Jim Morrison, chanteur du groupe phare de la fin des années soixante « The Doors » est mort à l’âge de vingt-sept ans -tout comme Janis Joplin, Jimmy Hendrix ou plus récemment Amy Winehouse- en 1971. Il incarna la figure absolue du rockeur, shaman mystique, poète ignoré et damné par les excès de son temps, dont il fut le meilleur prophète :
« Je suis le lézard Roi ! Je peux faire n’importe quoi ! »
Où est-il ce vin des dieux ? Il pourrit sur la vigne !
Qu’en est-il de ce « dérèglement méthodique des sens pour atteindre l’inconnu »¹ ? Il afflige des masses d’alcooliques et de toxicomanes. Il déforme, il détruit, il disperse. Jim fut détruit, lui aussi ; ses traits alliant la noblesse d’une statue grecque et la chevelure taillée d’Alexandre le Grand se dissipèrent sous une panse liquide et l’acide d’un alcool qui déformât son visage. Il n’était plus que l’ombre de lui-même. Il avait tout. Il sacrifia tout à son époque, et elle ne lui offrit que le plaisir de succomber jusqu’à la mort dans sa déchéance.
Et cette perception directe ? Comment pouvons-nous croire, qu’avec les yeux que nous avons, notre Ouïe, nos sens ridicules, nous serions capables de voir l’ensemble dans sa nature originelle et réelle ? Imaginons que l’humanité ne pourrait voir qu’en noir et blanc. Son monde ne serait alors défini, esthétiquement, que dans des nuances de noir, de blanc, de gris. Tout en serait altéré, de la peinture à la conscience ethnique. Serait-ce la vérité pourtant ? Élargissons à nos sens en l’état : croyons-nous qu’il n’y a pas des niveaux de perceptions supérieurs ? Il est certain. Sommes-nous capables de les atteindre ? Certainement non avec nos moyens. Toutes les expériences humaines d’ordre psychédélique n’ont mené à rien et la science ne fait que conforter, accompagner, alourdir de plaisir nos sens en l’état, aucunement les élever.
Toute sensation de grandeur et de transcendance de cette génération devait se réduire au circuit « drogue, sexe et musique » ce qu’on appel couramment «sexe, drogue et rock’n’roll». C’est avec des corps inhibés et des esprits sous influence, que le renversement sociétal pu aisément s’opérer ; permettant ainsi de continuer ce projet des siècles : l’avènement des tribulations, l’âge de fer, le kaliyouga, l’anéantissement.
La fin des années soixante fut un tournant ; la « libération » sociétale devenait idéologie : le respect des pères, de la famille, du travail bien fait, de la transmission père-fils, Maître-élève, cette idée traditionnelle de la pudeur et de l’accord aux lois naturelles devenaient une lourdeur insupportable au pur égoïsme de l’adolescent Roi, consommateur idéal, modèle anthropologique parfaitement adapté à la nouvelle idéologique dominante : l’union sacrée de la domination marchande à la subversion sociétale ; soit le libéralisme-libertaire.
Jim Morrison, bien d’autres encore ; ces générations d’artistes participèrent à idéaliser le « rebellocrate »², à incarner l’exemple de l’adolescent jouisseur, irresponsable, libéré par les drogues et le rock de la tutelle parentale, de l’autorité de l’État, des responsabilités communes…
Finalement, cette génération a porté en elle l’essaim que nous confirmons aujourd’hui avec la nôtre. Une jeunesse atomisée, dont l’acculturation rime avec divertissement et abrutissement. Une jeunesse gorgée de matières, consommatrice par excellence, qui se consomme elle-même dans l’espoir d’exister, de se sentir une raison d’être, de perdurer.
Notes :
1 : D’un poème d’Arthur Rimbaud ;
2 : néologisme d’Eric Zemmour ;
> David Berton anime un blog.
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