Peut-être est-ce l’approche des départementales qui rend le gouvernement nerveux ? Peut-être est-ce un sentiment d’urgence à agir pour montrer au peuple qu’on s’occupe des questions sécuritaires qui, dit-on, le taraudent ? Peut-être le Camp du Bien est-il aux abois ? En tout cas, cette semaine a été l’occasion d’une véritable accélération pour faire n’importe quoi et renier un à un tous les idéaux humanistes dont se gargarisent nos politiciens.
On veut donc montrer à tous qu’on s’occupe de bouter le terroriste hors de France. On va tout faire pour que les uns et les autres, enfin, respectent la loi, cette foisonnante loi que les parlementaires pondent au kilomètre tous les jours qu’ils peuvent. Et comme on ne fait pas d’omelette citoyenne sans casser les œufs libéraux, on va s’attaquer de front à deux encombrantes libertés fondamentales histoire de bien montrer qui est le patron ici, merdalafin. Ces deux libertés fondamentales, constamment attaquées ces quarante dernières années, n’ont pas connu plus vif grignotement que celui auquel on assiste ces derniers mois. Il ne se passe plus un mois, que dis-je, il ne se pond plus une loi sans qu’immanquablement, l’une ou l’autre de ces deux libertés soit rabotée au motif que la société ne saurait tolérer leur trop grande jouissance.
Ces deux libertés sont celle d’entreprendre et de s’exprimer.
La liberté d’entreprendre, pour rappel, c’est celle de pouvoir créer une entreprise, se lancer dans cette aventure souvent âpre d’innover, de proposer d’autres modèles économiques et d’autres méthodes d’organisation du travail pour apporter un service moins cher, plus efficace, ou simplement nouveau aux consommateurs, aux citoyens et aux contribuables. Cette liberté est essentielle pour garantir des emplois au plus grand nombre possible, un meilleur pouvoir d’achat, une amélioration de ses conditions de vie autant lorsqu’on est du côté de la production de cette offre que lorsqu’on est du côté de sa consommation. Attaquez cette liberté d’entreprendre et vous attaquerez, directement, le pouvoir d’achat, la capacité d’emploi, l’envie d’innover et même de rester en France.
De façon consternante, le gouvernement s’y emploie avec application et obstination depuis des années, et a même passé le turbo ces derniers mois, comme en témoigne la récente descente musclée de police dans les locaux de Uber. Pour rappel, Uber, c’est ce célèbre trafiquant de drogue et d’armes installé dans une cité chaude d’un quartier pudiquement qualifié de sensible de la petite couronne parisienne, et dont les activités, trop florissantes et visibles de tous dans la commune, ont fini par attirer l’œil de notre efficace appareil de répression judiciaire. Il était temps, les riverains d’Uber n’en pouvaient plus de ces trafics incessants et de ce que d’aucuns soupçonnaient être, en plus, de la traite des blanches. L’action policière mettra sans doute un terme à …
Oh. Wait.
On me fait savoir qu’en réalité, Uber n’est qu’une entreprise permettant de mettre en rapport des internautes désireux de se déplacer avec des chauffeurs désireux de les transporter, le tout moyennant une somme modeste, négociée à l’avance, et payée directement au travers de l’application sans possibilité de faire du black comme tant de taxis y sont habitués. Voilà qui, assurément, mérite largement que le gouvernement s’empare de la question et fasse pondre une loi par l’un de ses plus frétillants représentants, dont la phobie administrative ne va pas jusqu’à l’empêcher de pondre des textes qui seront recalés par l’Union Européenne. Bien sûr, le fait qu’Uber permette de créer ou de fournir une activité rémunérée à toute une population ne joue pas dans la balance : lorsqu’on mène une guerre contre l’innovation et la liberté d’entreprendre, chaque ennemi qui tombe sous les balles légales est une victoire.
Pendant ce temps, et pour ne pas refroidir, on va consciencieusement raboter la liberté d’expression, pourtant portée en étendard le 11 janvier dernier par un frémissant cortège de Tartuffes très au-devant d’une foule qu’ils ne voulaient pas trop approcher.
Et pour cela, il est loin le temps où on employait encore le petit ciseau de charpentier. De nos jours, on y va à la scie circulaire industrielle, et le découpage va bon train : dans le cadre d’un projet de Loi de Renseignement révélée par Le Figaro récemment, on apprend que les opérateurs télécoms et les sites internet vont être contraints à participer activement à la lutte contre le terrorisme en France. Dans son article 3, le texte envisage ainsi de permettre aux enquêteurs d’obtenir un « recueil immédiat, sur les réseaux des opérateurs » des données de connexion des suspects, dont la définition sera, par nature, laissée aussi floue que possible, l’accusation de terrorisme semblant ici justifier tous les arrangements possibles avec les principes fondamentaux liés à la liberté de l’individu. Le tout, bien sûr, sans passer par un juge, curiosité amusante des siècles passés et dont on se passe apparemment très bien en République Populaire Française.
Mieux encore, le même article vise à contraindre les intermédiaires (i.e. les fournisseurs d’accès internet, encore une fois cibles privilégiées du législateur) à « détecter, par un traitement automatique, une succession suspecte de données de connexion » … Rassurez-vous : ce traitement automatique ne sera pas laissé au libre choix du prestataire puisqu’en substance, l’idée consiste à installer de belles boîtes noires entre le fournisseur et l’internaute, boîtes noires qui, facétie de l’histoire, ont été conçues il y a quelques années pour des régimes démocratiques, populaires, républicains, humanistes, citoyens et festifs comme ceux de Khadafi et Bachar El-Assad. C’eut été dommage de ne pas les utiliser chez nous (faut pas gâcher !). La France a donc choisi, presque ouvertement, de basculer joyeusement sur le modèle internet proposé par d’autres grands pays démocratiques comme la Chine ou la Corée du Nord.
Voilà qui est fort youpi, non, pour un gouvernement estampillé Camp du Bien ?
Il y a quelques années, lorsque je mentionnais déjà les dérives liberticides et d’essences totalitaires que nous pondaient les gouvernements en place, qu’ils eussent été sarkoziens, fillonesques, ayraultiques puis vallsiques, j’avais toujours le droit à quelques commentaires sur l’aspect caricatural ou exagéré de mes propos. À mesure que les années passent, l’exagération paraît moins grande, et ces commentaires se font plus sporadiques.
Quand, de surcroît, on apprend, en parallèle à ces rabotages forcenés de libertés, que le gouvernement entend aussi, par la même occasion, établir un contrôle de plus en plus sévère de l’argent liquide, toujours au motif de lutte contre les nazis pédophiles de droite terroristes, on comprend que la tendance est lourde, pas du tout fortuite, et manifestement ancrée dans les mœurs et habitudes des politiciens.
La France ressemble de plus en plus à la Patrie des Droits de l’Homme en Conserve. Ce pays prend une sale tournure. Si je me laissais aller, j’irais même jusqu’à dire qu’il est foutu. Mais ce serait trop caricatural, bien sûr.
> H16 anime un blog.
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