Lors de l’affaire Dutroux, choquée par l’horreur des crimes commis, par le mépris de la vie humaine mêlée à la perversité et à un sordide goût pour l’argent qu’ils révélaient, les Belges avaient organisé la première des « marches blanches » qui sont devenues le moyen pour une population de marquer sa répulsion pour certains comportements et sa compassion pour leurs victimes. La manifestation belge ne visait pas seulement les coupables. Elle exprimait aussi son écoeurement devant l’impuissance des pouvoirs publics à la protéger, ses doutes voire ses soupçons sur les institutions et sa défiance envers ceux qui les incarnent. Comme tous les rites, la répétition en a éteint progressivement la ferveur et leur a parfois ôté toute légitimité, par exemple lorsqu’un quartier se mobilise contre l’action de la police.
La Belgique fait à nouveau parler d’elle. Sa capitale est en quelque sorte celle de l’Union Européenne et elle est devenue le symbole des dérives du continent. Capitale cosmopolite d’un pays sans frontières, que ses tensions internes menacent d’éclatement, comme d’autres, afin que l’Europe ne soit plus qu’une mosaïque inconsistante, elle est le trou noir qui retient toutes les énergies européennes. La Commission Européenne, soucieuse des détails et des réglementations complexes issues de ses directives, y siège de même que la « Parlement » quand il n’est pas à Strasbourg. Et pourtant, à quelques kilomètres de ces prestigieuses institutions superflues, dans un quartier qui affiche les conséquences d’une immigration massive et incontrôlée, des réseaux djihadistes se sont constitués. La circulation avec le Proche-Orient est facile. Le rayonnement sur l’Europe l’est plus encore. La sympathique Belgique est le pays européen qui fournit le plus grand nombre de « soldats » à l’Etat islamique eu égard à sa population. Abaaoud était de ceux-là. On sait qu’il a pu circuler à l’intérieur de l’espace Schengen et franchir ses frontières dans les deux sens sans difficulté, venir enfin organiser des attentats en France. De là à penser que Schengen est inutile et dangereux, il n’y a qu’un pas. De là à croire que la « construction » européenne qui se mijote à Bruxelles, au milieu des groupes de pression et loin des peuples, équivaut à un suicide collectif, le pas est franchi.
La Belgique est un Etat inversé où le local a plus d’importance et de pouvoir que le national. Les Flamands, leur Région et leur communauté unies, leurs provinces sont plus prospères que leurs équivalents francophones. La population est plus homogène et le vote plus conservateur. Plus attentifs aux intérêts locaux qu’à un intérêt national qui n’a plus grand sens pour beaucoup, les Belges ont accepté que leur pays soit à la pointe des « avancées » sociétales, de la décadence, pour parler français. Mariage entre personnes de même sexe, adoption, PMA, GPA (rien ne l’interdit), euthanasie, même pour les mineurs. Les « libéraux » et les socialistes s’entendent comme larrons en foire sur ces sujets. Les Chrétiens-sociaux ne sont plus qu’une façade. La législation sur les drogues est tellement floue que le cannabis y est cultivé, échangé, consommé sans obstacle réel. La réputation de plaque tournante du trafic des armes n’est pas usurpée. Pays catholique devenu libertaire, la Belgique entretient des zones grises comme cette commune bruxelloise de Molenbeek où la rencontre de plusieurs éléments devient explosive. Une population majoritairement étrangère de nationalité ou d’origine, un « Bourgmestre » socialiste, heureusement rejeté, qui a durant 20 ans acheté la paix sociale avec les islamistes, des mosquées financées par l’Etat au nom du traitement égal pour les religions, des imams salafistes venus de pays où sévit le fanatisme, des trafics en tous genres, de la petite délinquance issue du délitement des familles ont créé un terreau favorable à la culture du djihad. Les jeunes délinquants vont y trouver la synthèse entre l’illégalité à laquelle ils sont habitués et le respect que l’alibi religieux leur donne. Pourquoi devrait-on obéir à une société corrompue où toutes les déviances sont tolérées voire encouragées ?
Face à ce cocktail humain de bêtise et de violence, la réponse ne peut être seulement répressive. Elle ne peut se résumer à un renforcement des contrôles. Elle doit appeler un redressement moral. La page blanche du « tout est permis » dans le meilleur des mondes laïques où l’individu est roi n’est évidemment pas capable de résister aux militants endoctrinés et fanatiques. Condenser la défense de notre civilisation dans celle du nihilisme vulgaire et rigolard de Charlie-Hebdo relève du contre-sens. L’humilité chrétienne poussée au point d’accepter la religion musulmane comme égale en humanité, quand la différence entre les deux religions est éclatante, fait partie de ce désarmement général. La société dans laquelle nous vivons ne doit pas seulement être riche grâce au libéralisme économique. Elle doit aussi être solide. Elle doit l’être dans la mesure où des individus libres, c’est-à-dire autonomes, ont suffisamment intégré les règles nécessaires à la vie sociale pour ne pas être dirigés et contrôlés de l’extérieur. Il ne peut y avoir de société libérale pérenne sans conservatisme moral. C’est ce que l’Europe, l’Occident peut-être, ont oublié et qui constitue une invitation irresponsable au djihadisme dans les zones grises de notre continent.
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