A vous qui vous êtes mobilisés ou qui attendez encore pour le faire, je vous le dis, le 26 mai, tout commence!
Nombreux sont ceux qui se demandent à quoi ressemblera le 27 mai 2013 ! Bienheureux qui aujourd’hui peut le dire ! Cependant, une chose est certaine, ce 27 mai sera très exactement ce que vous et moi en ferons. Rentrerons-nous chez nous comme avant ?
Il y a, me semble-t-il, deux façons de se concevoir dans la vie : acteur ou spectateur. Nous pouvons être l’un et l’autre ou bien l’un ou l’autre. Bien des gens ont tendance à n’être que spectateurs de la vie, voire même, de ce fait, de leur vie ! Il est normal, du reste d’être spectateur d’une partie de la vie du monde et même de notre vie. Il y a bien des choses que nous ne maîtrisons pas ou qui sont trop éloignées de nous. Le simple fait de regarder autour de nous, fait de nous des spectateurs. Mais il y a plusieurs types de spectateurs. Le premier d’entre eux ne fait que subir ce qui l’entoure sans même en avoir conscience. Il est tellement pris dans le mouvement qu’il est acteur malgré lui de ce qui se passe. Il agit mécaniquement, sans recul, tel une marionnette. Il est tellement anesthésié par le milieu ambiant qu’il est incapable de la moindre réaction, du moindre discernement. Par-là, il se rend complice involontaire de tout ce qu’il subit et qu’il diffuse par ricochet.
Le second spectateur est, quant à lui, conscient du monde qui l’entoure, mais ne mesure pas forcément les tenants et aboutissants de ce qu’il voit. Il est capable de prendre suffisamment de hauteur pour se voir lui-même dans la société, mais il ne s’élève pas au point de comprendre ce qui se passe ou ce qu’il fait. Ainsi, perdu dans l’imbroglio de ce qu’il voit, de ce qu’il perçoit, de ce qu’il ne parvient pas à discerner, il se laisse conduire et porter par le courant, soit par confiance, soit par paresse, soit par intérêt personnel. Il devient alors complice à son tour, mais complice volontaire par refus de sortir de son ignorance. Il est souvent plus facile de se cacher derrière le fallacieux prétexte : « Ce n’est pas à moi de gérer ça, il y a des spécialistes, je n’y peux rien ». Dans l’absolu, personne ne peut rien, si ce n’est celui qui veut s’en donner la peine et prendre les moyens d’agir. Notre troisième spectateur est issu de la même branche que le second. Il a conscience de ce qui l’entoure et ne veut pas s’en contenter. Il râle, critique, condamne, dispense de bonnes paroles assurant que lui, s’il pouvait agir, ‘Vous verrez ce que vous verrez !’. Mais, voilà, nous ne voyons rien.
Combien nombreux sont ceux qui sont pleinement conscients de ce qui les entoure et de la complicité passive qui est la leur, mais qui ne se donnent pas les moyens de bouger. Quelle responsabilité est la leur ! Non seulement ils savent que ce qui les entoure n’est pas bon, mais en plus ils y participent et poussent les autres dans cet engrenage ! Ils savent que ce n’est pas bon, ils le refusent, mais le font tout de même et entraînent à leur suite les autres à le faire. C’est sur la lâcheté de ceux-ci que les promoteurs du système actuel comptent ! Nous avons tous de bonnes raisons de ne pas agir. Je suis trop jeune, trop vieux, j’ai ma famille, mon travail, je ne peux pas prendre le risque de me compromettre, sinon ma carrière… Mais voilà, nous commençons tous par être jeunes et nous finissons tous par être vieux. Entre temps, nous avons notre carrière et notre famille, bref nous sommes de braves gens honnêtes qui vivent leur vie le moins mal possible (toujours ?) en se satisfaisant des conditions qui les entourent, voire en en tirant profit (toujours honnêtement ?), mais que voulez-vous la vie est ainsi !
Dans ce cas, silence, ne râlons plus ! Si nous nous satisfaisons du système, ne le critiquons pas ou alors soyons des critiques actifs et mouillons-nous ! Sinon, demeurons complices, mais ne nous donnons pas bonne conscience en critiquant ce dont nous profitons et dont visiblement nous nous contentons très bien ! Malheureusement, l’immense majorité de nos contemporains est ainsi. Ils ne cessent de se plaindre du monde qui les entoure, mais la plupart ne bougent pas. D’autant que bouger c’est non seulement prendre des risques, mais aussi renoncer à ce qui est mauvais, mais qui nous convient bien. Il faut changer les choses, mais les efforts sont pour les autres. Soyons clairs, il y a là un parfait mélange de couardise, d’égoïsme et de paresse. Beau tableau ! Penser que nous ne sommes pas concernés ou que nous n’avons pas la capacité d’agir parce que trop loin, trop faibles, c’est méconnaître le lien essentiel et organique qui lie tous les hommes entre eux.
Il y a en effet une véritable solidarité humaine. Entendons « solidaire » dans son acception technique, c’est-à-dire que les hommes sont tellement liés entre eux que la contagion les atteint nécessairement. Ce que je fais, ou ne fais pas, à titre individuel a des répercussions sur la vie concrète des autres. Là où je suis, je peux changer bien des choses par mon simple comportement, mon adhésion ou non à telle valeur, tel système. L’éducation que je donne à mes enfants concerne tous ceux qui un jour les approcheront. Refuser une habitude imposée par des lobbies, des modes rendues tyranniques par les média, voilà autant d’actions concrètes que je peux personnellement, familialement mettre en œuvre. Mais voilà, de tels gestes veulent souvent dire se distinguer et s’exposer, alors là, la peur nous paralyse. Peur du ridicule, peur d’être montré du doigt, voire exclu. Il est donc évident qu’il faut se mobiliser. Et c’est l’immense acquis de La Manif pour Tous. Ce n’est pas en restant chacun dans notre coin que nous serons à même de faire bouger les choses. Bien sûr, il y a les forts qui peuvent braver ces peurs, tant mieux pour eux et tant mieux pour nous. Ils seront alors nécessairement ceux qui par l’exemple vécu donneront aux autres le courage et l’impulsion. Ils doivent être cela et plus encore, ils doivent être les piliers des structures de regroupement. Penser que leur force leur suffit est illusoire et égoïste. Les dons que nous avons doivent servir à notre édification et à celle des autres. Nous ne sommes pas propriétaires de nos talents. Nous devons les faire fructifier. Or, fructifier ne veut pas dire uniquement les faire progresser, mais aussi qu’ils portent du fruit. Or le fruit de la force n’est-elle pas la protection et l’extension de ses rameaux protecteurs ?
Tous à notre niveau, nous avons, quel qu’il soit, un don, une richesse qui manque aux autres. Si je garde ma richesse, son absence bloquera la progression des autres. À l’inverse, s’il me manque une richesse gardée avaricieusement par son détenteur, alors je serai inévitablement freiné dans ma croissance. Nous sommes solidaires les uns des autres et cette solidarité, avant d’être une répartition matérielle des biens, est fondamentalement humaine. Le travail de chacun est de faire fructifier ses talents dans les deux directions évoquées plus haut. Nous avons donc tous à découvrir quel est notre talent, quels sont nos dons, nos richesses. Forts de cela, nous avons ensuite à chercher le meilleur moyen de les cultiver et de les mettre à la disposition de la communauté humaine dans son ensemble. Nous sommes en outre coresponsables du développement des dons des autres. Nos richesses sont complémentaires et ne doivent ni se concurrencer ni s’étouffer. Au contraire, elles doivent s’interpeller pour se faire grandir mutuellement. J’ai donc tout intérêt à ce que l’autre grandisse, car dans sa croissance il m’emmènera avec lui.
Oui, nous avons tous reçu l’un ou l’autre don, nous avons tous notre cheval de bataille. Nous nous sentons chacun concernés par un des éclats de la rosace du monde. Or c’est précisément là que réside l’immense harmonie de l’humanité. Il n’y a rien qui ne soit superflu dans les dons et les charismes que Dieu nous octroie. Bien au contraire, il y a une nécessaire complémentarité. Les talents des uns permettent de faire éclore le génie des autres. L’action de Paul pousse sous les pas d’Apollos. Nous avons besoin les uns des autres pour réaliser l’harmonie du monde. Le bleu du vitrail, si beau soit-il, ne donnera la plénitude de sa beauté que traversé par la lumière. Chagall n’aurait pas pu illuminer la cathédrale de Metz sans les maîtres verriers.
La construction du monde, la construction de la vie ne peut pas être un acte isolé. Le monde ne peut se vivre que dans l’harmonie des actions de chacun. La mise en œuvre de nos spécificités peut et doit se réaliser dans l’harmonie de la complémentarité et non dans la juxtaposition d’efforts, si bons soient-ils.
Les chrétiens ont l’immense grâce d’avoir, par-delà leurs différences, par-delà leurs charismes, un point d’ancrage commun : le Christ. D’autres peuvent avoir en commun un but, nous, nous avons le fondement. C’est du Christ que tout doit partir, car il est la source, il est aussi notre unité. Nous formons un même corps, c’est plus qu’une communauté d’action. Nous sommes chacun un membre de ce corps, une pierre de l’édifice. C’est bien autre chose qu’une armée de soldats côte à côte ! Mais s’il manque une pierre, l’édifice peut se désolidariser. Nous faisons corps et ce que je fais ou ne fais pas influe sur le corps tout entier. Le Christ nous unit en un même corps et il nous donne un but à atteindre, la réalisation de son corps, c’est-à-dire de ce qu’il est lui-même : la réalisation de l’homme. Qu’est venu faire le Christ sinon relever l’homme, redonner à chacun l’espérance et la dignité ? Il est venu relever l’homme et par-là nous donner le sens de notre vie de chrétien : donner Dieu au monde, étendre le royaume de Dieu. Voilà à quoi nous sommes invités. En un mot, nous avons comme impératif de participer au bonheur de ceux qui nous sont confiés, au bonheur de notre prochain.
Mais de qui suis-je le prochain sinon de celui qui m’entoure, de celui qui m’interpelle par sa pauvreté, sa blessure ? Nous sommes tous le prochain de quelqu’un, parce que nous avons tous quelque chose à apporter qui fait défaut à l’autre, tout comme il nous manque ce que l’autre peut nous apporter.
Quels sont mes talents, quels sont mes prochains ? Quelle est ma place dans l’édifice à construire ? Quelle que soit la taille de la place que j’ai à occuper, elle a son importance et si je ne l’occupe pas elle fait défaut. Nous sommes unis dans un même corps pour une même fin, par notre foi en un Christ qui nous montre le chemin.
La grâce extraordinaire du chrétien est précisément cette capacité fondamentale d’arrêter la spirale du mal là où il est en refusant la compromission et la complicité plus ou moins passive. Pourquoi sommes-nous capables d’arrêter cette spirale sinon parce que grâce à la Révélation chrétienne nous savons avec précision discerner le bien du mal. Et c’est cette vérité que nous devons tendre à faire appliquer autour de nous, dans ce monde que nous subissons et qui, faute de repères clairs et de parole de vérité, s’éloigne de plus en plus de la lumière et devient alors incapable de réagir, car incapable de discernement. Nos contemporains, harcelés de vérités contradictoires, sont totalement dénués de repères. Le fond le plus intime de leur personne peut se révolter parce qu’il sent que l’ensemble n’est pas accordé, mais l’homme est incapable d’agir car il ne connaît plus la route à suivre. Il nous appartient, à nous chrétiens qui avons la grâce, la richesse de la foi, de redonner au monde les repères et les valeurs nécessaires à un nouveau départ.
Les piliers de notre foi, les vérités chrétiennes qui nous animent, balisent, en effet, le chemin que nous devons suivre. Ce sont :
- Permettre à l’homme de s’épanouir dans la plénitude de ce qu’il est ; découvrir la vérité profonde qui le constitue, lui donner les moyens efficaces d’avancer vers le bonheur en se construisant et en se libérant de ce qui l’empêche d’être un être humain digne et comblé.
- Mettre l’homme au centre de nos préoccupations, en faire la fin de nos actions et non pas le moyen, en dépendance de buts avilissants ou destructeurs.
- Resituer la personne comme lieu essentiel de l’échange et de la créativité pour, tout en l’aidant à se construire, lui apprendre à construire l’autre.
- Sortir l’être humain de l’isolement qui est le sien, en l’ouvrant aux réalités familiales et sociales, considérées comme le lieu de la construction et de l’épanouissement.
- Ouvrir nos yeux sur le monde comme écrin magnifique du joyau qu’est l’homme, afin de lier leur destin dans la conscience que la responsabilité de l’homme sur la Création est le meilleur garant du développement de l’un et de l’autre.
- Multiplier les interactions et les interdépendances entre le moi à construire et à épanouir d’une part et l’altérité du monde dont le même moi est cocréateur, coresponsable.
- En deux mots : défricher et aplanir les routes.
Rien de moins que cela ! Mais si les chrétiens ne le font pas qui le fera et au nom de qui ? Nous avons la grâce et la force du Christ avec nous ! Il ne s’agit pas de convertir le monde. Dieu s’en charge ! Il s’agit de redonner les repères humains essentiels que nous enseigne le Christ. Si ces repères et leurs conséquences ouvrent les voies de la conversion (et il y a fort à le parier) tant mieux.
Les chrétiens ont quelque chose à dire dans le monde actuel ! Les chrétiens ont de plus en plus envie de dire ce qu’ils ont à dire. Les chrétiens attendent de faire ce qu’ils ont à dire ! Combien sont nombreux à constater les manques qui nous entourent ? Combien sont nombreux à s’engager pour faire éclore ce qui existe de bon dans l’homme et dans le monde ? Combien sont bras ballants, parce qu’ils ne savent pas à qui les offrir ? Combien sont désemparés face à l’ampleur de la tâche, découragés par l’énormité du chantier ? Combien attendent qu’on les mette en mouvement ? Combien cherchent quelle direction prendre ?
Les chrétiens ont une parole de vérité sur l’homme et par là, ils ont une parole de vérité sur la société, l’économie. Inutile de dire qu’il y a là de la place et du travail pour tout le monde !
Unissons nos forces, nos projets, nos attentes, nos difficultés et nos manques dans un même effort au service de ceux qui nous sont confiés. Regardons ensemble dans cette direction commune qui est la nôtre à la rencontre du Christ, du démuni, de notre prochain. Construisons sur nos valeurs, riches de nos différences, un projet dans le cœur du Christ. Portons-nous ensemble au chevet du monde, pour prendre son pouls et l’aider à notre mesure, à notre place, à remplir sa mission auprès de nos compatriotes. Soyons par la grâce et la force du Christ artisans de l’avenir de notre pays et de notre monde. N’ayons pas peur de répondre à l’invitation du Saint Père en nous engageant, en prêtant notre concours à la folle aventure de l’espérance. Si nous, chrétiens, ne rendons pas visible notre foi, si nous, chrétiens, ne rendons pas compte de l’espérance, si le sel de la Terre s’affadit qui, qui salera à notre place ?
Que chacun n’ait pas peur de donner ce qu’il a reçu pour participer à l’avenir dont nous sommes responsables !
Aujourd’hui, les volontés et les mouvements chrétiens en matière d’action sociale et politique en France sont nombreux et variés. Leurs objectifs s’échelonnent de la réflexion à l’action, s’égrainent du local au national, s’étendent de l’individu à la collectivité. Leurs efforts, parfois conjugués, souvent isolés, quelquefois concurrents, sont tout à la fois un souffle et une espérance pour notre pays, mais aussi pour chacun pris individuellement. Leur point commun essentiel n’est rien de moins que leur foi. Les modalités d’expression de cette foi sont propres aux sensibilités de chacun, aux accents choisis pour leur action. Ainsi, tous réalisent la parole de saint Paul : « Celui qui a la grâce du discours qu’il parle ; celui qui a le don d’enseigner qu’il enseigne… »
L’enjeu est bien de donner aux hommes la possibilité de recevoir le Christ. Mais il convient aussi de redonner au monde les capacités de le recevoir en réhumanisant une société déshumanisée, car trop matérialisée pour entendre un message spirituel. Il nous faut redonner au monde les conditions de possibilité de la foi. Mère Térésa disait : « Avant de parler de Dieu à un pauvre, donnez-lui à manger ». Les pauvretés sont peut-être différentes, mais elles sont nombreuses.
Que ce soit avec des idées ou des bras ; que ce soit avec des moyens ou notre simple générosité, nous avons tous, là où nous sommes, quelque chose à faire pour construire le monde de demain. Celui qui s’est ouvert ces derniers mois et qu’il va falloir construire dès le 27 mai. Ne pensons pas que nous n’avons pas la compétence. Laissons Dieu mettre à profit nos dons. Ne pensons pas que c’est peine perdue, idéalisme, car ce qui est folie pour les hommes est sagesse pour Dieu. Ne pensons pas que les vents contraires sont trop forts, car Dieu est plus fort que ses ennemis. Ne doutons pas de la force de la foi. Ne doutons pas de la nécessité et de la grandeur du message chrétien. Larguons les amarres, avançons au large, soyons le levain dans la pâte, la lumière du monde.
Nuls autres que les chrétiens ne peuvent le faire !
Nul autre que nous n’en a le devoir impérieux !
Ce que nous avons reçu, nous avons le devoir de le donner au monde. Sortons de sous le boisseau, brandissons le Christ, unissons nos talents et nos cœurs.
Ensemble, unis, pour l’épanouissement de chacun, osons un nouveau visage pour la France. Ayons assez d’audace pour la France et pour le Christ !
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