Le Conseil constitutionnel vient de rejeter la clause de conscience pour les maires, ceux-ci se verront donc dans l’obligation légale de célébrer le mariage homosexuel.
Au risque de surprendre, cette décision est une bonne chose. Elle l’est à deux titres.
Elle l’est tout d’abord en principe. Je me suis expliqué ailleurs en détail ici sur cette question. Pour résumer brièvement : la loi est nécessaire précisément pour empêcher chacun de faire ce qu’il veut selon sa conscience, on n’a donc pas de droit légal à résister ou à outrepasser la loi, selon sa morale, son jugement personnel, etc. Admettre la liberté de conscience pour les maires serait ouvrir une boîte de Pandore, dans la mesure où puisqu’on la donne aux avocats et aux médecins, on veut l’étendre aux maires ; puis bientôt ce droit sera étendu à tout le monde. Et ne règnera que le chaos. Bref, la liberté de conscience, pas plus que l’objection de conscience et la désobéissance civile, n’est une liberté fondamentale.
Je renvoie à ce sujet à l’excellent texte de Kant sur la doctrine du droit public, dans La Doctrine du Droit, en particulier sa critique du droit de résistance.
Mais cette décision est aussi bonne, et c’est ce qui nous intéresse ici, sur un plan plus stratégique. En effet, si une loi est considérée comme contre-nature, il faut s’interroger sur le système qui a permis à une telle loi d’émerger, probablement contre la volonté du peuple. Il faut donc s’élever du combat contre cette loi à un plan structurel, systémique. On ne peut désobéir à une loi que si l’on considère que l’ensemble du régime et du pouvoir qui l’impose est illégitime. On entre donc en sédition, et cette sédition en saurait être un droit juridique, puisque c’est un saut en-dehors du droit positif.
Là encore, cela fait un moment que court l’idée de s’élever du simple combat contre la loi Taubira, la PMA et la GPA, à quelque chose de plus ample. J’en ai moi-même énoncée la nécessité ici et là, au sujet de l’affaire Bernard-Busse. Il est regrettable qu’il faille encore le répéter, car un demi-siècle d’aliénation a fait perdre au Français l’idée même de la possibilité de l’insurrection, au service de la défense de la justice et des libertés fondamentales ; il est donc temps de revenir à plus de bon sens.
Que signifie ici s’élever au niveau systémique ? C’est condamner la légitimité même du pouvoir qui nous gouverne, c’est-à-dire du régime. Régime illégitime pour trois raisons :
-il permet, sans le demander au peuple par voie référendaire, de voter une loi qui porte atteinte à la structure anthropologique même de notre civilisation,
-il permet de porter atteinte à l’épargne même des Français, puisque l’idée est dans l’air à Bercy comme au FMI (on songe à ponctionner 10% de l’épargne pour rembourser la dette),
-l’article 4 de la constitution de la Vème République n’est pas respecté et nous plonge donc dans un état de non-droit : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».
Tout cela est absolument lié. La souveraineté nationale, garantie par notre constitution, est piétinée à tous les niveaux. Piétinée en 2005 par Sarkozy quand le referendum sur le TCE a été méprisé ; piétinée par les multiples transferts de souveraineté de la France vers l’UE ; piétinée enfin quand on songe, pour sauvegarder le capitalisme de connivence, à confisquer l’épargne même des français pour nourrir la finance apatride.
C’est pourquoi le régime est illégitime, et frappe d’illégitimité par transitivité l’ensemble des lois qu’il produit. Et c’est pourquoi contester la loi Taubira est une bonne chose, mais à deux conditions :
– non pas pour des raisons de conscience individuelle, mais parce que le système qui porte la loi est lui-même pourri,
– la voie qui s’ouvre est révolutionnaire ; c’est une contestation radicale, qui ne peut donc demander au système l’autorisation bienveillante de s’opposer à lui.
Si vous pensez que je mélange tout (confiscation fiscale, transfert de souveraineté, loi Taubira), c’est que vous n’avez pas compris la nature systémique du problème, et qu’à la fin, tout se tient.
Peut-être aujourd’hui que l’injustice profonde du système, qui se permet pour ses clients et ses séides de piétiner la loi (pour défendre des sans-papiers, par exemple), qui se permet, de la bouche même de Bartolone ou de Vallaud Belkacem, de combattre pour des valeurs (les siennes évidemment) plutôt que pour des lois, mais l’interdit à ses opposants, peut-être que cette injustice profonde, donc, éclatera au grand jour. Et peut-être que certains, s’étant trompés par idéalisme sans doute, par manque d’imagination aussi parfois, sauront enfin que la politique est essentiellement une question de rapport de force, surtout dans un régime de non-droit comme nous le connaissons, depuis bien plus longtemps qu’on ne le pense.
Conclusion : quels sont les enjeux du temps ? La contestation générale du système au nom de la souveraineté nationale et populaire et des libertés les plus fondamentales, de la protection des plus faibles, en particulier des enfants, et de la substance même de notre peuple. Une contestation qui ne peut par principe s’en tenir à la simple transgression non-violente.
À vous de voir si vous êtes prêts à ne rien lâcher.
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