« Comediante, tragediante » les mots de Pie VII en direction de Napoléon Ier iraient comme des gants à Emmanuel Macron. Non en raison d’une quelconque ressemblance entre les deux hommes, le second n’ayant ni Arcole, ni Austerlitz, ni même rien du tout à son actif, sinon une élection étonnamment facilitée par les circonstances et les amis, mais parce que le Président de la République est avant tout un homme de théâtre. Après son discours pour la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, le constat s’imposait : la diction était parfaite, les liaisons assurées, les intonations d’une justesse sans faille, et l’émotion savamment maîtrisée jusqu’à déborder à l’évocation des enfants martyrs. Sans mettre en doute la sincérité, soupçonner le cynisme, on peut s’inquiéter d’une perfection de la forme, d’une complaisance à soi de l’homme, des regards vers l’auditoire pour s’assurer de l’effet, qui font naître l’idée que le Président élu est peut-être plus soucieux de son image auprès du public que de l’intérêt supérieur de la patrie, comme aurait dit De Gaulle. Car lorsqu’on analyse le contenu du discours, le jugement est plus sévère.
Deux questions franco-françaises ont été évoquées. La première était celle de la responsabilité de la France dans la déportation de Juifs entre 1940 et 1944 sur le territoire national. L’insistance du Président de la République à accuser la France en prétendant détenir la vérité à ce sujet est d’autant plus condamnable qu’il a évoqué le mutisme du Général de Gaulle pour l’opposer aux trois derniers présidents, en faisant de Mitterrand un intermédiaire puisqu’il se refusait à incriminer la République, c’est-à-dire, selon lui, la continuité française mais avait institué cette commémoration. La thèse gaulliste repose sur une idée simple : la vraie France n’était pas à Vichy, mais à Londres puis à Alger. C’était la France Libre, la France combattante. Dès Juin 1940, la France a continué à brûler dans quelques cerveaux hardis qui se faisaient une certaine idée de leur Nation, inséparable de l’honneur et de la grandeur. N’en déplaise à l’historien amateur qui habite l’Elysée, ce sont eux qui ont assuré la continuité française. C’est la participation du pays à la victoire et le rétablissement de la légalité qui le prouvent. Prétendre que Vichy était la France, insister sur les liens entre la IIIe République et l’Etat Français, fondés sur le racisme et l’antisémitisme, sont des déformations idéologiques qui légitiment la repentance et salissent le pays. En Juin 1940, des jeunes de 18 ans, comme Yves Guéna et Robert Galley franchissaient la Manche pour poursuivre la guerre, ce qu’ils font dans la IIe DB du Général Leclerc. Celui-ci, échappant deux fois aux Allemands, rallie Londres en passant par le Portugal, fait ensuite basculer l’AEF, où il est envoyé, dans le camp de la France Libre, aux côtés de Félix Eboué. Le Préfet Jean Moulin, le capitaine de corvette Honoré d’Estienne d’Orves, celui qui ne croyait pas au ciel et celui qui y croyait, refusent la défaite et la soumission à l’Allemagne nazie ! Ces exemples sont-ils enseignés aux jeunes Français pour qu’ils en tirent l’exemple du courage et de la dignité, pour qu’ils y puisent la foi dans leur pays ? Non, on préfère étaler l’image ignoble ou sordide de la collaboration, celle de Paris, celle de Vichy.
Cette vision des choses n’élude nullement la monstruosité de la Shoah. Celle-ci doit être connue et reconnue. Elle ne peut être évoquée sans susciter la compassion et la solidarité à l’égard des Juifs, sans conforter l’idée qu’un peuple doit pouvoir bénéficier d’un territoire souverain aux frontières reconnues qui protège ceux qui souhaitent y vivre. Le souvenir du Vel d’Hiv n’accuse pas la France, encore moins tous les Français. Il ne prouve nullement la persistance du racisme ou de l’antisémitisme dans notre pays. Il est intellectuellement malhonnête de le prétendre. L’idéologie antisémite existait dans la société français d’avant 1940. Elle n’y était pas dominante et n’était pas au pouvoir. C’est la défaite qui lui a permis d’y accéder, sous deux formes, celle des doctrinaires, des écrivains, des journalistes, des collaborationnistes de conviction, qui n’étaient pas très nombreux et celle beaucoup plus répandue des opportunistes, des conformistes, des carriéristes qui encombraient le régime de Vichy. Bousquet ou Papon étaient-ils antisémites ? Même pas, sans doute. Ils faisaient carrière dans un milieu que M. Macron connaît bien, celui de la Haute Administration, où l’arrivisme n’est pas absent. Sans doute est-ce la leçon à tirer du Vel d’Hiv. Le pays est écrasé. Plus d’un million d’hommes sont prisonniers. Les autres doivent survivre, poursuivre leur travail, faire vivre leurs familles, et se soumettent au nouvel ordre. Tous ne le font pas avec zèle. D’autres en profitent. Certains, de plus en plus nombreux désobéiront. Condamner la France en laissant croire qu’elle est toujours la même, que l’antisémitisme d’aujourd’hui a partie liée avec celui d’hier, est un double mensonge.
La participation de l’administration et de la police françaises à la déportation sont des faits. Elles obéissaient à un pouvoir soumis à l’étranger, « nul non avenu » comme disait De Gaulle. Il ne sert à rien d’accuser notre pays même par démagogie envers une communauté. Il est infiniment plus utile d’apprendre à respecter les personnes de cette communauté pour ce qu’elles ont souffert et aussi pour tout ce qu’elles ont apporté à l’humanité. Il est surtout plus essentiel d’apprendre à chacun qu’il est responsable de ses choix et de son destin. Si la France n’est pas coupable, des Français l’ont été, et parfois par médiocrité. Mais d’autres ont fait le sacrifice de leur vie pour combattre le mal. Ils ont été la Résistance. On a tendance à les oublier !
La seconde question est donc celle de l’antisémitisme. Celui d’aujourd’hui, qui a sans doute coûté la vie à Sarah Halimi, n’a rien à voir avec celui des années 1930-1940. Ce dernier reposait sur deux axes, à droite, un sentiment de rejet nationaliste à l’encontre d’une confession, d’un groupe dotés d’une forte identité et, à gauche, un préjugé social envers des gens suspectés de s’enrichir facilement. Le premier n’est plus qu’un vestige. Maurice Barrès y avait déjà renoncé en 1917 devant le sacrifice des soldats français « israélites » comme on disait alors. Il place alors le Judaïsme dans les « Grandes Familles Spirituelles de la France ». Le second est plus vivace et trouve un terrain favorable chez des immigrés musulmans. C’est lui qui explique l’assassinat barbare d’Ilan Halimi. L’argument antisioniste qui tente de le justifier parfois est également nouveau. La confrontation entre Israéliens et Palestiniens retentit chez nous en raison de la présence d’un grand nombre de personnes d’origine arabe ou de confession musulmane qui se sentent solidaires des Palestiniens. Cette situation est totalement différente de celle qui prévalait en 1942. Vouloir y voir une résurgence masquée par l’antisionisme revient à cacher la vérité en noyant deux problèmes distincts dans la confusion. L’intention est maligne : la France coupable d’antisémitisme hier serait coupable aujourd’hui du racisme à l’égard de ceux qui trouvent dans l’antisionisme un exutoire à leurs frustrations ! Double peine pour le pays ! En conceptualisant à grands traits suivant son habitude, M. Macron fait de la repentance un système. Cela lui permet d’éviter le vrai problème : celui de l’immigration musulmane, de son importance, des difficultés de son assimilation, et des conséquences qui en résultent. Le risque d’afficher son judaïsme dans certains quartiers ne tient pas à une politique, mais à des pressions sociales que la politique ne maîtrise plus. En accusant la France, le Président se dédouane à bon compte !
Autoritarisme excessif à l’égard du Chef d’Etat-Major des Armées, outrecuidante présomption à se faire le maître de la vérité historique, méconnaissance de l’indépendance du pouvoir législatif et de l’autorité judiciaire, accusations répétées envers le pays dont il est le Chef d’Etat, à propos de la colonisation ou de la déportation, voilà qui est bien surprenant de la part d’un homme jeune dénué d’expérience et auquel la France, jusqu’à présent, ne doit rien. N’étant pas encore rentré dans l’histoire, un peu de modestie lui siérait davantage !
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