Tribune libre de Robert Ménard*
Ainsi donc, si l’on en croit nos stratèges, encore un peu de patience, nous allons bientôt être relayés par les armées africaines. Plus de 2 000 hommes qui, appuyant les valeureux soldats maliens, vont reconquérir tout le nord du pays, puisque c’est l’objectif désormais affiché par Le Drian, notre ministre de la Défense.
Passons sur les armées des pays voisins du Mali, spécialistes des coups d’État, expertes dans l’extorsion de fonds et la corruption en tout genre, vaillantes surtout face à des populations désarmées. Et concentrons-nous sur les forces armées maliennes. Pas seulement sur leur savoir-faire en matière de putsch, non, de façon plus terre à terre si j’ose dire, sur leur moralité, leur comportement à l’égard des civils, leur capacité à rassurer les populations qu’on nous présente comme « spontanément » réfractaires, opposées aux islamistes les plus radicaux.
Si l’on en croit les différentes organisations de défense des droits de l’homme – dont les rapports servent parfois à justifier des politiques qui n’ont guère à voir avec les libertés et la démocratie… – si l’on en croit donc la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et Human Rights Watch, bon nombre de soldats maliens semblent bien être de sinistres prédateurs. Et s’il est un domaine dans lequel ils font jeu égal avec les pires des djihadistes, c’est bien celui des exactions et autres joyeusetés.
« À Mopti, c’est la chasse à l’homme. » rapporte la FIDH. Tout ce qui ressemble, même de loin, à un islamiste est pourchassé, exécuté sans autre forme de procès. Règlements de compte sur fond de rivalités ethniques. Ce qui fait craindre à Human Rights Watch que « les Touareg et les Arabes, deux communautés assimilées aux insurgés qui contrôlent aujourd’hui les deux-tiers du Mali, [soient] tout particulièrement visés. »
Connaissant « l’instabilité militaire et l’insubordination des forces armées » — comme on décrit pudiquement la bande de brutes galonnées qui compose une bonne partie de l’état-major de l’armée malienne – on peut effectivement craindre le pire.
Décidément, pas besoin de se réclamer de la charia pour se comporter comme une crapule, l’uniforme étant considéré comme un viatique pour piller, voler, violer. Un « cocktail explosif » s’inquiète la FIDH. C’est le moins que l’on puisse dire.
*Robert Ménard est journaliste et fondateur de l’association Reporters sans frontières. Il est à la tête du portail Boulevard Voltaire.
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