UMP : la douche froide de François Fillon

par Hubert Montmirail

Dans les annales de l’UMP, la journée du 18 novembre a été probablement la plus cocasse dans l’histoire du parti. Les deux compétiteurs ont revendiqué la victoire, ce qui a donné un air d’élection américaine : une campagne agressive, des électeurs plus divisés qu’on ne le pensait, des fédérations litigieuses (des fédérations ressemblant aux États américains, comme la Floride…) et des instances de contrôle appelées à trancher sur un scrutin serré et incertain. L’UMP semble découvrir la division en son sein. Mais à la différence des épisodes précédents, l’unité n’est plus feinte : elle apparaît comme inexistante. Les résultats du 18 novembre ont été une véritable surprise. Retour sur un scrutin qui n’a pas encore donné une direction claire.

La surprise de François Fillon. Pour les équipes de campagne fillonistes, le scrutin a été une véritable surprise. Une bombe, dont le retardateur semble voir été ignoré, masqué par des sondages flatteurs. Beaucoup s’attendaient à ce que les adhérents expriment, dans leurs votes, les préférences des sympathisants. Or, c’est une douche froide : une moitié des adhérents de l’UMP a clairement donné ses suffrages à Jean-François Copé. Indépendamment des éventuelles irrégularités qui pourraient être relevées chez ce dernier, l’avance de François Fillon est n’a pas eu lieu. Les scores de Jean-François Copé et de François Fillon ne se différencient guère. Si le Premier ministre a fait une campagne de chef de l’opposition et de présidentiable pour 2017, il semble avoir raté la case chef de parti, perçue hâtivement comme une simple formalité. Or, cette carrure ne s’adopte pas de n’importe quelle manière. François Fillon a du mal à acquérir une carrure dans laquelle son adversaire est manifestement plus à l’aise. Le dédain de François Fillon n’est pas un secret de polichinelle ! Beaucoup de militants reprochent à François Fillon sa froideur. Inversement, Jean-François Copé n’a pas hésité à serrer des mains ou à dîner, après chacune de ses réunions publiques, avec les cadres d’une fédération départementale. Les militants ont cette impression d’être mieux choyés. Plus généralement, Jean-François Copé n’a pas hésité à envoyer des messages aux militants. Le serrage de mains, c’est peut-être, à défaut du radical-socialisme et de l’immobilisme corrézien, le seul véritable héritage chiraquien de Jean-François Copé.

Des cadres fillonistes peu militants. Les équipes de François Fillon ont péché par une véritable incapacité à réveiller les adhérents de l’UMP, se focalisant trop sur des réunions publiques et autres événements ne touchant que des fillonistes déjà convaincus. Il semble que la culture du parti soit encore insuffisamment maîtrisée par les fillonistes, trop jeunes ou issus d’autres filières que celle du militantisme classique. D’un côté, des cadres persuadés d’aller à la victoire, ayant l’œil rivé sur l’organisation de l’UMP (ou sur ses postes…), mais plus distants de leurs militants ; de l’autre côté, des militants chaleureux, mais dévorés par l’ambition, collant à la presse ou ne tournant qu’entre eux. Des militants sûrs de la victoire qui n’ont pourtant pas hésité à déserter la queue devant le bureau de vote lorsque l’attente se faisait trop longue… Le militantisme est tout, sauf un acquis. Enfin, de manière générale, François Fillon a peu anticipé l’après-Matignon, croyant que sa position de Premier ministre populaire lui donnerait un crédit illimité. Son mouvement, France.9, a été la belle endormie ; les réseaux fillonistes ont été peu mobilisés au moment où François Fillon donnait l’image d’un chef de Gouvernement constituant un contrepoids serein à Nicolas Sarkozy. Or, entre 2010 et 2012, l’anticipation a été très mauvaise. Inversement, même secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé n’a pas abandonné son club de réflexion, Génération France. Avoir un territoire politique grand comme la France ne dispense pas de l’entretien d’un fief ! À force d’être partout, on finit par être nulle part. On se retrouve juste avec les débris de son cabinet, quelques élus et des cadres dont le fillonisme est encore trop frais pour être authentique…

Des copéistes mieux rompus à l’appareil militant. Or, les partisans de Jean-François Copé semblent être davantage rompus à ces exercices militants qui supposent régularité et constance. N’a-t-on pas directement vu des proches de Jean-François Copé s’exprimer longuement devant les militants ? La maladroite Nadine Morano a peut-être multiplié bourdes et gaffes dans son parcours, mais elle a su se rendre populaire auprès des militants. À trop tourner en rond, autour de son nombril, on en essuie les plâtres. Les procurations semblent avoir ainsi été mal gérées chez François Fillon. À part réclamer une signature manuscrite authentique, les fillonistes ont parfois oublié que chaque militant devait disposer d’une procuration afin de ne pas laisser passer une voix. Enfin, il est indéniable que durant ces dernières semaines, le député-maire de Meaux a non seulement enchaîné réunion sur réunion, mais il aussi mobilisé ses équipes et ses troupes. Les voix ont été cherchées une à une. La collecte a été méthodique et les procurations bien pesées. Dans son fief de Meaux, Jean-François Copé obtient un quasi-plébiscite (95%). Or, dans des fédérations fillonistes, comme celle de Paris, l’ancien élu de la Sarthe obtient des scores certes honorables, mais nullement écrasants.

Jean-François Copé, guerrier de l’information. On notera dans cette campagne la guerre des informations et des déclarations. Guerre dans laquelle les médias pont annoncé des informations contradictoire. Qui la victoire de Copé, qui celle de François Fillon. Chacun des deux candidats s’est proclamé vainqueur. Fillon, hier soir, affirmant une faible victoire ; Jean-François Copé, proclamant à nouveau sa victoire ce matin-même. Si l’on analyse le comportement de Jean-François Copé, on notera que l’intéressé a su anticiper les accusations, quitte à les retourner de manière préventive. Ainsi, en tant que secrétaire général-candidat, des suspicions ont été nourries sur l’impartialité dans l’organisation des élections. Or, depuis quelques semaines, Jean-François Copé a su habillement distiller des soupçons de risques de fraude de la part de ses adversaires, visant Paris ou d’autres départements. Or, les départements de certains proches de François Fillon font aujourd’hui l’objet de polémiques et sont surveillés. Inversement, le bruit n’a pas été créé sur la Seine-et-Marne, fief copéiste. On pourrait y voir une manière d’anticiper une éventuelle défaite. Mais c’est aussi une façon de marquer son adversaire en devenant prescripteur en manière de bruits et rumeurs. Si vous ne faites pas le buzz, c’est votre adversaire qui le fera ! En revanche, cette méthode directe et préventive a des limites. Jean-François Copé a annoncé sa victoire dès hier soir, alors que la plus grande incertitude régnait. Certes, cela habitue les médias à un Copé gagnant et pousse le camp de François Fillon à inverser la charge de la preuve. Donc à démentir, ce qui suppose de convaincre les journalistes de la témérité de Jean-François Copé. On mesure le temps perdu et le danger d’être en position défensive. Si François Fillon venait à être déclaré gagnant, cela confirmerait l’accusation de « putsch » de la part de Jean-François Copé. Si le député-maire de Meaux est déclaré vainqueur, son annonce prématurée serait, au pire, une imprudence et un excès de confiance destinés à être oubliés.

Une droitisation des militants ignorée par François Fillon : le triomphe de l’UMP « réelle ». Dans le fond, ce résultat serré a révélé plusieurs décalages. D’une part, entre les militants, actifs ou non, et les sympathisants, totalement étrangers aux thématiques partisanes et davantage rivés sur une figure institutionnelle. La victoire du 18 novembre n’est pas forcément celle des militants actifs, mais plutôt celle de l’adhérent qui se retrouve dans des thématiques musclées et marquantes, sans pour autant s’investir. On peut dire que Jean-François Copé a directement parlé à l’adhérent en général, définissant et proposant ainsi une stratégie partisane, comme celle de la « droite décomplexée » ou de la manifestation dans la rue. Inversement, François Fillon s’est prématurément positionné comme chef de l’opposition et présidentiable, sans révéler son profil de président de l’UMP. Or, entre 2012 et 2017, cinq années doivent s’écouler. François Fillon a anticipé, alors que Jean-François Copé s’est positionné sur le siège convoité. Le temps long contre le court terme. D’autre part, le décalage entre les soutiens des officiels à François Fillon et le vote des militants est également saisissant. La plupart des élus et cadres de l’UMP se sont prononcés pour François Fillon. Or, cet élément a laissé indifférent une bonne partie des adhérents. L’UMP « réelle » existe. Si elle n’est pas totalement le calque du FN, elle ne correspond pas au centrisme mondain vers lequel beaucoup de cadres dérivent. Les cadres, oui, mais pas les militants.

Questions en suspens. Outre la proclamation du résultat qui tarde – la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales (COCOE) statue encore -, diverses questions sont soulevées par cette élection. En raison de la droitisation indubitable qu’en sera-t-il des rapports avec le FN, parti honni par certains cadres, mais qui ne suscite pas de réactions indignées ? Les alliances continuent à être plébiscitées par les militants de l’UMP. Quid aussi de la position respective du vainqueur et du vaincu ? Si François Fillon est élu, il aura peu de marges. Jean-François Copé deviendrait, par la force des choses, son opposant interne numéro un. Ce qui implique composition et doigté, donc l’impossibilité de choisir tous les cadres du Mouvement. François Fillon, outre le fait d’avoir une femme galloise, deviendrait, en en quelque sorte, une reine d’Angleterre qui n’aurait pas la main sur tous ses parapheurs. Si Jean-François Copé est élu, François Fillon serait dans une situation plus difficile. Aura-t-il le courage d’organiser son camp, en dehors et au-dedans du parti ? Enfin, incontestablement, l’UMP ne peut être qu’affaiblie. Le risque est celui de ne plus être l’un des centres de gravité d’une opposition affaiblie. L’UMP, diminuée, ne deviendrait pas un petit parti, mais elle cesserait d’être un grand parti, devenant une formation moyenne incapable de s’adresser aux différentes couches de la population. À mi-chemin entre le parti de masse et celui de notables.

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25 Comments

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  • Hubert MONTMIRAIL , 20 novembre 2012 @ 14 h 15 min

    Désolé pour la mauvaise tournure due à une syntaxe hasardeuse. Je voulais dire: “Quand François Fillon a appelé certaines religions à remettre en cause certaines traditions…”

  • Quéribus , 20 novembre 2012 @ 17 h 49 min

    Spectacle pitoyable. Faut-y donc que la soupe soit bonne pour se ridiculiser de la sorte. Comme on dit chez nous “ils ont la figure comme le cul”, rien ne les fait rougir, la honte connaissent pas. Donc, c’ est qui qu’ a gagné, Jean-François FILLON ou François COPE ? Eh bien moi je dis : bien fait pour les croyants de l’ UMP. Ils continuent de suivre les incapables qui les dirigent depuis des années.. faut avoir des peaux de saucisson devant les yeux pour ne rien voir ! Et, le fin du fin, c’est quand ces olibrius se réclament de de Gaulle. Celui-ci a déjà dû faire quelques tours dans sa tombe !

  • marie-france , 20 novembre 2012 @ 17 h 55 min

    pour moi simple femme du “peuple” ces deux là se valent,la France c’est leur avenir pas la nôtre ni celles de nos enfants,maéis la leur et celles de leurs proches!!tout dans les fouilles,!!

  • Saint-Surge , 20 novembre 2012 @ 18 h 02 min

    Je trouve l’analyse d’Eric Martin excellente. Je pense aussi que F. Fillon a eu tort de se positionner plutôt comme candidat aux prochaines présidentielles que comme patron de l’UMP.
    Je suis adhérent à l’UMP et j’ai voté Copé ! Je pense qu’il sera le plus combatif vis à vis de la gauche au pouvoir ; pour la prochaine présidentielle, on a le temps de voir venir.
    Curieusement, personne ne parle du résultat du vote sur les motions…J’ai choisi la droite forte que j’aurais aimé plus forte encore : remise en question du droit du sol, révision du statut des fonctionnaires, diminution du nombre de députés et sénateurs…
    Hélas, personne, mais vraiment personne ne propose ces réformes alors que je suis persuadé que les français, dans leur grande majorité, les souhaitent.

  • Saint-Surge , 20 novembre 2012 @ 18 h 28 min

    Pardon à Hubert de Montmirail pour cette erreur. C’est bien son analyse que j’ai trouvée excellente.

  • Hubert MONTMIRAIL , 20 novembre 2012 @ 18 h 50 min

    Merci !

    Je lis avec attention autant les critiques que les satisfactions.

    Au plaisir de vous relire !

  • xanpur , 20 novembre 2012 @ 21 h 02 min

    Dommage que Fillon n’est pas gagné.
    Vu ses positions, certains électeurs, comme le ci-dessus, Saint-Surge, dont les idées sont plus proches de celles du FN, auraient enfin compris qu’il n’ y a rien a attendre de l’UMP.
    Cope , comme il a déjà commencé à le faire, fera de l’enfumage en espérant récupérer des voies du FN

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