Le 18 Juin est un jour de commémoration. Il mériterait plus que d’autres d’être une Fête Nationale. Le 18 Juin 1940, la France, sortie de l’Histoire dans les jours qui précèdent, y rentre discrètement par un message radiodiffusé de Londres par un colonel français, général de brigade à titre temporaire et éphémère sous-secrétaire d’Etat à la suite des succès de son corps blindé. Ce jour-là, et plus encore le 22, le général de Gaulle affirme que la France n’est pas vaincue, qu’elle doit continuer le combat et qu’elle sera alors parmi les alliés vainqueurs. On ne mesure pas suffisamment aujourd’hui le caractère extraordinaire de cet Appel. Il n’est nullement le cri de désespoir et de révolte d’un patriote jusqu’au-boutiste. Il est moins encore le ralliement d’un anglophile ou l’obstination d’un anti-nazi forcené. Le sentiment n’y a pas la première place. Celui qui parle le fait comme il dit « en connaissance de cause ». C’est un technicien de la guerre largement supérieur à ceux de sa génération. Il avait prêché dans le désert pour doter la France de cette force mécanique, de cette arme blindée appuyée par l’aviation qui l’avait submergée. La guerre, il l’avait anticipée et décrite dans « Vers l’Armée de métier » dès 1934. La guerre entre l’Allemagne et la France aura lieu. Celui des deux qui enfoncera son arme blindée jusqu’au coeur de l’autre, Paris ou la Ruhr, l’emportera. Mais, en ce 18 Juin, de Gaulle poursuit son raisonnement : le monde libre a la puissance des mers et de l’industrie américaine. Il vaincra donc avec les mêmes moyens mécaniques décuplés. Ce discours est celui de la raison et du savoir, non celui de la passion. Le plus étonnant est qu’il soit le seul à le tenir tandis que l’immense majorité des chefs politiques et militaires croient la guerre définitivement perdue, la victoire de l’Allemagne et la nécessité de s’entendre avec elle incontournables. Tandis qu’à Munich, Hitler et Mussolini tombent d’accord pour accepter la demande d’armistice française, à Bordeaux, on se prépare à ne pas continuer le combat au-delà des mers, et sans en avoir conscience, on crée les conditions de ce qui deviendra la collaboration. Des jeunes patriotes, des monarchistes, des Juifs veulent poursuivre la lutte. C’est leur instinct qui parle. Yves Guéna, Robert Galley ont 18 ans. Ils n’ont pas entendu l’appel. Ils sont sur la route et reviendront avec la 2ème DB. Maurice Schumann sera le porte-parole de la France Libre à Londres. Il est foncièrement opposé au nazisme. Gilbert Renault, alias le « colonel Rémy » , royaliste, répondra à l’Appel et créera l’un des premiers réseaux de la résistance intérieure… Les communistes sont à l’époque plus soviétiques que Français, et l’URSS est encore l’alliée de l’Allemagne nazie….
Le Général va donner aux patriotes une espérance rationnelle dans la victoire. Cela dit, si l’intelligence de la situation est chez lui exceptionnelle, elle n’est nullement froide. Ce n’est pas un calcul comme celui qu’un certain Mitterrand fera après Stalingrad. Le 22 Juin, son second appel en fournit la dimension morale et affective. Certes le bon sens doit appeler à la résistance contre un ennemi qui sera vaincu, mais il en va aussi de l’honneur de la France qui ne peut trahir son engagement envers son alliée britannique, sans se trahir elle-même, sans salir son honneur. Surtout, ce qui est en cause est l’intérêt supérieur de la Patrie. En demeurant dans le camp de ceux qui vont remporter la victoire, la France, cette nation, cette communauté de destin de premier plan, qui vient de subir un désastre inattendu et humiliant, ne va pas, comme beaucoup le pensent, sortir de l’Histoire, devenir un vassal, un auxiliaire. De Gaulle condamnera ceux qui lui feront jouer ce rôle au pied de l’Allemagne. Mais il refusera aussi de se soumettre aux Etats-Unis. Après le 6 Juin 1944, le Président Rooseveelt qui considéra d’abord de Gaulle comme une « diva », voire un candidat à la dictature, voulait réduire la France à une zone d’occupation sous administration américaine, l’AMGOT. La France, contrairement à d’autres comme l’Italie ou la Belgique, ne connut jamais ce régime dévalorisant. Elle retrouva sa souveraineté, fut présente lors des capitulations de l’Axe, et figure encore parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU.
Le 18 Juin fut donc décisif. Il faut se pénétrer de son importance et s’en souvenir pour juger de la politique actuelle de notre pays. Comme le rappelait un vrai gaulliste, Philippe Seguin, en s’opposant à Maastricht dans un discours aussi fondateur et prophétique que celui du Général, la nation et la république sont inséparables. Il n’y a pas de démocratie sans un peuple pleinement souverain. Les errements de l’Europe technocratique à laquelle nous avons abandonné une partie de notre indépendance, les contorsions de la stratégie américaine jusqu’au coeur de l’Europe, que nous accompagnons avec complaisance, sont autant d’entorses voire de trahisons à ce que l’Appel du 18 Juin a fondé.
C’est pourquoi l’Appel doit continuer de retentir pour qu’à nouveau la France rentre dans l’Histoire.
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