Ma tribune « Euthanasie des mineurs : le Roi des Belges face à l’Histoire » a connu un certain succès puisqu’elle a été « likée » plus de 1 000 fois sur Facebook. Ceci démontre qu’il existe une vraie attente de voir le Roi des Belges poser un acte fort. Cette tribune a aussi suscité des critiques. Je souhaite répondre à certaines d’entre elles ici :
1. La Constitution belge oblige le Roi à signer. Nulle inscription de la sorte ne figure dans la Constitution. L’article 109 stipule que “le Roi sanctionne et promulgue les lois”. C’est la coutume – c’est-à-dire la répétition constante et concordante d’un acte considéré par ceux qui le posent comme ayant valeur juridique – qui donne à cet article le caractère d’un devoir pour le Roi. En refusant de signer, Philippe agirait de façon exceptionnelle, comme son oncle Baudouin en 1990. Toutefois, contrairement à ce dernier, il pourrait se prévaloir d’un précédent.
2. Signer n’est pas approuver. Certes, la responsabilité du Roi n’est pas la même que celle de ses ministres et des parlementaires. Mais en gardant le silence, Philippe donnerait le sentiment de consentir ou tout au moins de ne pas juger la loi suffisamment grave pour la désavouer publiquement. C’est précisément afin d’éviter une telle ambiguïté que Baudouin a refusé de signer la loi dépénalisant l’avortement. Fils de Léopold III, il se souvenait sans doute qu’il est des péchés d’omission que l’Histoire juge sévèrement…
3. Un refus de signer de la part de Philippe provoquerait une crise gravissime. Ne serait-ce pas plutôt parce la loi est gravissime que Philippe ne peut la signer ? Une paix qui s’achèterait avec des vies innocentes – en plus d’être sale – serait bien fragile…
4. Le Roi des Belges n’est pas un monarque absolu, il ne peut agir à sa guise. Si le Roi des Belges n’est pas un monarque absolu, il n’est pas non plus un sous-citoyen. Or, la liberté de conscience – et son corollaire le droit à l’objection – sont des principes fondamentaux reconnus à tout citoyen par le droit international et confirmés par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme.
5. Ce serait la fin de la monarchie. La monarchie est le ciment qui maintient l’unité de la Belgique. Les parlementaires savent parfaitement que mettre fin à la monarchie serait mettre fin au pays. Il est donc très peu probable qu’ils prennent une telle décision pour une loi que personne, ou presque, ne réclame. D’autre part, si le Roi ne peut faire entendre sa voix sur un sujet aussi grave – il y est directement question de vie et de mort – on peut se demander si de facto la monarchie n’a pas déjà cessé d’exister.
6. Il faut respecter la démocratie. Mais la démocratie ne doit-elle pas aussi respecter certaines limites ? C’est en tout cas le postulat des tenants du droit naturel laïc à l’origine de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. Sous peine de devenir arbitraire, un régime, même démocratique, est tenu de respecter un certain nombre de droits fondamentaux : droit à la vie, à la liberté de conscience, au respect de l’intégrité physique etc. L’enseignement de l’Église est encore plus clair : aucune loi humaine ne peut enfreindre la loi donnée par Dieu sous peine de perdre sa valeur normative et de frapper d’illégitimité le pouvoir qui l’aurait édictée. Inutile de dire que la loi autorisant l’euthanasie s’oppose directement au cinquième commandement: “Tu ne tueras point.”
7. Je ne veux pas sacrifier l’avenir de mon pays pour cette loi. Posez-vous plutôt la question de savoir quel serait le futur de la Belgique avec une telle loi ! Jean-Paul II avertissait déjà qu’une nation qui tue ses propres enfants n’a aucun avenir…
8. Il faut laisser le Roi décider seul, ne pas lui mettre la pression. Cette objection – qui se veut bienveillante à l’égard du souverain – témoigne en réalité d’une grande naïveté. La pression qui s’exerce sur Philippe de Belgique existe en effet déjà depuis plusieurs semaines… Le problème, c’est que jusqu’ici elle venait d’un seul camp, celui des partisans de la loi ! Si Philippe n’est sollicité que par ces derniers, il lui sera extrêmement difficile de résister. Sans réaction des citoyens, les parlementaires pourront dire au Roi que personne ne lui demande de ne pas promulguer la loi. Et ce sera vrai…
9. Le Roi ne peut faire valoir des considérations religieuses.La possibilité d’exprimer publiquement ses convictions religieuses est un droit fondamental reconnu – au même titre que la liberté de conscience – par le droit international. En s’affirmant catholique, le Roi ne ferait que rejoindre la majorité relative des Belges (46,9% de ces derniers se disent catholiques d’après une enquête Dimanche-La Libre-RTBF-UCL de juin 2008).
10. L’opinion ne comprendrait pas. Ce n’est pas parce que l’opinion perd le sens du bien et du mal qu’il faut la suivre ! Au contraire, c’est le moment de l’éclairer ! S’il est vrai qu’un grand nombre de Belges n’approuverait probablement pas la décision du Roi, beaucoup respecterait l’homme d’honneur, de courage, de sacrifice. Vertus peu pratiquées par la classe politique…
11. Baudouin a déjà posé un tel geste contre l’avortement, c’est suffisant. Baudouin a posé ce geste précisément parce que certaines lois morales ont un caractère absolu qui ne peut être relativisé avec le temps. Plus les repères entre le bien et le mal s’estompent, plus il est nécessaire de les rappeler. La société belge étant probablement encore plus relativiste qu’en 1990, un geste du Roi est donc aujourd’hui indispensable…
12. Le geste de Philippe serait inutile, la loi passerait quand même. Même si la loi devait passer le geste du Roi ne serait pas vain. D’abord parce que Dieu nous demande d’être fidèle, pas de réussir. Ensuite parce que ce refus aurait une portée prophétique pour la Belgique mais aussi pour toute l’Europe à l’heure où la dictature du relativisme s’impose à marche forcée à ensemble du monde occidental.
13. On ne peut exiger d’autrui un geste aussi héroïque.Inviter autrui à respecter la loi morale est non seulement un droit mais peut être un devoir. Notamment quand cet autre exerce une fonction sociale de premier plan. Il reste qu’une telle décision de la part du Roi serait très difficile à assumer et c’est pourquoi nous devons lui manifester notre soutien dès maintenant.
14. Il vaut mieux contacter les députés… Faire appel au Roi n’empêche pas de contacter les parlementaires ! Mais n’ayons pas trop d’illusions : particratie oblige, le vote de la Chambre sera très probablement similaire à celui du Sénat.
En conclusion je vous invite à :
a) écrire au Roi : Sa Majesté le Roi – Palais Royal – Rue Brederode 16 – 1000 Bruxelles
b) faire pression sur vos députés en signant la pétition suivante : http://citizengo.org/en/719-stop-euthanasie-voor-minderja…
6 Comments
Comments are closed.