Un billet de Philippe Simonnot*
Apparemment, le triomphe du Parti socialiste est complet aujourd’hui : à lui la Présidence de la République, Matignon, l’Assemblée nationale, le Sénat, les régions. En prime, 25 ministres élus et une majorité absolue à la Chambre des députés.
Jamais dans notre pays, une formation politique n’avait atteint une telle hégémonie. Cette victoire rose totale, pour ne pas dire totalitaire, François Hollande peut-il s’en attribuer le mérite ?
Les institutions de la Ve République ont joué à plein leur rôle, en fait. Le régime institué par De Gaulle ressemble à un donjon fortifié. Ses dispositifs de défense divers et variés, mâchicoulis, pont-levis, fossés, échauguettes et autres artifices constitutionnels assurent à ses occupants une protection à toute épreuve contre les aléas de la vie politique. Dans l’esprit de son fondateur, il s’agissait de mettre fin au calamiteux « régime des partis » qui avait conduit la France à l’abîme une première fois en 1940 et une deuxième fois en 1958.
Le seul défaut de la constitution gaullienne est qu’une fois l’adversaire arrivé dans la place par ruse, par démagogie, par goût du changement, ou par accident, il est tout aussi inexpugnable que celui qu’il a délogé. François Mitterrand, qui avait qualifié le régime gaullien de « coup d’État permanent », on le sait, en a largement profité. Il est resté plus longtemps au pouvoir que De Gaulle lui-même. Le Grand Charles aurait fulminé de fureur s’il avait pu prévoir que celui qu’il méprisait au point de le qualifier de « politicien au rancart » s’assiérait si longtemps sur le trône véritablement monarchique qu’en disciple de Maurras, il avait cru bon de restaurer. Et l’on peut tout à fait envisager un bégaiement de cette histoire désastreuse pour notre pays : Hollande a les moyens politique de rester à l’Élysée non pas cinq mais dix ans, le camp adverse étant en petits morceaux pour une période de temps indéterminée. Seule une révolte du peuple pourra le chasser de son Palais.
D’autant que la contrepartie, non prévue par De Gaulle, de cette impitoyable mécanique électorale pourrait bien être l’abstention. Le 17 juin 2012, elle a battu tous les records, touchant un électeur sur deux. Les citoyens ne se sont vraiment mobilisés que pour abattre une icône (Sélogène Royal), repousser un fantôme (Jack Lang), achever un renégat (François Bayrou), venir au secours d’un soldat perdu (Nathalie Kosciusko-Morizet) ou barrer la route au Front national (Marine Le Pen). Partout ailleurs, la moitié de l’électorat ne s’est pas dérangée, résignée à subir la « vague rose ». L’abstention est encore plus forte chez les moins de 44 ans ainsi que dans les classes populaires. La France est résignée et fataliste. Elle sait bien que le tour de vis fiscal est pour demain, qu’il n’épargnera personne – surtout pas les classes moyennes prises au piège d’un État tentaculaire. Elle n’a même plus la haine de Sarkozy comme excitant. Bref, elle est morose.
Du même coup, les nouveaux princes ont perdu en légitimité ce qu’ils ont gagné en voix. Le retour du bâton sera terrible. Dans moins de six mois, il frappera.
*Philippe Simonnot a publié en collaboration avec Charles Le Lien La monnaie, Histoire d’une imposture, chez Perrin.
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