Tribune libre de Bernard Poignant*
Bientôt un projet de loi autorisant le mariage entre personnes du même sexe sera adopté en Conseil des Ministres avant d’être déposé sur le bureau du Parlement. Il sera discuté par celui-ci puis voté ou pas par les deux Chambres. L’adoption d’un enfant par ce même couple marié sera elle aussi permise.
C’est une revendication ancienne des associations homosexuelles. La population réagissait peu tant qu’aucun projet n’apparaissait à l’horizon. Ce n’est plus le cas et les discussions s’engagent en famille comme au travail. Des maires s’interrogent et annoncent déjà qu’ils refuseront de procéder à ces mariages, en invoquant une clause de conscience. Il faut donc que chacun y réfléchisse, développe son point de vue, respecte celui de l’autre et s’apprête à respecter la loi quel que soit le contenu de celle-ci.
S’agit-il d’une question de sexualité ? La réponse est non. Il faut évacuer ce sujet. Depuis 1982 et François Mitterrand, l’homosexualité ne figure plus dans le code pénal. Au contraire l’homophobie est punissable au même titre que les autres discriminations. Chaque adulte est libre de son orientation et de ses pratiques sexuelles dès lors qu’elles sont consenties, non-violentes et non liées à des trafics d’êtres humains et au proxénétisme.
S’agit-il d’ouvrir un nouveau contrat entre deux personnes ? La réponse est non. Le PaCS existe depuis 1999. Il est largement utilisé par les hétérosexuels comme les homosexuels. Il pourrait être amélioré sans doute et au moins être conclu en mairie plutôt qu’en tribunal d’instance.
S’agit-il de permettre “une reconnaissance sociale de l’amour” ? La réponse est encore non. Le mot “amour” ne figure pas dans le Code civil. Et heureusement, car il faudrait en vérifier la réalité ! Un officier d’état civil ne demande jamais aux futurs époux s’ils s’aiment. Il le constate souvent et c’est tant mieux. Il faut ajouter qu’on peut s’aimer toute une vie sans se marier.
S’agit-il d’une question de filiation, donc des enfants ? La réponse est oui. Car le mariage entre deux personnes de sexe différent présuppose une filiation biologique, au moins quand elles sont en âge de procréer. Elles ignorent aussi si l’un des deux ou les deux sont stériles. Quand un enfant nait, le mari est présumé père et seulement présumé car l’enfant a pu être conçu avec un autre homme dans l’ignorance du mari. Quand le couple n’est pas marié, l’enfant est reconnu ou pas par le compagnon ou tout autre homme. Dans tous les cas de figure, il y a un père et une mère.
Aujourd’hui l’adoption est possible dans un projet parental. L’enfant est alors accueilli par un père et une mère adoptifs. Ceux-ci peuvent lui cacher l’adoption et il croira que ses deux parents d’accueil sont les parents biologiques. Ou il lui sera dit d’où il vient et il saura qu’il a ailleurs un père et une mère. L’adoption est également possible par une personne seule, homme ou femme. Dans ce cas il manque l’un des deux. Mais l’enfant doit savoir qu’il a quelque part soit une mère soit un père.
Quelle que soit la façon dont on prend la question, il faut se rendre à l’évidence : tout enfant a un père et une mère. Il peut ne pas être élevé par eux s’ils sont séparés, décédés, ou si la société les a arrachés à leurs parents au nom de leurs droits, ou encore s’ils se trouvent dans un foyer de deux hommes ou de deux femmes. Mais de toute façon, ils existent.
Voilà pourquoi le projet de loi va entraîner beaucoup de discussions, beaucoup d’interrogations et mérite autant de consultations et de débats que nécessaire afin d’entrainer une acceptation de la société. Certains partent du seul droit des adultes au nom de leur liberté et de l’égalité. D’autres partent des enfants au nom d’une idée de leur construction et aussi de l’égalité car tous doivent savoir qu’ils sont issus d’un père et d’une mère. Ce principe d’égalité va d’ailleurs trouver ses limites : deux femmes peuvent chacune avoir un enfant par rapport naturel ou procréation médicalement assistée. Deux hommes ne le peuvent pas. Voilà au moins un constat difficile à contester.
Quel que soit le sort définitif de la loi, il faut donc que chaque enfant puisse savoir qu’il est issu de père et mère. Si le mariage se conclut entre personnes de même sexe, le livret de famille ne peut pas ignorer ce fait de base. Un enfant adopté est souvent un enfant abandonné par son père et sa mère. Il se trouve généralement dans un orphelinat. Il vient souvent d’un pays lointain. Il ne peut pas être privé de connaitre son origine. De plus, mais les avis divergent sur ce point, on peut considérer qu’un enfant doit se forger dans l’altérité des deux genres, masculin et féminin.
Le législateur finira par conclure la loi et le Président par la ratifier. Mais tout progressiste dans ce dossier doit d’abord penser à l’enfant.
*Bernard Poignant est maire (PS) de Quimper. Il anime un blog.
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