Côte à côte sur le présentoir d’une librairie de gare : « Le Monde » et le ralentissement de la croissance, et « Les Echos » avec la hausse du pouvoir d’achat au début de 2019. Joli face à face du journal officiel de la bienpensance, condamné à un minimum d’objectivité, et de celui des milieux d’affaires au secours de leur protégé en perdition. Avec une croissance qui atteindra péniblement 1% en 2018 après 2,3% en 2017, et les effets mécaniques des cadeaux de Noël obtenus de force par les « gilets jaunes », les deux informations sont exactes et mesurent l’impasse française. Notre pays a une fois encore manqué le train. Tout juste aura-t-il bénéficié du wagon de queue durant un an. L’énarque-banquier présenté comme un Mozart de la finance parce qu’il avait monté quelques opérations pour le compte de la Banque Rothschild se trouve réduit à quelques artifices et autres expédients pour distribuer du pouvoir d’achat d’une main sans trop pénaliser la compétitivité des entreprises tandis que de l’autre main il alourdit la dépense et la dette publiques qu’il faudra bien que les Français paient un jour. Alors, il diffère de quelques mois les cadeaux-surprises aux particuliers et retarde tout autant ceux qui étaient prévus pour les entreprises. Non seulement, la France verra son déficit budgétaire passer au-dessus des 3% du PIB, et dépasser celui de l’Italie, ce qui ne manquera pas d’amuser à Rome, mais encore, une fois de plus, elle n’aura pas su saisir l’opportunité de la conjoncture pour muscler sa compétitivité. Les gesticulations de Sarkozy avaient tenté de remédier à une crise inattendue. La politique de Hollande, conseillé par Macron, avait été aussi néfaste que celles de ses prédécesseurs socialistes. Certains pensaient que le « social-libéral » Macron allait faire ce que la droite n’avait pas osé, libérer notre économie, parce qu’il bénéficiait du soutien des milieux d’affaires, mais aussi de la complaisance d’un centre-gauche correspondant à cette caste mondaine, parisienne, qui tient les médias et la haute administration et qui le voyait comme un des siens. Au milieu de la morne plaine dévastée par les gilets jaunes, subsiste le totem par trop visible de la suppression de l’ISF sur les valeurs mobilières. La droite, depuis 1988, n’avait plus tenté de s’en prendre au stupide trophée de la gauche. La vague de colère qui s’est déversée sur le pays, contre l’excès fiscal et l’insuffisance du pouvoir d’achat, s’est retirée momentanément. Mais rien n’est réglé en profondeur.
Après les Fêtes, les bénéfices des uns paraîtront bien maigres, et la rancoeur de ceux que la complexité des plafonds et des seuils aura laissés à l’écart de la distribution n’en sera que plus vive. Le prélèvement à la source risque de transformer celle-ci en fureur. L’effort tardif et parcimonieux pour accroître la compétitivité des entreprises françaises sera sans effet dans un climat mondial qui s’est assombri. Avec un chômage toujours massif, le bonnet d’âne économique de l’Europe sur la tête, le président accidentel de notre République traînera jusqu’aux élections européennes dont il voulait faire « sa » victoire des « progressistes » sur les nationalistes, un débat national jeté à la population comme un os à ronger. La transition écologique, cet alibi destiné à justifier les hausses de taxes, y tiendra le premier plan. En revanche, l’immigration en aura été retirée. L’aveuglement qui consiste à accentuer un danger lointain et discutable auquel la France ne peut d’ailleurs pas grand chose tandis qu’on masque une péril imminent et mortel, qu’elle a le pouvoir de prévenir, demeure l’un des piliers de ce microcosme qui conduit notre pays à sa perte. A travers la révolte des gilets jaunes accablée de mépris par une oligarchie arrogante, ce ne sont pas les réformes de notre fiscalité ou de notre Etat qui ont été demandées. Non ! Ce qui s’est exprimé avec une force inouïe, c’est la méfiance et le rejet que suscitent au sein du peuple les prétendues élites, qui font descendre la France toujours plus bas. Celles-ci s’opposeront bien sûr à l’instauration du référendum d’initiative populaire ou citoyenne au prétexte que la masse est incapable de réfléchir. Depuis 170 ans, la Suisse pratique cette démocratie semi-directe et se passe d’énarques et d’inspecteurs des finances réputés brillants… et elle s’en porte beaucoup mieux.