Tribune libre d’Aristide Leucate*
Environs une heure après la proclamation des résultats définitifs confirmant Jean-François Copé à la tête de l’UMP, une dépêche tomba dans les salles de rédaction, tel un couperet, comme pour ramener le psychodrame médiatique des dernières vingt-quatre heures à la dure réalité : la France venait d’être dégradée par l’agence Moody’s qui lui ôtait « son » AAA. Singulière nouvelle qui parvenait mal, nonobstant, à s’imposer en lieu et place du cirque Amar auquel venait de nous faire assister, le « premier grand parti de France », ainsi qu’il affectionne pompeusement de se dénommer. Les augures antiques auraient immanquablement décelé dans cette sinistre conjonction de bien funestes présages, tant pour notre pays, que pour ceux qui prétendent en endosser à nouveau la noble charge. Car si la perte de notre triple A est un signe évident de défiance des marchés à l’endroit de notre capacité à rembourser ce que nous leur empruntons journellement, sa conservation obstinée par la droite française est plutôt le signe inquiétant de son incapacité à s’assumer en tant que telle. Explication.
Le premier « A » est celui d’Arrivisme. Les ambitions démesurées des partisans et chefs des deux clans, masquent mal leur indifférence lointaine pour l’intérêt général. Elles illustrent tristement la profonde césure du pays légal d’avec le pays réel. Les positionnements respectifs de certains poids lourds (Valérie Pécresse, sans oublier Copé et Fillon eux-mêmes) ou de jeunes loups affamés (Guillaume Peltier, Édouard Courtial, Geoffroy Didier) au sein de l’appareil, prouvent des appétits aiguisés par un carriérisme existentiel.
L’Asymétrie du deuxième « A » confirme le précédent dans l’attachement aveugle des dirigeants du parti à la stratégie mortifère, due au machiavélisme de Mitterrand, du « cordon sanitaire » à l’égard du Front national, mue aujourd’hui en « ni-ni » (ni PS, ni FN) imbécile, qui condamne irrémédiablement le parti à l’unijambisme électoral. La question de la pérennité de cet équilibrisme ahurissant (que la gauche ne pratique guère avec les plus ultras du Front de gauche) se pose avec d’autant plus d’acuité que l’UMP est au bord de l’implosion.
On rejoint ici le dernier A de l’Agenouillement de l’UMP devant la bien-pensance idéologiquement stérilisante et politiquement anesthésiante de la gauche. À l’instar de ce qui s’est passé au lendemain du congrès de Reims avec le PS, l’UMP se voit désormais inapte à substituer d’inutiles conflits d’égos à de fructueux débats d’idées. Ce faisant nous renvoyons à notre article « Droite introuvable, droite inavouable », relatif à l’anémie doctrinale et idéologique de la droite française. Machine de la gouvernance des choses, l’UMP, tout comme son homologue siamois du PS, ne se pense plus guère en projet de gouvernement des hommes. L’oligarchie qu’ils représentent ne propose plus rien que leur alternance, là où la démocratie attendrait une alternative.
*Aristide Leucate est Docteur en droit, journaliste et essayiste.
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