par Nirmine Saiss
La polémique revient chaque année. Avec le commencement du Ramadan, des militants marocains ont lancé une campagne via les réseaux sociaux pour réclamer le droit de manger et boire librement en public au Maroc pendant cette période du jeûne des musulmans.
La campagne, qui a débuté jeudi avec comme slogan “Manger n’est pas un crime”, appelle à l’abolition de l’article 222 du Code pénal qui punit d’un à six mois d’emprisonnement et d’une amende de 200 à 500 dirhams quiconque “notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du ramadan, sans motif admis par cette religion”.
Les propagandistes de cette campagne ont diffusé sur Twitter et Facebook des photos de repas dans les toilettes, exprimant leurs souffrances au cours de ce mois dans lequel ils se trouvent contraints à manger en cachette, craignant d’être arrêtés et punis conformément aux lois en vigueur au Maroc.
Chaque année dans le royaume chérifien, des citoyens marocains – souvent des jeunes – sont arrêtés pour avoir fumé, mangé ou bu de l’eau dans des lieux publics. Tous ont eu affaire à la justice marocaine pour avoir enfreint l’article 222 du Code pénal.
Mohamed Fizazi, l’un des cheikhs marocains les plus célèbres, estime que manger en public pendant Ramadan est une provocation pour les musulmans. Pour lui, “il est tout à fait compréhensible que les musulmans agressent une personne qui mange dans la rue pendant le mois sacré. Parce qu’au lieu d’aller manger chez elle et respecter ainsi les sentiments des jeûneurs, elle préfère provoquer leur colère”.
Hors, pour Kamal Znidar – écrivain marocain, auteur de deux livres sur l’islam -, “Agresser une personne qui mange dans un lieu public pendant le Ramadan est une attitude barbare qui ne puise pas ses sources de l’Islam mais plutôt de la culture de la djahiliya arabe”. “Ce barbarisme qui nuit beaucoup à l’image de l’islam, en tant que musulmans, nous devons le combattre et le punir sévèrement”, a-t-il ajouté.
L’auteur des livres “Islam : meilleure religion au monde” (2014) et “Islamisme, terrorisme et autoritarisme… Des liens réels ou fictifs” (2017) a souligné qu’au Maroc, “les dirigeants disent que l’apostasie n’est pas punie par les lois marocaines”.
“Or ceci est faux. Les marocains notoirement connus pour leur appartenance à la religion juive ou chrétienne peuvent manger et boire publiquement pendant le temps du ramadan. Par contre les citoyens marocains notoirement connus pour leur appartenance à l’islam et qui ont apostasié cette religion, non. Ceux-là s’ils affichent publiquement leur apostasie en mangeant ou buvant dans un lieu public, ils vont être arrêtés et mis en prison”, a-t-il rétorqué.
“Avant, c’était encore pire. Dans l’ancien Maroc, les apostats, on les tuait. On faisait ça au nom de l’islam. Or cette pratique n’a rien d’islamique” a tranché Kamal Znidar en ajoutant que “L’Islam n’est pas une Mafia. La fidélité à ses enseignements ne s’impose pas par la force. La foi et le culte doivent être embrassés avec la volonté et la conscience libres. Ils n’ont une valeur que lorsqu’ils visent le contentement d’Allah et l’obtention de Son agrément”.
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