Le paysage politique français a connu un véritable bouleversement. Sous les apparences, que s’est-il passé en réalité ? Pendant des décennies, depuis les années 1970, une alternance entre droite et gauche rythmait la vie de notre pays. La gauche était progressiste et chevauchait trois montures : l’égalité sociale, les avancées sociétales et le collectivisme. Le choc du réel, après le désastre des nationalisations et de la croissance de la dépense publique en 1981, lui a fait abandonner son troisième cheval, en même temps que s’effondrait le communisme. Elle a donc privilégié le second. L’abolition de la peine capitale reste le grand moment de Mitterrand. Le mariage unisexe, celui de Hollande. Le progrès social, avec la diminution du temps de travail comme moteur principal, s’est avéré à la fois une stratégie stupide et contradictoire qui a fait régresser la richesse de pays, a accru le chômage et développé en fait les inégalités. La gauche s’est alors polarisée, là encore, sur les inégalités sociétales plus que sociales, liées au sexe, voire à ce qu’elle appelle le genre, à l’orientation sexuelle, à l’origine ou à la couleur. La lutte contre les discriminations a pris le pas sur l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions de travail. Durant cette métamorphose, la gauche de 1936 était devenue celle de 1968. Les « bobos » cosmopolites et hédonistes avaient remplacé les « socialistes », aujourd’hui en voie de disparition. Ne subsiste qu’une réserve d’indiens nostalgiques et « insoumis » menée par un sorcier qui a gardé le souvenir des rituels et des formules sacrées de jadis, mais qui ont perdu leur magie et demeurent sans effet.
A droite, cette longue période d’alternances avait vu s’effacer les caractères propres des familles politiques, le patriotisme des gaullistes, le libéralisme des giscardiens, le conservatisme moral allié au progrès social, tous deux chers aux démocrates-chrétiens. Réunis, il ne s’agissait plus pour eux dans l’opposition que de freiner la politique de gauche, et dans la majorité d’en conserver l’essentiel après s’y être plus ou moins ralliés. 35 heures, ISF, PACS : que de temps passé par les députés de droite pour combattre des mesures qu’ils étaient incapables d’abroger une fois au pouvoir. Cette liquéfaction produisit sur les sujets de la souveraineté et de l’identité, sur la sécurité aussi, la cassure de l’électorat. Faute d’un RPR musclé, comme jadis, l’électorat fit apparaître le Front National. Mais contrairement à l’exemple que donne l’Autriche, les deux droites françaises ont été incapables de s’entendre. Advint alors la surprise provoquée par le coup tordu monté contre Fillon, et qui n’aurait pas eu cet effet, si le FN n’avait pas été aussi fort.
Le pouvoir en place ne semble pas mal se porter si on en croit les derniers sondages. Il bénéficie d’un exceptionnel alignement des astres. Il y a ceux du contexte économique mondial et européen qui permet une embellie des chiffres français, plus tardive et poussive qu’ailleurs, mais les Français voient cette éclaircie correspondre à l’arrivée de Macron, en oubliant que son retard a été le fait de la politique erronée menée par Hollande, conseillé par le même Macron. Un Euro plus compétitif, un pétrole encore bon marché, une création de monnaie abondante sans inflation, des taux d’intérêts enchanteurs créent un environnement idéal, celui où les pires bulles se gonflent, mais ceci est une autre histoire… Les astres politiques sont aussi bienveillants. Sur la scène internationale, la France, qui parle à peu près à tout le monde, peut donner aux Français l’illusion d’être la voix de la sagesse qu’on écoute, quand d’autres pays, et non des moindres sont dirigés, l’un par un Président imprévisible, l’autre par un Premier Ministre empêtré dans le Brexit, l’autre encore paraissant incapable de former un gouvernement. Des médias français, séduits jusqu’à l’extase, assurent une mise en valeur quasi-permanente qui voit se succéder les rencontres internationales constructives orientées vers la paix, la protection de l’environnement ou la signature de contrats. Des opportunités mortuaires s’y sont même ajoutées récemment qui donnent au Président l’occasion d’exercer avec talent le pouvoir de la parole. A l’intérieur, une majorité pléthorique, et soumise, vote comme un seul homme, n’osant pas remettre en cause le miracle qui a généré son existence improbable. L’opposition est marginalisée à l’Assemblée, mais surtout, elle se déchire. Le récent départ de Bertrand, alors que Waucquiez pouvait s’appuyer sur une large victoire, en dit long sur la priorité donnée par ses membres à l’intérêt personnel sur des convictions jetées aux oubliettes. Dans un ensemble qui demeure de gauche, avec une dépense publique et une fiscalité qui détiennent des records mondiaux, quelques mesures intelligentes, notamment dans le domaine de l’éducation, permettent à l’exécutif d’entamer une OPA sur l’électorat de droite. Cerise sur le gâteau, Macron succède à un personnage calamiteux. Le plus faible rayon de soleil réjouit le coeur après une nuit aussi noire.
Ce contexte est artificiel et ne durera pas. Actuellement, il brouille les cartes. Demain, le pays réel reformera les lignes qui le partagent vraiment comme tous les pays occidentaux, entre progressistes et conservateurs, étant entendu que ce que font souvent les prétendus progressistes s’appelle en fait déclin et décadence, et que les conservateurs, en conservant l’essentiel, rendent le progrès matériel plus tangible. Le Général de Gaulle l’avait amplement démontré. La frontière entre les deux camps sortira sans doute du brouillard actuel plus nette qu’elle n’a été depuis longtemps. Identité et souveraineté de la Nation française, face à la dilution de la France dans une Europe Fédérale ouverte au mondialisme comme au flot des migrants, mais fermée à la défense de ses racines spirituelles, sont parmi les bornes essentielles qui la marquent. Ce ne sont pas les seules. L’Autriche vient de démontrer que la droite pouvait s’unir pour les défendre. C’est un exemple à suivre.
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