La démocratie repose sur deux piliers : le peuple est souverain et la limite de son pouvoir résulte du respect d’un Droit supérieur à ses choix, droit naturel, droits fondamentaux inscrits dans une déclaration instaurant le cadre intangible du pacte social. Qu’une oligarchie constituée par les pouvoirs et par les médias se soit substituée au peuple dans l’exercice de sa souveraineté est une évidence. En évitant le référendum, en transformant les Assemblées en chambres d’enregistrement, en se soumettant à la technocratie nationale et européenne, en multipliant les contraintes et les obstacles d’ordre administratif et judiciaire, en pliant sous le poids des lobbys, la démocratie n’est plus qu’un faux-semblant. Pour cadenasser le prétendu souverain, on brandit souvent l’autre pilier, l’Etat de Droit. La bonne blague ! Parmi les valeurs « sacrées » de notre pacte, y en a-t-il qui soient encore respectées ?
On songe bien sûr à celles qu’on invoque en premier : la liberté et l’égalité. La dernière affaire Zemmour dissipe toutes les illusions. La censure existe dans notre pays. Elle vise moins à interdire certains propos, ce qui est déjà une atteinte à la liberté d’expression, qu’à condamner certaines personnes au silence. Il y a en France, sinon une pensée unique, au moins une pensée dominante, une pensée écrasante. Ceux qui l’expriment et la colportent ont davantage droit à la parole que les autres. Ils sont plus égaux que les autres, suivant la formule d’Orwell, qui s’y connaissait en « totalitarisme »… La restriction progressive de la Loi de 1881 sur la liberté de la presse, la multiplication des prétendues « phobies » qui permet à la Justice de protéger non des personnes, mais des identités ou des communautés, au point de faire de certains sujets des risques judiciaires, le financement par l’argent public de lobbys capables de soutenir des procédures face à des justiciables isolés, correspondent à une mise en cause réelle de nos deux principes fondamentaux. Mais, comme dans toute société où la force l’emporte sur le droit, il ne sert à rien de gagner un procès, si le lynchage médiatique fait son oeuvre comme « au bon vieux temps du western » lorsqu’on pendait les voleurs de chevaux avant que le juge n’arrive.
Il y a d’abord la petite phrase retirée de son contexte, quelquefois modifiée ou inventée. Elle sera accompagnée d’un mot stigmatisant : ce sera un dérapage, un propos sulfureux, obsessionnel, sinon ignoble ou abject. « Il a dit du bien de Pétain… Il veut déporter les arabes ». La bonne vieille méthode du Bazile du « Barbier de Séville » fonctionne à merveille. La calomnie devient la vérité. Elle s’impose au public qui désormais ne voit plus la victime du procédé que comme un coupable à maudire et à proscrire. On y ajoute aujourd’hui une photo bien antipathique et on enferme le condamné dans une cage aux phobes d’où il ne sortira plus. Vingt ou trente ans de travail sur de nombreux sujets seront effacés et réduits à une petite phrase qui n’aura peut-être même pas été prononcée et à coup sûr sans l’intention qu’on lui prête. Sans procès ni condamnation, le but est atteint : la cible n’a plus le droit à la parole. Le bannissement social des opposants à la pensée unique, voilà le coup d’Etat permanent mené par la bande d’anciens trotkistes et autres chevaliers de la Manchette qui ont fait de notre démocratie un zombie. Il est clair que cette tactique qui a parfaitement réussi à mes dépens vise aujourd’hui un gibier plus redoutable. Il ne s’agit pas d’un élu de province, mais d’un journaliste parisien qui intervient dans plusieurs médias importants et vend ses livres comme des petits pains. Néanmoins, depuis longtemps déjà, l’inquisition est en marche, les commissaires politiques en embuscade et les censeurs à l’affût : il faut interdire à cet empêcheur de penser en rond et toujours à gauche de parler. Pour cela, il faut lui couper les micros, par exemple ceux que contrôle un Ruquier qui peut rire de tout sans risque, et se payer en public une pinte de bon sang sur le dos d’une personne supposée décédée, sans même avoir la décence de couper le passage par égard pour la famille. Il faut aussi le rendre moins fréquentable, en lui prêtant des penchants idéologiques inavouables, en suscitant des doutes sur ses qualités intellectuelles et professionnelles. C’est une chasse à courre où les chiens peuvent même être des collègues ou confrères empressés de soigner leur image ou d’évincer un talent par trop original et dérangeant. Voir un collectif de journalistes ou de parlementaires tenter de bâillonner un des leurs est une trahison qui soulève le dégoût.
Robert Ménard, le fondateur de « Reporters sans frontières », a connu cette chasse aux sorcières d’une radio l’autre et prend une revanche bien méritée en faisant de Béziers un haut-lieu de la Liberté de pensée. Il faut souhaiter à Eric Zemmour de tenir bon face à la meute. Même si l’on ne partage pas ses idées, il est un des derniers carrés de notre démocratie et il faut souhaiter qu’il ne finisse pas comme ces grognards qu’il admire tant.
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