Un cessez-le-feu plus qu’un traité de paix ? On n’ose pas le dire ouvertement, mais l’accalmie apportée par l’accord Copé–Fillon du lundi 17 décembre apparaît comme fragile, si ce n’est ambigüe. L’accord organiserait davantage une trêve qu’une réconciliation. À peine signé, l’accord suscite déjà des interrogations en plus de certaines déceptions. L’amertume règne, notamment dans les troupes fillonistes. Ainsi, la réunion des parlementaires organisée par Bernard Accoyer et Gérard Larcher à l’Assemblée nationale, mardi 18 décembre 2012, n’a rassemblé que 30 sénateurs UMP ! Pourtant, les sénateurs du groupe UMP sont réputés pour leur soutien à François Fillon. On peut noter que l’accord du lundi 17 décembre 2012 a désamorcé, dans l’immédiat, le vote des parlementaires prévu le mardi 18 décembre. En effet, le vote pour une motion appelant à un nouveau processus électoral afin de désigner l’équipe dirigeante n’a tout simplement pas eu lieu. Les parlementaires UMP ont entendu un discours de Bernard Accoyer. Aucune motion n’a été adoptée. Dans un sens, on peut se demander si Jean-François Copé n’a pas, au moins, réussi à éviter un désaveu de la part de la majorité des parlementaires. D’un point de vue tactique – mais seulement de ce point de vue -, c’est une réussite, car l’accord donne l’impression d’une réconciliation, d’autant plus qu’elle a été approuvée par Fillon. Cette réconciliation ne peut être désavouée, du moins de manière frontale. Cela permet de brouiller les pistes et de freiner les ardeurs des fillonistes. Un peu comme un leurre de guerre. Certes, Jean-François Copé en sort fragilisé : il a perdu politiquement. Mais François Fillon a-t-il pour autant gagné ? Il serait plus juste de reconnaître, à l’instar d’Henri Guaino, qu’il n’y a que des perdants (Libération, 18 décembre 2012). Jean-François Copé devient un Président contesté, à la légitimité douteuse, dont l’élection est entachée d’irrégularités, mais François Fillon passe pour l’homme qui a raté son « coup », le fortuné des sondages et l’infortuné des urnes, voire le perdant aigri. Il y a deux perdants, qui, comme en mai 2012, continuent à être dans une situation asymétrique.
La délicate équipe dirigeante : cogestion ou « galerie » ? L’accord prévoit notamment une équipe dirigeante par le « doublement » des dirigeants : ainsi, aux Vice-président délégué (Luc Chatel) et à la Secrétaire générale (Michèle Tabarot) copéistes s’adjoindront un Vice-président délégué (Laurent Wauquiez) et une Secrétaire générale (Valérie Pécresse) fillonistes. Le reste de l’équipe dirigeante sera dupliqué. Mais les fillonistes considèrent que pour leurs adversaires, cette répartition relève de la « galerie ». Il n’y aura pas de numéros 2 et 3 bis, mais des numéros 5 et 6. Autrement dit, Laurent Waquiez serait après Michel Tabarot, secrétaire générale, qui apparaît après le Vice-président délégué, et non ex aequo avec le vice-président Luc Chatel. Bref, les préséances posent déjà des problèmes. On comprendra que la dissolution du groupe R-UMP ait été subordonnée à la constitution de l’équipe dirigeante prévue dans la première quinzaine de janvier (point n°6). Pour les fillonistes, la dissolution ne pourra se faire donc que sur pièces… D’ailleurs, la motion de Bernard Accoyer et de Gérard Larcher prévoyait une dissolution « sans délais » (en revanche, l’abandon de tout contentieux devant les tribunaux a bien été repris par le point n°7 de l’accord). Il y a donc déjà une méfiance. Mais c’est surtout au quotidien que le système de doublement posera des problèmes. Le système sera-t-il concrètement viable ? Ainsi, des décisions prises au sommet de l’UMP devront-elles être visées par les « doublures », avec un risque d’inertie, si la décision est sensible (investitures, etc.)… S’agira-t-il d’une véritable cogestion ? Enfin, le doublement est appelé à s’étendre à toute l’équipe dirigeante. Or, le bureau politique de Jean-François Copé a la réputation d’être pléthorique… Tous les secrétaires nationaux seront-ils doublés, quitte à créer non plus une, mais deux armées mexicaines ? Ou faudra-t-il recentrer les postes, quitte à les négocier un par un. Autrement dit, il faudra d’autres négociations, donc un autre accord. Bref : un accord dans l’accord. C’est peut-être le début de négociations interminables où tout devra être agréé par les deux parties… Enfin, les fillonistes de l’équipe dirigeante auront-ils une prise directe sur la machine de l’UMP ?
Qui tiendra les rênes de l’UMP avant les prochaines élections ? L’élection est prévue au mois de septembre 2013 et se fera, fort logiquement, avec une équipe dirigeante en retrait, si elle est candidate (point n°3). Mais, dans le meilleur des cas, cela signifierait que Jean-François Copé restera jusqu’à l’approche des grandes vacances en fonction. Autrement dit, même si l’on sait que l’appareil UMP est fragilisé, on peut concevoir que les mois soient mis à profit par Jean-François Copé pour retrouver une image plus respectable et habituer les esprits à un « Copé Président ». Jean-François Copé sera à nouveau un sortant. Cette fois-ci, en tant que Président, non plus en tant que Secrétaire général. Or, dans les élections, il existe une prime au sortant. Qui sera aussi son adversaire ? Si Jean-François Copé était candidat, la situation ne sera plus dans la même situation qu’au mois de mai 2012. Qu’on le veuille ou non, les habitudes auront été prises par les militants, certainement moins nombreux et encore moins enflammés…
“L’UMP a été avant tout conçue comme un parti de gouvernement, avec un chef incontesté. Non comme une formation d’opposition où aucune figure n’émerge. L’unité est un présupposé qui conditionne l’élection, non le résultat d’une élection.”
Quelles règles ? Pour tous les protagonistes, les statuts et le règlement intérieur de l’UMP paraissent obsolètes et inadaptés. C’est peut-être le seul constat qui réunit. Faits pour un seul homme, comme a pu l’entendre, les statuts de l’UMP ont été adoptés à une époque différente de celle qui prévaut aujourd’hui. L’UMP a été avant tout conçue comme un parti de gouvernement, avec un chef incontesté. Non comme une formation d’opposition où aucune figure n’émerge. L’unité est un présupposé qui conditionne l’élection, non le résultat d’une élection. Mais elle suppose des règles incontestées. Or, toute la difficulté est qu’il faut les définir rapidement avant même de revoir les statuts. L’accord prévoit des « conditions d’organisation matérielle d’une nouvelle élection (pas de procuration, mode d’élection, parrainages, etc.) devront faire l’objet d’un accord qui sera soumis à un conseil national » (point 2). Qui fera l’accord ? La nouvelle équipe dirigeante ? Ne risque-t-il pas d’y avoir à nouveau une division ? Enfin, le conseil national de l’UMP est l’instance qui regroupe les parlementaires, les présidents de fédération et les délégués de circonscription. Certes, il fait souvent office de chambre d’enregistrement, mais ne risque-t-il pas d’être favorable à Jean-François Copé ? Quelle sera l’influence des fillonistes sur ledit conseil ? Dans quelles conditions sera-t-il organisé ? Il faut imaginer que tout soit soumis à l’assentiment des deux parties… Le bât blesse dans la mesure où l’on ne prévoit que des « conditions d’organisation matérielle ». Il faut donc ces règles de fond que constituent les statuts.
Comment définir les statuts de l’UMP ? La rédaction des statuts est remise à un « comité de rédaction des statuts qui sollicitera toutes les sensibilités et les mouvements » (point n°4). On prévoit, à cet égard, la présence des « anciens premiers ministres du mouvement et des partis fondateurs, des anciens président des assemblées parlementaires et des anciens secrétaires généraux, membres du mouvement » (point précité). Ainsi, François Fillon, Alain Juppé et Jean-François Copé ont leur entrée, en tant qu’anciens Premiers ministres ou secrétaires généraux. Mais on retrouve également Xavier Bertrand, Gérard Larcher Ou Bernard Accoyer, respectivement ancien secrétaire général et anciens présidents des deux assemblées parlementaires … A priori, on retrouve des fillonistes, mais qui seront les autres membres ? En plus de l’équipe dirigeante, il faut imaginer que les « leaders », même indépendants, seront forcément inclus (Bruno Le Maire, NKM, etc.). Mais, comment, au final, tout cela fonctionnera-t-il ? La composition du « comité de rédaction des statuts » risque d’être houleuse et tendue.
Quel corps électoral ? L’électeur est la clé-même du scrutin. On peut logiquement supposer qu’ils seront moins nombreux à se presser au portillon, en septembre 2013. Cela résout paradoxalement la question du nombre de bureaux de vote ! Cependant, il faut s’interroger sur la consistance de corps électoral. Outre le départ des militants dégoûtés, il faudra réfléchir sur ce qui le « produit » concrètement : les adhérents. Certes, la date-limite des adhésions sera probablement repoussée à l’année prochaine. Mais qui gèrera concrètement les adhésions au sein du parti ? Que se passera-t-il, si jamais l’on y constatait des adhésions douteuses ? Concrètement, il faudra contrôler le service des adhésions à l’UMP et éviter toute démarche suspecte… Cela ne fera que renvoyer à la question du contrôle quotidien sur le siège national. Retour donc à la case départ : la question du contrôle du parti.
Épilogue. On ne peut nier que la pression sur Jean-François Copé a porté ses fruits. Ce dernier a accepté de conclure un accord. La création du groupe R-UMP a été un moyen de pression important, même si l’instrument semble timoré pour certains. Les deux protagonistes se sont en tout cas rencontrés à huis-clos et semblent avoir compris l’urgence d’une issue. Mieux : ils ont évité aux seconds couteaux de s’exprimer en prenant l’opinion à témoin. Mais l’image de l’UMP a été écornée, même si les élections partielles lui semblent favorables. Trois députés estampillés ou apparentés UMP ont été élus, dimanche 16 décembre. Certes, il ne faut pas nier l’implantation des intéressés (c’est notamment le cas de Patrick Devedjian qui peut aisément faire campagne sur son nom). Cependant, les campagnes électorales en question commencé avant le 18 novembre 2012. L’onde de choc de la crise à l’UMP n’est pas immédiate. C’est sur le moyen et long terme qu’elle est appelée à se propager. Par définition, il y aura à terme moins d’adhérents et aussi moins de soutiens financiers à l’UMP (l’UMP est endettée et compte moins de parlementaires, élément crucial dans son financement). L’UMP sera structurellement plus fragile et risque de se trouver dans une situation qui oscille entre celle du parti de masse et celle du petit parti. Un vide ne risque-t-il pas d’apparaître à droite ? Qui le comblerait ? L’UDI ? Le FN ? Certes, de manière assez partielle. Ou deux UMP issues d’une scission qui ne veut pas dire son nom, mais qui semble acquise dans les esprits… Et si l’accord n’était qu’une pause hivernale ? Il est vrai que les chefs sont fatigués. Mais la sagesse n’est-elle pas de tempérer avant une rupture inéluctable ?
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