En France, où l’on ne badine ni avec l’anti-Trumpisme, ni avec les allégations de complotisme, le discours des Google’s gourous est parole d’évangile.
L’affaire se déroule en quatre temps. Acte 1, le 7 juin, Julien Assange accuse Google de rouler pour Hillary. Acte 2, le 10, un dénommé Matt Lieberman (du site SourceFed’s) accuse Google de favoritisme en faveur d’Hillary. Acte 3, le 14, un hacker semble-t-il lié aux autorités russes pénètre dans les arcanes du parti démocrate et l’accuse de programme systématique de critique des faits et gestes de Trump, ainsi que le relate, au Royaume-Uni, independent.co.uk.
Acte 4, le 16, suite à la suspension controversée du compte d’un conservateur gay américain (Milo Yiannopoulos), le site conservateur breitbart.com accuse Twitter de blacklistage isolant certains comptes. Un site rwandais anglophone, newtimes.co.rw, titre « Facebook et Google sont-ils biaisés ? », relatant le cas de Pamela Geller dont une page Facebook « Arrêter l’islamisation de l’Amérique », suite au massacre d’Orlando, a été suspendue pour avoir soi-disant franchi la limite relative aux propos « haineux, menaçant ou obscène ».
Resserrons le déroulement des faits sur la double affaire Google. Comme le résume le site français it.espresso.fr, la question qui se pose est : « Google : un biais politique dans la recherche en ligne ? ». Autrement dit, d’aucuns ont-ils serré ou desserré certains boulons de manière à induire certaines occurrences, à suggérer de la publicité subliminale pour Hillary ? A l’évidence, il n’y a pas eu de « Réunion à huis clos du Comité de pilotage du plan de favoritisme pro-Hillary », au sein de Google enterprise !
Au petit matin du 11 (heure de Paris), CNN Money feint de ne pas comprendre en évoquant une théorie de la conspiration, par définition ridicule et d’autant plus facile à réfuter. CNN Money n’est cependant guère suivie. Par The Next web, peu après, qui titre « Non, Google n’est pas en train de manipuler les recherches en faveur d’Hillary Clinton » ; ainsi que Hornell Evening Tribune, qui ironise « Maintenant, il y a une théorie conspirationniste à propos de Google et d’Hillary Clinton ».
En revanche, Washington Free Beacon, à 22h, titre « Voici dix exemples supplémentaires de résultats de recherche sur Google favorables à Hillary ». American Thinker, à 23h, ajoute lui aussi « plus d’exemples montrant » la chose. Restent factuels, parallèlement, Haberturk.com, site turc, Washington Times, breitbart.com, Daily Mail britannique, Wall Street Journal, USA Today, le site flamand hln.be, CBS News, la télévision danoise TV2, International Business Times, Al-Arabiya, le site russe unboxholics.com, le site norvégien dagbladet.no (qui fait la jonction avec la seconde affaire), le Telegraaf hollandais, The Hans India…
Presque toute la planète est au courant. Sauf la France, comme il se doit, où l’on ne badine ni avec l’anti-Trumpisme, ni avec les allégations de complotisme. Le Figaro rompt l’omerta le 13, mais seulement à la rubrique Technologies et en faveur de Google. C’est toutefois mieux que lors de l’épisode de la photo du petit syrien, où la grande presse française était restée pétrifiée à l’idée de déplaire au journal Le Monde, qui avait gelé les interrogations de la presse étrangère en lançant une allégation de complotisme.
Quant à la première affaire, ce sont, cette fois, les médias américains qui renâclent à répercuter les dires du « traître » Assange… Le 7, les propos google-is-in-bed-with-hillarys-campaign sont relatés par le site Sputnik, le site ibérique es.panampost.com et l’International Business Times UK. Le lendemain, La Stampa, l’International Business Times Italia, le Belfast Telegraph et indiatvnews.com. C’est seulement le 9 que le Washington Times relaie la nouvelle Outre-Atlantique.
« Il y a très peu de non-gauchistes dans la Silicon Valley », au dire d’un témoin. Il est certain qu’un phénomène d’endogamie intellectuelle, qui ne rencontre aucun contre-pouvoir, risque d’abuser du sien. Une communauté qui chasse de ses rangs la contradiction et l’altérité finit par raisonner en circuit fermé, dans une bulle. Cet effet d’auto-renforcement vaut pour les lanceurs d’alertes auto-proclamés. Discerner les véritables superpuissances du jour permet de leur apporter le contre-pouvoir de la contradiction.
> Marc Crapez est politologue. Sa page Facebook.
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