De la Kippa à la Croix : les Confessions d’un juif converti à Jésus

« Je m’appelle Jean-Marie Elie Setbon. Je suis Juif, converti au Christ »

Baptisé dans l’Église catholique à 43 ans, veuf, remarié, père de huit enfants, l’auteur de ce livre publie des « Confessions » bouleversantes sur son itinéraire personnel.

« J’ai toujours été attiré par Jésus, à tel point qu’à l’adolescence j’ai voulu me convertir au christianisme », écrit-il tout en observant que la communauté juive dont il est issu demeure très opposée à une telle conversion. Pourtant, de nombreux Juifs se sont convertis, « à commencer par les premiers apôtres ».

Beaucoup de paradoxes dans cette vie… Né dans une famille juive non pratiquante avec le prénom de Jean-Marc, l’auteur n’apprend cette appartenance que… le jour où il avoue à sa mère avoir été puni à l’école pour avoir traité un camarade de… « sale juif »

Ashkénaze par sa mère, séfarade par son père, le garçon est élevé sans pratique religieuse. En vacances en Bretagne, il est attiré par un crucifix « comme un aimant ». Il va être « subjugué » par les calvaires : « Déjà à cette époque, je sens que Jésus m’appelle ». Rentré chez lui, il fait le signe de croix, qu’il n’associe pas à la souffrance, ni au sang, mais à « une présence divine ».  Et pourtant, il découvre que ce signe chrétien fait l’objet d’un rejet du peuple juif. Mais il rêve d’entrer dans une église…

À l’âge de 12 ans, il prépare l’étape de l’initiation religieuse juive de la Bar-mistva : il apprend à déchiffrer l’alphabet hébraïque et lit la Bible. Cependant, il décide de se rendre un dimanche au Sacré-Cœur de Montmartre : « Dans cette église, je me sens comme chez moi ». Il va y retourner une fois par mois, à l’insu de sa famille. Un jour, il assiste à une messe : au moment de la communion, c’est trop fort pour lui : il se joint à ceux qui vont vers la Sainte-Table…

Inscrit dans une école privée juive, Jean-Marc apprend le drame de la Shoah nazie : cela éveille en lui « un fort nationalisme », avec le sentiment nouveau d’une identité juive et « un grand amour pour Israël ». Il adhère au sionisme religieux.

Il vit alors une double spiritualité, restant attaché à un culte personnel du Christ, malgré l’antinomie qu’il constate entre christianisme et Torah. Il fréquente à la fois la synagogue et… la basilique du Sacré-Cœur. Un jour, n’y tenant plus, il décide de devenir chrétien : à l’âge de 15 ans, il entre dans un confessionnal à Montmartre, et expose son cas à un prêtre. Interloqué, celui-ci s’en va et le laisse seul, désemparé. Jean-Marc se dit qu’il a eu tort et qu’il ne peut pas « trahir » son identité juive. Mais il retournera à la messe…

Toutefois, au fil des ans, l’adolescent est devenu un pratiquant du judaïsme… au grand dam de ses parents : « Il n’y aura pas de rabbin à la maison », tonne son père… « Je vis comme dans un monastère intérieur au milieu des autres », sous le double signe du judaïsme porteur de kippa, et toujours du Christ : avec Jésus, « c’est une relation exclusive d’un bien-aimé au bien-aimé »… Cependant, à 18 ans, il décide de partir en Israël : il devient citoyen israélien et va rester huit ans.

D’abord, Jean-Marc apprend l’hébreu très rapidement, tout en étudiant la philosophie et la théologie  juive, la Bible et le Talmud. Seul, il repense à Jésus « lorsqu’on part en pèlerinage à Jérusalem ». Ensuite, viennent deux écoles, l’école de la Torah, puis l’école de l’armée, chez les paras de Tsahal. À l’école religieuse, il trouve une atmosphère chaleureuse, et il entre dans des familles israéliennes : il constate une entraide qui l’impressionne. Israël est sa deuxième patrie. À l’armée, c’est la mise à l’épreuve : on lui apprend à « développer une volonté incroyable », avec des « ressources psychologiques insoupçonnées ». Un jour, au Liban, un soldat saute sur une mine : le médecin de l’unité se précipite pour le soigner malgré le danger omniprésent. Leçon inoubliable, un homme en sauve un autre « au mépris de sa propre vie ».

De retour en France, un juif ultra-orthodoxe le persuade d’évoluer : après le jean, c’est le pantalon noir, la chemise blanche, la veste et le chapeau. Un an après, installation dans une école ultra-orthodoxe, une « yeshiva » plus stricte… Mais Jean-Marc découvre avec gêne que le Talmud exclut Jésus comme un blasphémateur… À nouveau à Paris,  ayant reçu une formation rabbinique, ultra-orthodoxe barbu, il semble « un extraterrestre » dans sa famille, et constate qu’« il y a une forme d’intégrisme laïque en France »… Lui-même s’est raidi…

Chez les juifs, « la sainteté passe par le mariage » : Jean-Marc épouse sur présentation une juive sépharade pratiquante, Martine, qui enseigne dans la même école. Sur fond de musique religieuse, la fête du mariage est très joyeuse, et séduit le père et les frères du nouveau marié…

Bientôt, c’est le retour en Israël avec la jeune épouse, pour continuer sa formation, plus particulièrement dans le domaine de la théologie scientifique et mystique juive sur les Écritures Saintes. Les jeunes mariés logent au-dessus du lac de Tibériade. Jean-Marc étudie dans une école rabbinique pour gens mariés. Sa femme apprend l’hébreu. Tous deux baignent dans le bonheur. Mais l’armée remet la main sur le jeune époux sans prévenir, sans qu’il puisse avertir Martine ! Il ne peut lui téléphoner que deux jours après, et ne regagne leur domicile qu’au bout d’une semaine, en pleine nuit… Lui, il est content d’avoir enseigné des chants de Shabbat dans la caserne à des camarades non religieux. Mais elle, choquée, elle veut rentrer en France. Pour lui, c’est un sacrifice, mais il consent à ce retour par amour pour elle.

« Le christianisme est au judaïsme ce qu’est un fils pour sa mère. Il restera toujours le fils de sa mère et l’honorera, mais pour qu’il puisse vivre, il doit s’en séparer. Alors seulement, le fils apporte quelque chose de neuf ».

Revenus à Paris, ils vont avoir très vite un, deux, trois… puis sept enfants. Mais le « syndrome christique » de Jean-Marc le reprend : il retourne au Sacré-Cœur et assimile l’Evangile de Saint Jean, en cachette. Il rencontre un Dominicain, qui lui donne un de ses livres. Catastrophe, à l’occasion d’un cambriolage, Martine découvre les textes chrétiens et une croix parmi le fatras de l’appartement. Furieuse, elle exige que tout soit jeté…

En 2004, son épouse malade meurt peu après avoir accouché de leur septième et dernier enfant. Eperdu de douleur, Jean-Marc va devenir « père au foyer casher » de ses enfants âgés d’un à 10 ans, avec l’aide de sa belle-sœur pour le dernier: pour lui, c’est une activité à plein temps, passablement harassante, où il déploie toute l’énergie qu’il a découverte en lui… lors de « l’entrainement militaire » en Israël. Elever une grande nichée de bambins en tenant un ménage « casher », ça occupe son homme ! Il prend quelques distances avec la pratique régulière du judaïsme : « Je ressens le besoin d’une relation plus personnelle et moins formelle à Dieu ». Il prie chez lui, souvent avec ses enfants.

Puis sa vie bascule sur une plage, « de nouveau attiré par le Christ » au vu d’un calvaire, le 6 août 2007. C’est le jour de la fête de la Transfiguration de Jésus. Sans savoir pourquoi, il est saisi de grands frissons malgré la chaleur et il dit à ses enfants que… le cardinal Lustiger va mourir ! Information confirmée le lendemain ! « Cette fois, l’appel est clair ! Jean-Marie Lustiger, juif converti, m’a fait signe ! Le Christ est passé par lui. » Jean-Marc souhaite à nouveau rencontrer un prêtre, tout en restant conscient de la difficulté de témoigner d’un tel phénomène sans passer pour déséquilibré… Mais il voit « une différence entre la vertu de prudence et la frilosité spirituelle », et selon lui, l’Église, en France, « se censure trop, par crainte de ce que l’on va penser d’elle ».

Point capital, « le surnaturel passe dans nos vies par le naturel » : Jean-Marc voit à la télévision un film sur la vie de Jean-Paul II et découvre ainsi Saint Jean de la Croix. Ses enfants et lui sont captivés par ce Pape qu’ils ignoraient, mais lui, il veut lire l’œuvre de ce mystique carme espagnol qui inspira Karol Wojtyla. Il cherche des catholiques : il trouve une oblate des Carmes qui lui procure le livre voulu, qu’il va dévorer.

Aujourd’hui, missionné pour prêcher des retraites, le converti fait cette remarque qui sonne comme un défi : « Au travers des siècles, dans son mariage d’amour avec l’Eglise, malgré toutes les infidélités de celle-ci, le Christ n’a jamais divorcé ». Puis il découvre que « comme Dieu est passé par Marie pour rejoindre l’homme, Il souhaite qu’on passe à notre tour par Marie pour Le rejoindre ». Comme juif adepte de la notion de réceptacle pur pour un contenu pur, il comprend parfaitement la notion de virginité mariale.

Mais c’est un nouveau phénomène mystique qui entraîne l’adhésion complète de Jean-Marc à la conversion, devant un tableau de la Sainte Face du Saint Suaire, avec une vision des yeux du Christ qui le regardent à deux reprises. Il ressent des frissons sur tout son corps comme le 6 août sur la plage. Cette fois, il explique tout à ses enfants, qui acceptent merveilleusement son itinéraire. Il reste lui-même : « La grâce, le surnaturel ne vient pas détruire le naturel ».

Il sera baptisé le 14 septembre 2008, le jour de la Croix glorieuse, chez les Sœurs de Bethléem, par immersion totale, sous le nom de Jean-Marie Elie.

Bien acceptée de ses enfants, cette conversion lui attire en revanche des réactions hostiles. De vieux amis lui tournent le dos. Il reçoit des lettres comminatoires. Dans ce livre, il demande le respect de son choix : « Je ne renie rien de ce que le judaïsme m’a donné et de ce que j’ai pu aussi lui apporter. Mais simplement, je continue à vivre autrement ».

Il observe que « dans le judaïsme, ce qu’on met en pratique, c’est la Loi », alors que le christianisme insiste plus sur la foi personnelle : « Chez les Juifs, c’est le peuple qui est élu ; chez les chrétiens, chaque homme et chaque femme est élu(e) ». Le Christ « va à la rencontre des personnes, une par une ». Dans le judaïsme, « c’était par mes forces et mon mérite, même si je croyais que Dieu m’aidait, que je pouvais devenir un juste. Le chrétien croit que Dieu travaille en lui. » Ceci se traduit par l’exigence chrétienne spécifique du pardon, si difficile, souvent impossible à pratiquer sans la grâce de Dieu… « Je ne veux pas opposer judaïsme et christianisme car Jésus ne l’a jamais fait ».

« Le christianisme est au judaïsme ce qu’est un fils pour sa mère. Il restera toujours le fils de sa mère et l’honorera, mais pour qu’il puisse vivre, il doit s’en séparer. Alors seulement, le fils apporte quelque chose de neuf ». Avec cette belle méditation, Jean Marie Setbon conclut que la « Bonne Nouvelle » du Christ indique que Dieu est là pour tous. Ce qui doit empêcher tout esprit d’exclusion réciproque chez les hommes.

Jean-Marie Elie Setbon, De la kippa à la Croix, Ed. Salvator, 205 pages, 18,50 €

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149 Comments

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  • eljojo , 22 juillet 2013 @ 21 h 16 min

    Cette analyse est très intéressante, mais dans ce cas précis, Ratzinger était vigoureusement pour une réforme majeure de l’Eglise et de sa liturgie.

    Sur l’oecumenisme, il déclare en substance que le pluriel “Eglises” devrait se décliner dans le singulier de l’unique Eglise, mais que pour diverses raisons historiques, l’uniformité a été substituée à l’unité, le singulier n’a plus admis le pluriel, pluriel qui n’a trouvé sa place qu’en dehors de l’Eglise.
    Autrement dit, il voyait l’oecumenisme, comme d’une part le retour des “communiones ecclesiae” au sein de l’Eglise et d’autre part un chemin vers la pluralité au sein de l’Eglise.

    Sur la liturgie, il n’a pas de mots trop durs contre la congrégation des rites, qu’il accuse d’avoir bureaucratisé la vie de la liturgie. Il parle de sédimentation qui a totalement occulté le coeur du mystère.

    Et, finalement, il accuse le Concile de Trente d’avoir manqué son objectif ultime, en cela qu’il a condamné la Réforme sans pour autant répondre aux questions légitimes qu’elle posait.

    Et, il faudrait ajouter à cela ses remarques malicieuses sur la fermeture d’esprit des théologiens scolastiques.

  • eljojo , 22 juillet 2013 @ 21 h 26 min

    La réalité est davantage nuancée, car il ne faut pas oublier que Paul VI est aussi l’auteur d’Humanae Vitae.

    Vous parlez de franc-maçonnerie, il faudrait ajouter qu’elle diffère selon les pays, en cela qu’en France elle est profondément laïciste, alors qu’ailleurs elle est moins radicale.

    Quant aux relations aux autres religions, je pense que lorsqu’on a peur de rencontrer l’autre, c’est qu’au fond on doute de soi. C’est uniquement à partir du moment où elle sait qu’elle est l’Epouse du Christ que l’Eglise peut rencontrer les autres croyances, et voir ce qu’il y a de beau en elle.

    Ainsi, souhaiter un bon ramadan aux musulmans, ce n’est pas légitimiser leur religion, c’est simplement les assurer de notre amitié dans ce moment important de leur vie de foi.

    Vous parlez des principes de 1789. Eh bien tout n’est pas mauvais dedans, ne serait-ce que parce qu’in fine, ils sont basés sur une conception chrétienne de l’homme. Les notions d’individu et de liberté sont essentiellement chrétiens. En revanche, ces principes dégénèrent lorsqu’ils sont coupés du christianisme. Par conséquent, tout n’est pas à jeter, mais beaucoup est à évangéliser dans ces principes.

  • Charles , 22 juillet 2013 @ 22 h 10 min

    Merci Christiane.

    Je n’en demandais pas tant.

    Pour tordre le cou de la farce oecuménique de V2, véritable virus ebola au sein de la véritable église:

    1.Comment peut on parler d’oecumenisme tout azimuth quand des papes et eveques concilaires ne sont meme pas capables de reconstruire l’Eglise catholique de toujours,séparée en Eglise romaine et Eglise orthodoxe. depuis 1054 ????.

    2.Le fait de croire en un “Dieu” n’a rien de particulier ni de valorisant en soi.Ce qui importe,c’est de connaitre d’ou vient notre intuition de Dieu et comment nous cheminons vers lui notre vie durant.
    “Aller vers Dieu” importe plus que “Arriver à Dieu”
    ou “Connaitre Dieu”.
    Assises est une farce gnostique gonciliaire.

    3.Ce qui implique que nous connaissions nous memes
    le chemin,tel qu’il nous a été expliqué par la révélation initiale et que nous sachions le suivre malgré les difficultés et les facilités de notre existence sur terre.

    En conséquence,le débat et l’effort ne portent pas
    sur des considérations verbales oecuméniques(donc gnostiques),mais porte sur la compréhension du cheminement et sur le respect effectif du cheminement.

    Le reste n’est que roupie de sansonnet.

    Si le catholique authentique vit sa foi en suivant son cheminement,cette simple preuve vaudra tous les discours oecuméniques d’Assises de ceux qui restent assis dans leur Foi.

    Ce sera la meilleure manière d’échanger
    avec les autres religions,par les actes et les gestes.

    N’en déplaise aux gonciliaires de V2
    et leur théologie de l’avortement raisonnable et modéré..

  • eljojo , 22 juillet 2013 @ 23 h 22 min

    Charles, je crois que vous confondez oecumenisme et dialogue inter-religieux.

    En effet, le dialogue inter-religieux s’apparente surtout à un échange philosophique et culturel, basé sur ce constat commun de spiritualité comme nécessaire à l’homme.

    L’oecumenisme, c’est tenter de réunir ceux qui se réclament du Christ dans l’unique Eglise.

    On peut ajouter le dialogue avec les juifs, qui est à mi chemin entre les deux, car le coeur de leur foi est vrai, mais ils ne reconnaissent pas le Christ.

    Ce qu’il y a, c’est que l’Eglise catholique doit changer, en cela qu’en son sein l’uniformité a longtemps remplacé l’unité. Il ne s’agit pas de changer le contenu de la foi, mais d’accepter que l’Eglise, est formée des Eglise locales, au sens paulinien du terme. C’est uniquement, en laissant germer une pluralité au service de l’unité que l’unité des Chrétiens avancera.

    Autrement dit, l’Eglise catholique doit sortir d’une rhétorique d’absorption. En ce sens, le geste de Benoit XVI vis-à-vis des anglicans a été génial : garder ce qui est bon dans leur tradition, mais en assurer la communion avec le coeur de la foi.

  • eljojo , 23 juillet 2013 @ 0 h 31 min

    À ceci près que les mots et les outils intellectuels pour définir la foi, eux, appartiennent à une époque, et, par conséquent, peuvent être démodés.

    Sans compter que l’institution de l’Eglise évolue, comme toute institution humaine, et que, par conséquent, sa manière de présenter les choses change. En particulier sur la tension éternelle entre centre et périphéries, mais aussi sur la relation à son environnement.

  • Aaron , 23 juillet 2013 @ 0 h 41 min

    C’est exactement cela; bravo pour votre culture.

  • olric , 23 juillet 2013 @ 6 h 39 min

    Il sera condamné à mort par B.H.L.

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