Les Aigles (déplumés) de la mort aiment le diable !

Notre degré d’avachissement intellectuel et moral est tel qu’il faut s’entortiller de précautions pour émettre le moindre propos… Soyons bien clair, aux lecteurs choqués par le titre de cet article, par son contenu ou les titres et qualités de l’auteur, qu’ils sachent que les devoirs, publics et privés, à rendre aux morts, qui devaient leur être rendus l’ont été.

Paix aux morts et, maintenant, debout les hommes !

D’abord, une lecture mystique.

L’idée circule sur les réseaux. Oh, très mollement, comme une sorte de dissonance, de grincement dans la mécanique de sidération collective. Personne ne s’y risque vraiment. D’ailleurs, l’injonction fuse. Le rappel à l’ordre claque ! Vous n’y pensez pas ! Bigot ! Réac ! Coincé !

Il faut bien que quelqu’un se dévoue. Que voulez-vous, j’ai été bercé dans ma jeunesse cléricale, par l’injonction de « lire les signes des temps ».

Quels « signes » ? Pas les corps entassés, les rues ensanglantées, les hurlements des blessés. Non, des images sous-jacentes, en arrière-plan, si fortes qu’elles aveuglent.

Qu’avons-nous vu ? Il est 21 h, ce funeste vendredi 13, au Bataclan. Devant 1 500 personnes en transe, serrées et échauffées comme dans une matrice, les Aigles de la Mort MétalEagles of Death Metal en v.o. – entonnent : « Qui va aimer le diable ? Qui va aimer sa chanson ? Qui va aimer le diable et sa chanson ?… ». Personne, et pour cause, n’entendra la conclusion : « … j’aimerai le diable et sa chanson ! ».

Et cette phrase de l’Évangile selon saint Luc, proclamée le matin même à la messe : « Où sera le corps, là aussi se rassembleront les aigles » (trad. Crampon, 17, 37). D’autres traduisent « vautours », mais c’est la même chose : les rapace qui se repaissent des morts. Voilà des signes ! Je les vois multipliés, sur les tee-shirts, sur les tatouages, sur les pochettes de disques : « mort… diable… », et les ingrédients qui vont avec : violence… sexe… défonce… jouissance… vacarme…, codes partagés de la culture de masse.

Qu’on ne me dise pas, avec des pudeurs de chaisières, que ce n’est pas du « métal ». Enfumage ! Ne me dites pas non plus que ce ne sont que des mots. Que c’est pour rire. À force de ne rien prendre au sérieux, tout fini par devenir tragique. Si vous élevez des pitbulls vicieux et pervers, parce qu’ils sont utiles pour faire peur aux voisins, ne vous étonnez pas si, un jour, ils sautent à la gorge de vos enfants. Vous invoquez le diable en rigolant ? Lui vous prendre au sérieux. Un exorciste extraordinaire me le disait le jour même des attentats : « Si vous lui ouvrez la porte, il se fait une joie d’entrer. » On ne joue pas avec les icônes, elles véhiculent le sacré…

Je vais allez plus loin. Tant pis pour les lecteurs sensibles. Regardez les photos des spectateurs quelques instants avant le drame. Ces pauvres enfants de la génération bobo, en transe extatique, « jeunes, festifs, ouverts, cosmopolites… » comme dit le “quotidien de révérence”. Mais ce sont des morts-vivants. Leurs assassins, ces zombis-haschishin, sont leurs frères siamois. Mais comment ne pas le voir ? C’est tellement évident ! Même déracinement, même amnésie, même infantilisme, même inculture… Les uns se gavaient de valeurs chrétiennes devenues folles : tolérance, relativisme, universalisme, hédonisme… Les autres, de valeurs musulmanes devenues encore plus folles au contact de la modernité : intolérance, dogmatisme, cosmopolitisme de la haine… Les uns portent le maillot du PSG – « Fly Emirates » en effaçant le berceau de Louis XIV, et les autres profitent du même argent pour se faire offrir un costume en bombes. Une minute avant leur mort, les uns et les autres étaient penchés sur leurs smartphones, comme accrochés au sein de leur nourrice. Ce n’est pas le retour du Moyen Âge, contrairement à ce que disent les crétins, c’est la postmodernité dans toute son absurdité. Le drame de l’humanisme athée, qui aime le diable, la mort, la violence, et qui le dit… et qui en meurt ! Le signe de la mort et du chaos ne flotte pas que sur les rues de Paris, un vendredi soir maudit. 130 morts, c’est affreux ! Et 600 morts, c’est quoi ? C’est le chiffre des avortements en France le même jour (Ministère de la Santé – merci Orwell !). Où est l’horreur, la vraie ?

Écoutez le sage : « Chers djihadistes, chevauchant vos éléphants de fer et de feu, vous êtes entrés avec fureur dans notre magasin de porcelaine. Mais c’est un magasin de porcelaine dont les propriétaires de longue date ont entrepris de réduire en miettes tout ce qui s’y trouvait entassé. […] Vous êtes les premiers démolisseurs à s’attaquer à des destructeurs. Les premiers incendiaires en concurrence avec des pyromanes. Nous triompherons de vous. Nous vaincrons parce que nous sommes les plus morts » (Philippe Muray).

Puis une lecture politico-sociologique.

Qu’avons-nous vu ? Des rockers californiens de deuxième zone, entretenant la flamme d’une musique désormais recyclée dans la grande lessive consumériste, une fausse rébellion pour de juteuses connexions avec l’industrie. Loin de moi l’idée d’encenser le rock et ses valeurs, mais on peut accorder au minimum à la génération « beat » le désir d’avoir voulu ébranler non pas tant la société patriarcale, que le matérialisme. Ses solutions étaient mauvaises, mais la révolte contre Mammon pouvait avoir quelque chose de sincère. Tout cela est aujourd’hui totalement intégré dans la matrice. Pire, la tentative de révolte a été « retournée » pour servir à la domination, par le divertissement (au sens étymologique), l’abrutissement de la moindre velléité de révolte. On peut écarter d’un revers de la main dédaigneux ces faits en estimant qu’ils relèvent d’un humour au second degré. Lorsqu’un membre du groupe revendique son goût pour les armes, la pornographie et la méthamphétamine… (Wikipedia), il ne fait que dealer un cocktail particulièrement efficace pour le contrôle social. Pas besoin de complot, pas besoin de police, l’appât du gain des trafiquants, les névroses sociales pullulantes et l’intérêt du système financier suffisent à faire le boulot. Des milliers de romans de science-fiction l’ont mieux dit que tous les sociologues. Voilà d’ailleurs en grande partie pourquoi vous ne pouvez pas faire la moindre remarque critique sur le sujet, sans vous faire agonir de sottises. Les chiens de garde veillent…

Ne parlons même pas des propos consternants de premières communiantes chez ces rockers revenus peureusement à la maison : « Bien que nous soyons désormais rentrés chez nous et en sécurité, nous sommes horrifiés et tentons toujours de comprendre ce qu’il s’est passé… », avant de remercier servilement la police et le FBI… Ils vénéraient Satan mais n’étaient visiblement pas impatients de le rencontrer. Ah, ils peuvent s’afficher avec leurs tatouages virils, leurs admiratrices en bikini et leurs grosses motos,« c’est rien que des demi-sels » comme dirait Audiard, des aigles déplumés, bien loin de la mère des Maccabées, « cette femme héroïque qui parlait avec un courage viril » comme dit l’Écriture Sainte ces jours-ci.

Pour finir, le sordide et les intérêts bien compris. Ils vont gagner au grattage après le tirage. Les victimes ne sont même pas enterrées qu’un journaliste du système peut tranquillement expliquer : « Lancée dans la foulée des attaques terroristes ayant frappé Paris vendredi 13 novembre, la campagne visant à porter la chanson Save A Prayer au sommet des ventes de singles britanniques bat son plein » (Le Figaro). C’est nous les complotistes, les obscurantistes, les réactionnaires, mais eux, ils peuvent tranquillement se repaître sur le dos des morts, ça ne gêne personne ! À vomir ! Il n’y a pas que ceux qui tiennent les kalachnikovs qui sont des monstres.

Grégoire Nysse : « Quand on dit que Dieu inflige un châtiment douloureux à ceux qui font un usage pervers de leur liberté, il convient de comprendre que c’est en nous-mêmes que ces souffrances ont leur principe et leur cause » (La vie de Moïse, 2, 87).

Hervé Benoît, prêtre catholique

P. S. : Les formulaires de dénonciations à quelque autorité qu’on voudra sont à la disposition du public.

> Cette tribune a été initialement publiée sur le blog Riposte catholique.

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30 Comments

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  • MP , 25 novembre 2015 @ 20 h 53 min

    Erratum : “objets liturgiques dont calices, ciboires…”

  • B.J. , 25 novembre 2015 @ 23 h 08 min

    Non, je pense que vous avez bien lu, “humanisme athée, qui aime le diable…”. Pas agnosticisme. C’est la même différence qu’entre un état Laïc, c’est à dire neutre religieusement à l’origine, et laïciste, qui combat toute idée d’une quelconque expression de Dieu.
    L’athéisme se caractérise non par une non croyance en Dieu, mais par le combat de l’idée même de Dieu. Pourquoi ce combat? Le fait de ne pas croire en Dieu relève d’un état qui est naturellement issu de cette liberté de croire ou non laissée par Dieu. Le combat contre Dieu est le fait du diable, ne pas être prêt à accepter qu’il existe quelqu’Un qui nous dépasse et qui nous juge.
    Etre athée c’est un peu comme un ado qui dit dit “tu n’es plus mon père” et qui plutôt que de s’en éloigner va chercher à tout prix à entrer en conflit; être agnostique, c’est s’en éloigner sans plus s’en préoccuper.

    Alors oui, l”humanisme Athée aime le diable, donnant toute puissance à l”Homme en combattant Dieu. Il aime la mort puisqu’il combat aussi l’idée de vie éternelle proposée par le Christ; il aime la violence puisqu’il ne peut admettre que d’autres puissent y croire et se fait fort de combattre cette idée.

    C’est l’éternelle question de savoir s’il vaut mieux les oeuvres sans la foi ou la foi sans les oeuvres. On peut accomplir de bonnes choses pour de mauvaises raisons. Pour un catholique, la Charité, qui ne met pas l’homme mais Dieu au fond de la démarche est la seule bonne raison. Donner pour se déculpabiliser ou donner pour l’amour de Dieu n’ont pas la même valeur.

  • Agnieszka , 27 novembre 2015 @ 12 h 25 min

    Auteur d’une tribune sur les attentats, le P. Hervé Benoît est « relevé de ses charges pastorales »
    Dans une déclaration publiée vendredi 27 novembre, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, demande aussi au P. Benoît « de se retirer immédiatement dans une abbaye pour prendre un temps de prière et de réflexion »
    La Croix 27/11/15 – 10 H 40.

    Je plains votre Eglise et vos évêques, chèrs Français.

  • ROBERJAN , 27 novembre 2015 @ 18 h 54 min

    Merci BJ et Trucker vos propos bienveillants me rassurent.
    Si l’agnostique dit ” je ne sais pas, et ça ne me trouble pas” l’athèe affirme, soutient, argumente “Dieu n’existe pas”.
    Pour autant un athèe est-il forcément hostile aux confessions religieuses ? Certes il ne facilite pas le boulot des prêtres, pasteurs, rabbins et imams mais il peut les laisser en paix dans une attitude authentiquement laïque, respectueuse des convictions de chacun.
    Ce qui ma donc choqué dans le propos d’Hervé BENOIT c’est de les avoir tous “mis dans le même panier” : les athèes hostiles, les athées laïcs et sous entendus,les agnostiques. On croit revivre le début du XX° siécle !

    Il n’ y pas que cela qui m’a choqué et j’ai dit à mes amis chrétiens (avec qui j’oeuvre bénévolement) que Mgr BARBARIN a bien fait d’éloigner Hervé BENOIT dans un couvent pour réfléchir. Peut-être conviendrait-il qu’ensuite il l’affecte aux Minguettes (ou autre quartier chaud, à Lyon ou ailleurs) pour aller aider les travailleurs sociaux et y apprendre ce qu’est réellement la vie de leurs habitants !.

  • B.J. , 27 novembre 2015 @ 22 h 27 min

    Je ne suis pas d’accord avec vous. Si l’athée ne combat pas Dieu, il est agnostique… Peut-être vous sentez vous attaqué en tant qu’agnostique, mais je ne pense pas que l’objectif est là.
    Contrairement à vous, je pense qu’une fois de plus, on a pris une phrase, sortie d’un texte, lui même sorti d’une doctrine sociale que presque personne ne connait en qu’encore moins cherchent à appliquer: celle de l’Eglise.
    C’est comme cela qu’on parle du Pape qui refuse la capote en oubliant de dire que quand on applique la doctrine dans sa globalité, les rapports sexuels dans le cadre du mariage, il n’y a pas besoin de capote.
    C’est comme ça qu’on se sert de la dernière encyclique du Pape pour dire “vive l’écologie”, en oubliant que la première écologie prônée par l’Eglise s’applique à l’Homme en déconseillant de se bourrer d’hormones pour contrer la nature (pilule), en demandant le respect de la vie en condamnant avortement et euthanasie…

    Non, ce prêtre ne se croit pas revenu au début du XXe puisqu’à l’époque, il était encore possible de croire en Dieu sans passer pour un ringard, pour un adversaire politique plutôt. Un siècle plus tard, lorsqu’un prêtre professe sa foi et pose un constat de manière un peu trop franche, un évêque qui ne veut pas choquer joue la carte des médias. Personnellement, je trouve ça plus triste qu’autre chose.

    Effectivement, on peut penser que tout se vaut, que des jeunes à un concert sataniste valent plus qu’un militaire mort des suites de ses blessures en combattant les djihadistes au Mali, leur offrant un hommage national quand ce dernier n’eu droit qu’à un filet dans journal.

    Ce n’est pas en refusant de voir que la déshérence spirituelle et sociétale est une cause de tout ceci que les minguettes deviendront un quartier où il fait bon vivre.

  • Annie , 27 novembre 2015 @ 23 h 39 min

    Il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre il est vrai que la société française est de plus en plus décadente et cruelle les méchants voir très méchants et cruels règnent et gagnent si ils ont affaire à une personne ou des personnes trop gentilles j en ai subies des choses atroces et ça continue mais même si je doute de l excistense d’ un dieu voir d un dieu bon je m adresse parfois à lui quoiqu on en dise ou en pense je suis sure que quelquechose nous dépasse et c est tant mieux je n ai jamais fait de mal la vie ne m a donné que des mauvais coups quel est le but de l existence ? J espère qu il existe une autre vie pour rattraper celle-ci qu en pensez-vous?

  • VictorVBE , 28 novembre 2015 @ 10 h 35 min

    Les curés comme les imams, dans le même sac.
    Ce n’est pas parce que le nombre d’adhérents impose l’appelation “religion” que vous ne demeurez pas une secte pour moi.
    Quand l’humanité se débarassera du pognon et de la religion, on vivra tranquille…..autant vous dire que c’est pas demain la veille!
    “la religion est l’opium du peuple” ….la seule phrase intelligente des cocos avec le financement de la corde pour se faire pendre par les capitalistes apatrides……

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