’existence médiatique à l’existence dans le champ public et citoyen. Par ailleurs, je me suis lancé dans l’écriture d’un nouveau livre très différent de mon premier ouvrage.
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