Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !

Sur le plan sociétal, la Belgique nous a habitué au pire. Ce petit pays créé artificiellement pour éviter que la France de Louis-Philippe ne remonte pas jusqu’à Anvers, ce « pistolet braqué sur le cœur de l’Angleterre », dont la classe politique est sans doute l’une des plus affligeantes de l’Union européenne (ce qui en soi est un record), est devenu le champion de « l’inhumanisme » contemporain au nom, bien entendu, du progrès, de la non stigmatisation et de l’individualisme roi.

Depuis le 1er janvier 2018, les hommes ou les femmes qui considèrent que le sexe mentionné dans leur acte de naissance ne correspond pas à leur « genre » peuvent faire modifier le sexe mentionné sur l’acte d’état-civil, ainsi que leur prénom, sans conditions médicales et chirurgicales. Avant une loi belge de juin 2017 la démarche n’était possible qu’après une intervention chirurgicale de changement de sexe et l’obtention d’une attestation d’un suivi psychologique. Ce qui paraissait assez raisonnable autant que ce puisse l’être. Mais bien évidemment ces dispositions étaient sans doute trop « discriminantes » et insuffisamment progressistes. Donc la loi du 25 juin 2017 avait donc stipulé que les personnes qui avaient la conviction que leur « genre », tel que mentionné dans leur acte de naissance, ne correspondait pas à leur identité pouvait faire modifier leur état civil. Ainsi, en Belgique, une personne peut donc se déclarer femme tout en gardant son sexe masculin. Et inversement !

Toutefois cette fabuleuse loi précise que l’on ne peut faire usage qu’une seule fois de cette possibilité pour changer « son marqueur de genre », de masculin à féminin ou de féminin à masculin… Cette demande étant irrévocable, l’intéressé doit se présenter deux fois devant l’officier d’état civil pour confirmer son choix au plus tôt trois mois après la première déclaration, au plus tard six mois après.

Bien entendu certaines associations militantes, en l’occurrence Cavaria, Rainbow House et Genres Pluriels (une association qui lutte pour la visibilité des personnes aux « genres fluides, trans et intersexes ») ont estimé que la loi restait imprégnée « d’une vision binaire de l’identité de genre » ! Elles ont donc déposé en janvier 2018, un recours en annulation partielle de la loi du 25 juin 2017 devant la Cour Constitutionnelle de Belgique afin de mettre fin à cette intolérable discrimination à l’égard des personnes « non binaires ». L’argument étant que la loi n’avait pas résolu le cas des personnes qui ne se sentent ni homme ni femme.

Ainsi, le 19 juin dernier la Cour constitutionnelle a fait droit à cette requête et considéré que le fait de limiter l’enregistrement du sexe dans l’acte de naissance aux catégories homme ou femme, était une lacune. Elle a indiqué qu’il n’était raisonnablement justifié que des personnes dont l’identité de genre est non binaire soient obligées d’accepter « un enregistrement du sexe qui ne correspond pas à leur identité de genre vécue intimement ». Il appartiendra donc au législateur belge de se débrouiller pour remédier à cette « inconstitutionnalité ».

Rappelons que dans les offres d’emplois des autorités fédérales belges figure la mention « M-F-X » ! Qu’en Allemagne la Cour fédérale a exigé que le législateur institue un genre X. Quant à l’Autriche, elle a tout simplement supprimé la mention du sexe de l’état civil. Tout cela au non de la traque contre toutes les discriminations liées au genre. Evidemment on pourrait en rire. Mais il vaudrait mieux en pleurer.

Ainsi le droit vient consacrer non pas la réalité mais la perception troublée que des personnes en souffrance ont d’eux-mêmes. En philosophie du droit classique, il était admis que la loi était une norme impersonnelle et générale et qu’il appartenait au juge d’en faire l’application aux cas particuliers. Dans notre temps de déconstruction sociale et anthropologique, le juge et le législateur sont sommés de reconnaître légalement toute souffrance, voire toute névrose, individuelle en tant que droit au nom de la non-discrimination et de l’égalité. C’est en vérité une corruption absolue des principes généraux du droit. C’est aussi institutionnaliser la dictature des minorités. En l’occurrence d’une minorité de minorité. Peut-être faudrait-il rappeler que le droit ne constitue pas une thérapie et que les troubles de la personnalité relèvent plus de la psychanalyse que du code civil.

Or on ne peut organiser une société en ne prenant en compte que ses éléments qui vivent sur ses marges. Une société s’organise en fonction d’un corps central fort et majoritaire dans le respect des minorités, ce qui ne signifie pas sous la loi des minorités. C’est d’ailleurs impossible car, par définition les minorités sont diverses et plurielles. Laquelle devrait-on choisir ? Les noirs, les jaunes, les blancs ? Les musulmans, les bouddhistes, les protestants, les catholiques ? Les gays, les lesbiennes ? les féministes hystériques ? les bobos urbains mondialisés ? On voit bien que cette dictature des minorités aboutit en fait à la lutte de tous contre tous, à l’anarchie, à la déconstruction sociale, à la perte de l’idée même de bien commun.

C’est bien pour cela que la loi de la démocratie est celle de la majorité car il faut bien un principe d’organisation et de décision qui soit clair. Bien entendu, la majorité se doit de respecter les minorités, mais non de se paralyser elle-même pour obtempérer à toute injonction de telle ou telle minorité s’appuyant sur des groupes de pression efficace et infiltrés dans les sphères médiatiques ou politiques. Faute de quoi on aboutit à une insupportable dictature des minorités au nom de laquelle les minorités « visibles » ou bruyantes imposent leurs diktats à une majorité devenue invisible, parce que méprisée et oubliée par une oligarchie politico-médiatique décadente qui s’emploie à la réduire au silence, notamment en poursuivant devant la justice l’expression de simples opinions réputées offensantes pour des minorités devenues intouchables.

Apparemment bien des pays de l’Europe semble fatigués d’eux-mêmes, ce qui est généralement le signe des civilisations décadentes. Tous les éléments en sont rassemblés : suicide démographique, refus de se défendre, négation de l’existence des périls, hypertrophie de l’individualisme, système étatique aussi lourd qu’impuissant, perte des repères, relativisme moral, rejet de la loi naturelle, goût immodéré du lucre, cynisme généralisé, indifférence aux conséquences des politiques et des actes posés par des dirigeants opportunistes, absence d’hommes d’Etat. L’Histoire nous enseigne que les civilisations meurent plus de leurs faiblesses que de la force de leurs adversaires.

Le rôle de Cassandre n’est jamais apprécié par l’opinion publique, mais sans doute sommes-nous arrivés au bout des idéologies progressistes. Au demeurant ces idéologies, de Lénine à Pol Pot, ont semé le XXème siècle de fosses communes ! Les Jacobins et la révolution française avaient ouvert le macabre bal. Nous arrivons à l’épuisement du système. Mais la question est de savoir qui sifflera la fin de la récréation ? Les idiots utiles de l’Union européenne s’effraient de la Russie et font preuve d’un aveuglement confondant en ce qui concerne l’Islam conquérant. L’esprit de Munich n’est pas mort et nos dirigeants blasés seraient bien inspirés de relire le discours de Soljenitsyne prononcé à Harvard en 1978. Encore faudrait-il qu’ils soient encore capables de réflexion.

Décidément, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !

 

Stéphane Buffetaut

Related Articles

1 Comment

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Christophe Buffin de Chosal , 5 août 2019 @ 13 h 05 min

    Pourquoi introduire cet article par une contre-vérité par ailleurs sans rapport avec le propos ?
    La Belgique n’est pas un pays “créé artificiellement” comme le prétend M. Buffetaut. Il serait bien en peine de dire quand cette “création” a eu lieu et à partir de quels morceaux de territoire arrachés à quels voisins…
    La Belgique existait dans les mêmes frontières avant la Révolution française sous le nom de Pays-Bas autrichiens et avant cela sous celui de Pays-Bas espagnols. Certes elle a perdu des morceaux de Hainaut, de Flandre et de Luxembourg… par la faute de la France. Dire que la Belgique a été inventée au Congrès de Vienne ou lors de son indépendance en 1830 n’est rien d’autre que l’affirmation d’une grave ignorance historique et, le plus souvent, d’un travers nationaliste dont l’Europe n’a que trop souffert.
    Il me semble qu’un Etat peut-être davantage dit artificiel quand il se compose de morceaux pris sur ses voisins et ce contre le gré des peuples concernés. Si cette définition est correcte, la Belgique n’est certainement pas artificielle puisqu’elle n’a cessé de perdre des territoires au cours de son histoire. Par contre, la France est un assez bon exemple : Alsace-Lorraine, Corse, Bretagne, Flandre, etc.

Comments are closed.