Le changement n’étant pas pour maintenant, retour à la case antiraciste. Mais déjà, ils se prennent les pieds dans le tapis avec l’arrestation du tireur de Libération.
En 1983, un virage antiraciste offrit au pouvoir socialiste une manœuvre de diversion pour masquer l’échec de sa politique économique et servir de substitut idéologique à la promesse trahie du changement. L’historienne Annie Kriegel le théorisa, la première, en 1985. Le subterfuge antiraciste permit au parti socialiste de se refaire une santé en faisant oublier ses promesses électorales. Il est à craindre qu’on assiste aujourd’hui au même stratagème.
Que signifie faire « bloc » (Hollande), par un « rassemblement des forces les plus avancées », pour un « sursaut républicain » (Ayrault), contre des « factieux » (Valls) ? Ce langage est destiné à envoyer des signaux de fumée antifascistes aux élites médiatiques, à rameuter l’extrême-gauche et à culpabiliser le centre pour le détacher de la droite, bref, à ressouder ses propres troupes et à semer le doute et la discorde chez l’adversaire.
Au moment même où la gauche abandonne la République pour se convertir au communautarisme, elle surenchérit dans les proclamations de République menacée par un péril aux portes de la Cité. Contre un prétendu regain du racisme, sont orchestrés un meeting le 27 novembre prochain et une manif le 30… « Nous devons pourchasser, lutter, éradiquer le racisme et l’antisémitisme », assène François Hollande. François Mitterrand, pour se faire réélire en 1988, écrivit dans sa Lettre aux Français : « Je vous conjure d’éloigner de vous l’égarement raciste ».
Arrestation du militant d’extrême-gauche Abdelhakim Dekhar
Le filon est inépuisable, on le voit avec l’affaire du tireur du journal Libération. Aussitôt, le patron de Libé met en cause « le climat de violence » et « des mots qui sont prononcés ». Suivez mon regard… C’est révélateur « d’une ambiance », selon Jean-Luc Mélenchon, tandis que François Fillon énonce : « Il n’est pas anodin que son premier geste meurtrier fut perpétré au sein d’un journal qui participe à la vitalité de notre démocratie. Face à cette violence, nous devons tous faire bloc ».
Plus explicite, le radical de gauche Jean-Michel Baylet dramatise : « s’en prendre à la presse c’est s’en prendre à la République ». Et il accuse le « contexte actuel marqué par une multiplication des attaques contre les valeurs républicaines ». Cet ancien candidat à la primaire socialiste, accusé par la justice de prise illégale d’intérêts, est toujours prompt à dénoncer le « jeu dangereux du populisme » et « une droite décomplexée qui a d’ores et déjà montré qu’elle était prête, ici et là, à l’alliance avec l’extrême-droite ».
Autre adversaire du populisme, la journaliste Caroline Fourest incrimine Internet, « bistrot global… où se libère une parole qui encourage les passages à l’acte violents… Mais la plus grande responsabilité, aujourd’hui, est à droite, où l’absence de complexe et la surenchère ont libéré une parole mortifère. On entend décidément trop peu la droite républicaine. Où est-elle ? Quand des gens de son propre camp dérapent et tiennent des propos à droite de l’actuel Front national… », etc.
Las ! Comme le remarque plaisamment un internaute : « En fait, le tireur a certainement plus souvent acheté Libération que Le Figaro, et on peut être sûr qu’il n’a jamais acheté Minute ». En effet, le coupable présumé avait déjà été condamné dans l’affaire Rey-Maupin, du nom de ces militants d’extrême-gauche qui avaient abattu des policiers.
Plusieurs conclusions s’imposent. Une nouvelle fois, comme dans l’affaire Merah, ceux qui ont parlé trop vite auraient mieux fait de se taire. Cela conforte ceux qui, lors de l’affaire Méric, ont d’emblée renvoyé dos-à-dos l’extrême-droite violente et l’extrême-gauche violente. Cela infirme, une nouvelle fois, la pertinence des âneries antiracistes sur la « parole qui se libère » et « les mots qui tuent ».
Enfin, cela devrait inciter à la sobriété ceux qui donnent dans la boursouflure mélodramatique en incriminant, au premier fait divers, une attaque-au-cœur-de-la-République et contre-la-liberté-d’opinion. Comme le remarque un internaute : « Il y a 100 fois moins de moyens policiers déployés et de unes médiatiques quand chaque semaine en France une grand mère est égorgée ou un chauffeur de bus tabassé. Cette histoire confirme que les médias et les politiques sont une caste au dessus du peuple français ».
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