Entretien sans langue de bois avec Guillaume de Thieulloy, directeur de la rédaction de Nouvelles de France, sur la crise ouverte de Radio Courtoisie :
Vous avez signé un communiqué de plusieurs « patrons d’émission » de Radio Courtoisie en forme de motion de défiance. Pourquoi ?
Effectivement, nous appelons Henry de Lesquen à réunir les patrons d’émission et à clarifier ses relations avec la radio. Sa candidature à l’élection présidentielle et, plus encore, ses déclarations comme candidat annoncé mettent gravement en péril non seulement la radio elle-même, mais aussi une large partie de la droite de conviction. J’ai donc signé pour deux raisons. D’abord, parce que je tenais à dire publiquement que je n’adhérais en aucune façon à certaines déclarations odieuses, insultantes pour les personnes. Je suis catholique avant tout et je rejette donc avec horreur le racisme sous toutes ses formes. Ensuite, parce que je tiens ces déclarations pour extraordinairement dangereuses pour nous tous, spécialement dans le contexte politique actuel. Il est impossible de faire un plus beau cadeau à nos adversaires : une large partie de la droite de conviction se trouve désormais avoir parlé sous l’autorité d’un homme qui multiplie les déclarations tombant sous le coup de la loi. Cela explique que de plus en plus d’invités se récusent pour éviter de paraître cautionner des propos délirants. Comment ne pas voir que la gauche va en profiter pour fermer la radio, qui reste un puissant outil de réinformation ? Et comment ne pas voir qu’elle va en profiter pour contaminer mille initiatives, individus et organisations, avec cette technique de l’amalgame qu’elle nous reproche en permanence, mais qu’elle maîtrise admirablement ? Il faut également rappeler que la radio n’appartient pas à Henry de Lesquen, mais aux auditeurs et que les patrons d’émission, qui représentent la diversité des droites françaises, ont leur mot à dire dans la stratégie de la radio qui ne peut pas être gérée de façon autocratique. Or, entre une liste de proscription qui ne cesse de s’allonger depuis 2006 et surtout une liste d’actions obligatoires ou interdites à géométrie variable, nous sommes non seulement dans l’autocratie, mais dans l’arbitraire pur. J’ai ainsi appris quelques heures avant de le recevoir dans mon émission qu’Arnaud-Aaron Upinsky était persona non grata à Radio Courtoisie, pour une obscure histoire de bisbille versaillais. Et j’ai appris au gré des censures que certains mots ou certains noms étaient de même interdits à l’antenne – sans qu’il soit possible d’en obtenir la liste…
Henry de Lesquen a déclaré que vous étiez à l’origine d’une « cabale contre Radio Courtoisie » parce que vous avez mis de l’argent dans le projet concurrent de Radio Libertés. Est-ce vrai ?
C’est faux pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’il n’y a aucune cabale contre Radio Courtoisie. Tous les signataires du communiqué partagent le même attachement à la radio. Beaucoup d’entre eux s’y exprimaient d’ailleurs bien avant l’arrivée de Henry de Lesquen. Henry de Lesquen déclare aussi qu’il y a un complot contre lui. Mais cela même est faux ; j’y reviendrai. Par ailleurs, à ma connaissance, TV Libertés est une structure associative. Je n’y ai pas mis d’argent, mais, quand bien même je l’aurais fait, je ne pourrais donc aucunement en tirer de bénéfice. Peut-être M. de Lesquen pense-t-il que l’argent qu’il a mis, m’a-t-on dit, dans Radio Courtoisie va lui rapporter, mais, alors, il faudrait qu’il nous donne sa méthode. Car, sauf erreur, la loi ne le permet pas…
En revanche, il est vrai que je siège au conseil d’administration de TV Libertés, car je reste persuadé que tous les supports de réinformation doivent se soutenir. Et je ne comprends pas pourquoi M. de Lesquen a lancé cette guerre absurde contre TV Libertés, qui n’était pas un adversaire, mais occupait un autre créneau du même rempart dans cette vaste guerre culturelle que nous menons tous à notre niveau pour la survie de notre civilisation.
Vous dites qu’il n’y a pas non plus de cabale complot contre Henry de Lesquen ?
Non. Je n’ai aucune intention d’empêcher Henry de Lesquen de s’exprimer. Et je lui suis reconnaissant pour le redressement administratif de la radio qu’il a effectué voici plusieurs années. Mais il ne peut pas tout avoir : il est à la fois président de l’association, patron d’émission et candidat à une élection. Il y a forcément au moins une activité de trop dans cette palette !
Mais en quoi les propos de Henry de Lesquen vous concernent-ils ?
Ils me concernent en tant qu’ils sont les propos du président de Radio Courtoisie. Henry de Lesquen peut bien dire que ses propos l’engagent seul, mais ce n’est évidemment pas vrai. Son site de campagne annonce clairement sa fonction de président de la radio et c’est cette fonction qu’il met systématiquement en avant, pour donner du poids à ses déclarations. Il serait un simple patron d’émission, ce serait tout à fait autre chose. Là, non seulement il condamne la radio à brève échéance, mais aussi – et c’est encore plus grave – les initiatives de tous ceux qui y interviennent.
N’exagérez-vous pas ?
Je ne crois pas. Si, comme je le pense, les déclarations odieuses ou tombant sous le coup de la loi sont faites par le président de la radio, la radio est évidemment menacée. Mais, plus largement, la droite de conviction, depuis quelques années, remportait des batailles culturelles importantes. C’est à droite que le débat intellectuel s’était transporté. Croyez-vous vraiment que la gauche puisse nous regarder faire sans bouger ? Il est clair qu’elle serait ravie de nous renvoyer tous dans les ténèbres du national-socialisme et Henry de Lesquen lui offre sur un plateau un formidable coup de filet médiatique : toute la droite « hors les murs », une bonne partie des élus FN et de nombreux élus UMP sont passés au micro de Courtoisie. Si tous peuvent être, d’un coup, marqués du sceau d’infamie, c’est un merveilleux cadeau que l’on fait à la gauche. Imaginez ce que serait la France si la Fondation pour l’école, la Fondation Lejeune, SOS Chrétiens d’Orient, la Droite forte, l’Agrif, l’UNI, le FN, Fdesouche, le Salon beige, Présent, Renaissance catholique (et j’en passe de nombreux…) se trouvaient d’un coup condamnés médiatiquement, sinon juridiquement… Et, en plus, on fait ce cadeau pour défendre des idées qui sont faussement de droite et réellement de gauche !
Que voulez-vous dire ?
Le « racisme républicain » que défend Henry de Lesquen dans son programme présidentiel est doublement une idéologie de gauche. D’une part, parce qu’elle est parrainée par Jules Ferry et les francs-maçons fondateurs de Marianne III. D’autre part, parce que le racisme est une idéologie issue des Lumières et du positivisme. Comme j’ai eu l’occasion de le dire récemment au micro de Radio Courtoisie, je ne suis absolument pas d’accord avec Henry de Lesquen, parce que je ne suis ni raciste ni républicain !
Comment envisagez-vous la suite ?
Si les autres patrons d’émission ne bougent pas, je crains que, dans un premier temps, la radio cesse d’émettre, et dans un deuxième temps, sans doute dans l’agitation de la campagne présidentielle de 2017 (dont je rappelle que les socialistes au pouvoir ne peuvent pas la gagner « à la loyale », ce qui implique logiquement qu’ils vont donc tenter tous les coups tordus possibles pour l’emporter), la droite de conviction va, par la faute d’un véritable danger public, être renvoyée 50 ans en arrière.
En revanche, si nous sommes rejoints par d’autres – ce que je crois tout à fait possible – nous pouvons non seulement sauver la radio, mais faire avancer nos idées à pas de géants. Nous sommes à deux doigts de reprendre l’hégémonie culturelle. Ce serait vraiment pathétique de laisser passer l’occasion pour la seule satisfaction immature d’un homme qui veut avoir raison seul contre tous et qui, aussi brillant soit-il, ne comprend pas grand-chose au combat politique, comme l’ont assez démontré ses déboires électoraux notamment à Versailles…
Addendum du 23/06 : une petite synthèse des propos et propositions d’Henry de Lesquen proposée par Paul-Marie Coûteaux et publiée avec son autorisation.
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