La désillusion est vertigineuse. En 18 mois, le décor monté à la hâte s’est effondré, la mise en scène ambitieuse se disloque, les acteurs venus de gauche et de droite ne trompent plus personne. Le pouvoir auquel les Français n’avaient accordé qu’une confiance de second choix, faute de mieux, avait séduit dans les premiers jours. Le Président incarnait le renouveau d’une verticalité brillante. Il exprimait aussi une volonté de rassemblement et de redressement du pays. Une partie des électeurs de droite se laissait convaincre. Puis, le voile s’est déchiré, progressivement d’abord par quelques formules blessantes à l’encontre des gens d’en-bas, de ceux qui ne sont rien, des Gaulois. Le Peuple français a ressenti que cet homme ne se reconnaissait pas en lui. Il a découvert chez lui le mépris profond, structurel qui l’habite. L’affaire Benalla a révélé la dissimulation qui entourait l’occupant de l’Elysée, privilégiant sa cour et son bon plaisir, à cent lieues des préoccupations quotidiennes des Français.
Mépris et mensonge : tels sont les deux piliers du pouvoir auquel les « gilets jaunes » ont livré leur premier assaut samedi. Cette fois, il ne s’agissait pas d’une action syndicale pour la défense de tel ou tel privilège de corporation. Non, cette journée de protestation du 17 Novembre exprimait la colère d’un peuple méprisé et trompé. C’était la manifestation des oubliés, celle de la France périphérique, qui travaille, gagne peu, roule beaucoup et voit son pouvoir d’achat et ses libertés rognés un peu plus chaque jour par une caste métropolitaine hautaine et désinvolte. Dans les grandes villes, il y a des transports en commun, des magasins et des services à proximité. Il y fait un peu moins froid l’hiver. Dès qu’on s’en éloigne, les salaires et les revenus sont en moyenne moins élevés, mais la vie n’y est pas nécessairement moins chère, pour les transports ou le chauffage notamment. C’est ce qui explique que le point focal des manifestations soit, parmi de nombreux autres sujets, la hausse des carburants. Celle-ci est le noeud du mensonge et du mépris.
Le mensonge, c’est l’alibi grossier de la transition énergétique pour faire face au réchauffement climatique. Qui peut sérieusement imaginer qu’un gouvernement qui dispose théoriquement d’un mandat de cinq ans pour réformer le pays en profondeur, comme il le prétend, puisse se donner pour priorité une action à très long terme dans un domaine où les frontières n’existent pas et où la France ne peut avoir qu’un poids imperceptible ? L’écologie fiscale punitive est un subterfuge qui prend les Français pour des gogos. Comme ils ne le sont pas, 62% des Français considèrent que le pouvoir d’achat est plus important que la transition énergétique à laquelle ils n’ont pas les moyens de participer et sur laquelle leur contribution serait de toute manière sans effet notable. La France est un Etat vertueux en raison de sa production électrique d’origine nucléaire. En 2016, elle ne produisait que 290 Millions de tonnes de CO2 sur les 32,3 Milliards de la planète, à comparer aux 9 Milliards de la Chine, aux 4,83 Milliards des Etats-Unis. L’Allemagne, c’est deux fois et demie plus qu’elle. Chaque Français émet 4,38 tonnes de CO2 c’est-à-dire à peu près la moyenne des habitants de la planète ( 4,35) alors que notre pays est l’un des plus développés. L’appel à l’effort énergétique et financier des Français est donc une supercherie éhontée à laquelle le Premier Ministre a une nouvelle fois eu recours hier. La réalité est tout autre : les résultats des mesures économiques et fiscales se faisant attendre, le courage de la baisse des dépenses publiques étant aux abonnés absents, notre gouvernement et notre président, si savants, si sûrs d’eux, ont recours à des expédients pour sauver le budget. Déjà sous Sarkozy, le débat avait eu lieu pour réduire nos déficits : soit la TVA dénoncée comme portant atteinte au pouvoir d’achat, soit la taxe carbone plus discrète et « vertueuse » ou la CSG portant sur les revenus et non sur la consommation. La TVA était la solution la plus courageuse et la plus intelligente car elle est payée par les touristes et rééquilibre nos échanges extérieurs. Le pouvoir actuel a choisi la voie de la facilité : faire payer les Français en leur racontant des bobards !
Lorsque le mensonge est trop grossier, il est déjà méprisant, mais cette fois, le mépris devient systématique et multiforme. On peut le résumer en deux mots : d’abord, celui de pédagogie qui revient constamment. Le « paîs, paîdos » grec d’où vient le mot, c’est l’enfant. Le second mot, c’est celui que d’une voix doucereuse et attendrie, emploient nos ministres : « accompagner ». Les Français sont des enfants, des mineurs irresponsables à qui il faut expliquer ce qu’ils doivent faire, et qu’on va prendre par la main pour qu’ils le fassent. Cela va consister à redonner d’une main à quelques-uns ce qu’on a pris de l’autre à tout le monde ou presque. Les classes moyennes qui sont au milieu donnent mais ne reçoivent pas : elles sont dans la rue, et c’est une première. Avec effarement elles prennent conscience que les socialistes sont toujours au pouvoir avec quelques transfuges pour faire illusion : dépense publique, fiscalité répressive, libertés réduites, et inefficacité économique. Il n’est pas difficile de les reconnaître même s’il s’agit du socialisme de luxe qui supprime l’ISF et joue l’écolo. L’ineffable chien de garde Castaner traite d’ailleurs les gilets jaunes comme Valls naguère les marcheurs pour tous. Ces gens n’aiment pas le peuple, et ce sera de plus en plus réciproque !
12 Comments
Comments are closed.