A première vue, une famille constituée de deux souverains et d’un tyran ne semble pas partir d’un bon pied. C’est pourtant le schéma classique d’une famille avec un bébé.
Se marier et avoir un enfant fait de chacun un roi ou une reine. Le conjoint – guidé par le sentiment amoureux, certes – choisit entre mille. Cette élection, préférence ultime, se poursuit de manière plus consciente chaque jour de la vie, avec ses riches heures et ses imperfections.
Quant à l’enfant, si vous êtes la mère, vous n’êtes rien moins que tout pour lui, au début. Il vous confond même avec lui-même puisque, sorti à l’air libre, il tente de retrouver la voix et l’odeur de celle dans laquelle il vivait in utero. En fusion avec vous, il vit son premier grand amour. Au fur et à mesure qu’il prend conscience de son individualité, vous demeurez sa référente. Père, vous passez vers 6 mois au statut de « substitut maternel » (1) à celui de père, désigné par la mère.
Ce flot d’amour conjugal et filial fait de vous la personne préférée, chérie, la meilleure. Une des conséquences de ce bonheur : une revanche aux manques d’amour vécus auparavant, de l’école aux groupes variés.
Et le tyran, dans tout ça ? C’est le petit lutin en layette qui réclame avec force cris ce qu’il désire. Evidemment, depuis sa conception, tout lui arrive tout cru dans la bouche : air, nourriture, tendresse… Il se pense sincèrement tout-puissant et la frustration le fait beaucoup souffrir. Mais au fil des mois, l’autorité, cette force bienveillante, lui fait comprendre qu’il doit se garder des dangers et respecter les autres. A partir de deux ans environ, il dit non pour se différencier de l’adulte et prendre son autonomie. C’est le moment de poser plus clairement les limites, le libérant ainsi de l’angoisse par sa toute-puissance. C’est la fin (théorique…) de la tyrannie !
(1) Boris Cyrulnik, Sous le signe du lien. Une histoire naturelle de l’attachement, Hachette littératures.
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