Alain Finkielkraut a été injurié et chassé de la place de la République (video youtube) alors qu’il s’était rendu là où se déroulent, si on écoute nos médias « objectifs », les rassemblements citoyens de « nuit debout ». L’insulte pavlovienne de « fasciste » lui a été jetée à la figure au mépris de la moindre lueur d’intelligence chez celui qui l’a proférée. L’auteur de la « Défaite de la pensée », pourtant habitué au sectarisme de gauche, agressif à son encontre depuis que la réflexion lucide l’a amené à des positions conservatrices sur certains sujets comme l’identité, a vécu une véritable bérézina de l’intelligence. Comment de jeunes crétins formés par l’école de la République peuvent-ils étaler une intolérance aussi brutale ? Comment ne se rendent-ils pas compte que leur rejet réflexe de « l’autre » leur donne le ridicule d’être plus « fascistes » que celui qu’ils excluent ? On serait tenté d’ajouter que le vrai fascisme, l’italien, était, au moins à ses débuts, associé à un niveau de pensée, celui d’un philosophe comme Gentile, qui surplombe de très haut leurs éructations. Place de la République, celle-ci a été niée, et avec elle le pluralisme et la liberté. Ce lieu symbolique d’une certaine union nationale depuis les attentats a tout simplement été récupéré par le gauchisme.
Cet incident est doublement révélateur. Si l’on se permet d’être aussi grossièrement bête, c’est que l’on s’y croit autorisé. La complaisance des médias envers les rassemblements de la place de la République en est grandement responsable. Le sujet est surexposé médiatiquement. Le discours à son égard est soigneusement épuré de toute critique. Le mot-stimulus positif « citoyen » qui qualifie les rassemblements les rend non seulement fréquentables mais estimables. L’un des maître-penseurs qui sévissent à la télévision, Claude Askolovitch, tentait d’ailleurs de minimiser l’affaire : logique, anecdotique, désagréable, gênant. Un conservateur épinglé n’a pas à traîner par là, mais ce n’est quand même pas bien. Eût-il usé de tels euphémismes si un intellectuel de gauche, s’il en reste, avait été agressé par un militant de droite ? A condition de ne pas être réactionnaire, il faut donc aller à « nuit debout » pour retrouver ces jeunes qui vont refaire le monde, avec un réalisme et une méthode en tous points admirables. Ils n’ont évidemment rien à voir avec les casseurs qui partent cependant du même endroit pour crier leur haine à la police et pour briser des vitrines ou détériorer des équipements publics. « Pas d’amalgame » est le slogan privilégié de la bienpensance politiquement correcte. Nuit debout, c’est bien. C’est sans doute pour cela que le gouvernement l’autorise malgré l’Etat d’urgence, les risques d’attentat, et la certitude des dérapages qui mobilisent la police.
Les veilleurs et les veillées qui ont suivi les manifestations considérables contre le mariage unisexe n’ont pas eu droit à une telle publicité. Pourtant, ces réunions, pleines de recueillement et de dignité, avaient une autre épaisseur humaine. Elles dégageaient une véritable ferveur que j’ai ressentie notamment un soir devant la Sorbonne. La lecture de textes, l’écoute de témoignages stimulaient la réflexion, une réflexion mobilisée sur un sujet, et qui ne s’égarait pas dans toutes les directions. Sur Europe n°1, Jean-Marc Morandini a invité un « indigné » de la Place de la République, un « jeune » étudiant et militant associatif, Louis de Gouyon-Matignon, qui devait dialoguer avec le président du Parti Libéral Démocrate, Aurélien Veron . Si celui-ci a été clairement libéral, a défendu l’intention de la loi controversée sur le travail et a traité de « chêvres » les « citoyens » debout jusqu’à l’aube, l’autre, qui n’avait pas de Kalachnikov, a cru devoir remplacer celle-ci par une logorhée dont le débit était celui d’un pistolet-mitrailleur : une averse de mots dont les idées avaient été mal digérées. On a compris qu’il vomissait les banques, le capitalisme, le racisme et les politiciens ou comme on dit pour être « plus » précis, le système. Son projet ? Une rafale de slogans d’un réalisme ahurissant, la décroissance, l’écologie, le logement social pour tous, le salaire universel, l’accès à la santé et à la culture… Ses motivations : la France en a marre. Il est « indigné » comme en Espagne ou en Grèce. Il n’est pas d’accord avec la situation actuelle : on ne saurait être plus concret… Lorsqu’on lui demande s’il condamne la violence, il s’enferre en justifiant certaines destructions mais pas d’autres, certaines violences mais pas toutes. Le tout est saupoudré de mots émotionnels, histoire de se rendre sympathique : précarité, souffrance, etc.. sans bien sûr qu’aucune réponse soit apportée à ces questions.
Le militant gauchiste a beau être ridicule. Il est aussi inquiétant : le résultat d’un endoctrinement, incapable de la moindre réflexion, et ressortant mécaniquement la pensée prémâchée qu’il a avalée. Elle l’enferme dans une vision étroitement manichéenne de notre pays, raciste, discriminant, et où les policiers devraient être d’autant plus respectables qu’ils sont issus de minorités : une forêt dense de préjugés, qui se protège de toute critique en la déclarant honteuse. Place de la République, c’est Finkielkraut qui a été « évacué » et par des « jeunes », ces jeunes qui par définition manquent de réflexion et d’expérience, ce qui en a toujours fait la proie de tous les totalitarismes. Arrêtons de les idéaliser. La raison n’a pas d’âge. Il dépend de l’éducation qu’elle n’arrive pas trop tard… Dans la Défaite de la pensée, Alain Finkielkraut écrivait : » la vie avec la pensée cède doucement la place au face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie ». Il les a rencontrés l’un et l’autre hier place de la République.
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