France : une administration au taquet

Tout ne va pas forcément bien en France. Outre les influences zétrangères zabominables qui parasitent grandement notre grande, belle et turgesc vigoureuse démocratie, l’économie montre de petits signes inquiétants, les tensions sociales ne semblent pas diminuer, et certains problèmes de partitionnement du territoire font bruisser les petits papiers locaux et nationaux. Néanmoins, s’il y a bien une chose qui continue, elle, vaille que vaille et coûte que coûte, de fonctionner au millimètre près, c’est bien notre administration. Ouf !

Et la caractéristique de cette administration, c’est qu’elle couvre absolument tous les domaines, tous les besoins, toutes les demandes, toutes les interrogations que vous pourriez avoir. Si un domaine n’est pas encore couvert par une administration française, si un concept n’a pas été étudié au millimètre par un comité, une agence ou une commission qui formeront plus tard une administration chargée de produire formulaires et cerfas colorés, ne vous inquiétez pas : ou bien c’est prévu et déjà dans le tuyau, ou bien c’est que vous n’avez tout simplement pas correctement considéré la question.

Question à laquelle cette administration s’empressera d’apporter une réponse, évidemment indispensable. Ou de vous la refuser énergiquement. Ou, de la même façon, d’oublier de vous répondre.

Et dans tout les cas, elle le fera avec application, de façon irrévocable et, de toute façon, à vos frais, en emportant un maximum de vos espoirs avec elle. Si, par dessus le marché, cette administration peut provoquer votre ruine, c’est un bonus qu’elle tentera souvent.

C’est ainsi que, grâce à l’argent de vos impôts, de vos taxes, des ponctions opérées tous azimuts et des nombreuses amendes qu’elles distribuent, bref grâce à votre argent, ces administrations vont méticuleusement vous pourrir la vie.

C’est le cas de la CNIL dont la mission et les pouvoirs, généralement restreints au point d’être souvent risibles, s’expriment heureusement avec puissance lorsqu’il s’agit de fusiller une entreprise française et les emplois qui vont avec : son action est maintenant déterminante dans le dépôt de bilan de l’entreprise Fidzup, spécialisée dans des campagnes marketing géolocalisées et qui fonctionnait très bien depuis neuf ans. Grâce à l’absence de communication de la CNIL, sa procédure très longue, lente et opaque, et une mise en demeure publique qui a définitivement fusillé le carnet de commandes de la startup française, Fidzup a plié les gaules.

Pas une larme des administrations et de l’État ne sera versée pour le manque-à-gagner en taxes et en impôts. Probablement parce que la mésaventure de Fidzup n’est qu’un énième avatar de ce qui arrive tous les jours à des douzaines d’entreprises françaises dans tous les domaines : avec plus de 400.000 normes à faire appliquer, les occasions ne manquent pas pour nos grandes administrations de torpiller tel commerçant, tel industriel, tel artisan ou telle startup au motif qu’elle a fait un truc (parmi les 400.000) de travers.

Du reste et comme en témoigne Frédéric Paya, journaliste spécialisé dans l’économie, l’accumulation de ces normes, de ces contraintes administratives et les trilliards de cerfas joufflus que nos bureaucrates enfiévrés nous pondent à un rythme toujours plus soutenu finissent par coûter un pognon de dingue 60 milliards d’euros à la France…

Mais objectivement, qui peut se plaindre de dépenser cette montagne d’argent pour d’aussi indispensables ouvrages, d’aussi nobles buts afin que tout soit correctement calibré, rangé, normé, régulé, vérifié, contraint, taxé, suivi, scruté, interdit et contrôlé ?

D’ailleurs, on aurait tort de se plaindre lorsque le travail est fait puisqu’alors, pour le même coût, il pourrait ne pas être fait du tout.

Eh oui, magie de nos administrations jamais en manque d’une idée lumineuse : à côté de celles qui, zélées, ont compris qu’on pouvait saboter le travail des contribuables en cramant l’argent qu’on leur prend de force pour leur pourrir la vie, on trouve ces administrations qui ont compris que, payées pour faire un travail, elles pouvaient aussi saboter la vie des autres en s’ingéniant à ne surtout pas le faire.

C’est ainsi qu’on apprend que l’AGESSA, la sécurité sociale des artistes-auteurs et dont l’objet consiste (sans surprise) à couvrir maladie et retraite des artistes et auteurs, aurait pendant 40 années de suite relevé le défi d’oublier de collecter les cotisations retraites de leurs assujettis. Et alors qu’il était indiqué aux cotisants qu’ils étaient bien prélevés au titre de leur retraite, il apparaît dans un récent rapport (le rapport Racine) qu’en fait, que nenni, il n’y a rien au bout : cette administration a consciencieusement fait un stupéfiant non-travail de collecte pendant 40 ans. Couronné de succès, bien évidemment : plus de 190.000 retraités verront leur pension amputée par le consciencieux non-travail de ces tâcherons républicains flamboyants d’incompétence.

De la même façon, on pourrait citer les nombreux cas d’employés de ces administrations pléthoriques qu’on aura choisi de garder bien que n’ayant plus aucune tâche à faire ou que les conditions d’emplois aient été largement modifiées sans pour autant que le poste n’ait été supprimé.

Depuis le cas récent de ces éboueurs payés à ne rien faire jusqu’à cet employé SNCF payé à rester chez lui pendant 13 ans, les exemples abondent de ces administrations étatiques ou para-étatiques qui distribuent de l’argent en l’échange d’un rien aussi discret que coûteux.

Non vraiment, tout ne va pas totalement mal dans ce pays. Oh, bien sûr, le président de la République est bien embêté avec ses députés grivois et ses ministres idiots, l’économie qui ne décolle pas vraiment, la mairie de Paris qui échappe à son camp, sa « réforme » (méforme ?) des retraites qui n’en finit pas de se dégonfler dans un pschit misérable, et tout le reste de sa communication qui – dans les bons jours – le fait passer pour un gros nul.

Mais au moins peut-il compter, en tous lieux, en tout temps, sur cette grande et belle administration qui sait transformer l’or en plomb et l’argent en air chaud, qui présente la facture aux contribuables, et qui parvient en plus à se faire payer.

En tout cas, jusqu’à maintenant…

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