L’Ecosse a montré la voie

L’Ecosse reste donc dans le Royaume-Uni. Il faut s’en féliciter. L’éclatement de la famille britannique soudée par la force depuis le XVIIIe siècle aurait été une excellente nouvelle pour la France à cette époque. En revanche, elle aurait revêtu une signification très négative aujourd’hui. D’abord, dans leur rivalité avec la France, les Anglais l’ont emporté et de rivaux sont devenus des alliés indispensables face à la menace allemande. A deux reprises ils nous en ont protégés ou sauvés. Ce serait être ingrat que de se réjouir de leurs difficultés.

En second lieu la victoire du oui à l’indépendance aurait accentué la pente suicidaire empruntée par l’Europe et accélérée par la dérive de la construction européenne. Celle-ci devait bâtir sur les décombres de la dernière guerre entre les Nations européennes un ensemble politique démocratique destiné à préserver la paix et à assurer une prospérité collective. Elle a abouti à créer une technocratie inefficace doublée d’une apparence de démocratie avec un parlement aussi coûteux qu’inutile. Entre les pays européens très riches et qui ne sont pas membres, comme la Norvège, ceux qui ont de bons résultats économiques, en ayant gardé leur monnaie, comme la Suède et le Royaume-Uni, et l’Euroland, avec sa zone allemande prospère, ses pauvres vertueux, comme l’Espagne et son mauvais élève, la France, la distance s’est creusée quand elle aurait dû se réduire. Chacun suit avant tout son intérêt national, et ne se plie à la discipline que persuadé que la révolte serait plus préjudiciable à celui-ci que l’obéissance. Cette évolution présente deux aspects : d’une part, la politique se réduit à l’économie, d’autre part, la priorité économique incline à l’égoïsme. L’Europe n’existe pas à l’échelle géopolitique. Elle confond plus ou moins son action avec celle de l’Otan, c’est-à-dire avec les Etats-Unis dont elle reste l’obligée sur le plan militaire. Sous l’aile américaine, il est confortable de réduire ses dépenses en matière de défense, et de pouvoir voter des budgets généreux et démagogiques ou de pratiquer le dumping fiscal. Cela est encore plus vrai pour les petits Etats dont le nombre s’est multiplié. Quant aux Etats qui ont été de grandes puissances, comme la France ou le Royaume-Uni, ils sont confrontés au dilemme de renoncer à leur capacité militaire ou d’être victimes de la concurrence fiscale des Etats plus petits et plus récents. L’indépendance de l’Ecosse aurait validé ce mouvement. Un nouveau pays, représentant moins d’un Britannique sur dix, mais avec un PIB par tête supérieur, aurait surgi, fort pour quelques années encore de ses hydrocarbures, et priant Londres de retirer sa défense nucléaire de son territoire, et évidemment peu soucieux de se doter d’une armée efficace, donc coûteuse.

En troisième lieu, l’exemple aurait pu être suivi et aboutir à ce paradoxe d’une déconstruction nationale lorsqu’on veut construire l’Union Européenne. C’est l’Histoire et la culture qui construisent les solidarités nationales. Ceux qui rêvent d’une Europe Fédérale des régions, par hostilité aux Nations, n’ont toujours pas compris que ni l’Histoire, ni la culture n’avaient bâti une telle solidarité au niveau du continent. L’Europe des régions détruira les solidarités nationales non en créant une solidarité européenne, mais en favorisant les égoïsmes régionaux. Il est possible que le Royaume-Uni quitte l’Union Européenne. L’Ecosse souhaitait au contraire y être admise en cas d’indépendance, afin de pouvoir y faire prospérer son égoïsme, mais en gardant la Livre, bien sûr : le beurre et l’argent du beurre, dans un système d’égoïsme collectif en quelque sorte.

Mais il faut aussi tirer des enseignements positifs de ce vote. D’abord, il conforte la confiance que l’on peut nourrir à l’égard du vote populaire ( Plus de 80% de votants !) par le biais des référendums. Le bon sens l’a emporté assez largement. Sans doute celui-ci a-t-il été soutenu par les sentiments nés d’un passé commun dont les Britanniques peuvent être légitimement fiers. Mais les arguments plus rationnels fondés sur la défense, sur la dépendance extérieure, sur le poids des infrastructures, sur l’importance des déficits ou encore sur les limites des ressources énergétiques fossiles ont aussi joué leur rôle. Le comique de service que nous traînons dans la vie politique française depuis 1968, Cohn-Bendit était évidemment pour le Oui et se réjouissait à l’avance de la défaite du « nationalisme », et du « loser » Cameron. Pas de chance, et c’est un second point positif, Cameron a gagné, comme sa politique économique brocardée par nos brillants politiciens nationaux, réussit, elle-aussi. Il a d’ailleurs salué cette victoire avec modestie en assurant qu’il tiendrait compte de l’aspiration à plus de décentralisation, non seulement pour les Ecossais, mais aussi pour les Anglais. Enfin un démocrate qui ne s’intéresse pas qu’aux minorités, mais aussi à la majorité… Plus de libertés en bas, moins de technocratie en haut, plus de solidarité nationale et peut-être moins d’édredon-étouffoir européen, l’Ecosse en restant dans le Royaume-Uni a montré avec lui le bon chemin.

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27 Comments

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  • François2 , 20 septembre 2014 @ 9 h 21 min

    SUITE. Des régions pourront l’accepter et d’autres pas. On peut très bien imaginer, par exemple, la Corse ou l’Alsace voulant garder l’essentiel de leur population d’origine, leur religion majoritaire, leur civilisation, demander leur indépendance.

  • louis , 20 septembre 2014 @ 9 h 31 min

    Pour faire plaisir à jean luc, des nouvelles de nos amis américains, les commentaires sont instructifs, ce sont les mêmes arguments et les mêmes citations, de part et d’autre, que ce qu’on pourrait trouver sur un site français “dit” antisémite :

    http://www.wlwt.com/news/local-news/WLWT-News/us-senate-candidate-uses-campaign-to-spread-slogan-with-jews-we-lose/28096066

    Apparement c’est nouveau aux USA.

  • fleurdenavet , 20 septembre 2014 @ 11 h 11 min

    Certains Ecossais ont voté Non par peur, pas avec leur coeur et leur tête, d’ailleurs, la campagne a été faite dans ce sens. Par ailleurs, donné le droit de vote à des enfants de 16 ans c’est vraiment irresponsable !

  • Cap2006 , 20 septembre 2014 @ 14 h 36 min

    Faut il vraiment considérer ses concitoyens comme des abrutis, pour imaginer qu’à 16ans on ne soit pas capable de voter pour son avenir, avec moins de discernement qu’à 80ans?

  • VANNESTE , 20 septembre 2014 @ 16 h 47 min

    Les Britanniques ont tout au long de leur histoire visé l’intérêt national. Cela a fait d’eux les principaux adversaires de la France jusqu’au XIXe siècle. La France ayant été battue par eux d’abord puis par l’Allemagne, en raison de la politique stupide des buonaparte dont certains Français un peu inconscients sont si fiers, c’est l’Allemagne qui est devenue une menace pour l’Angleterre qui est devenue une alliée. Cela n’a rien à voir avec les sentiments. Mais je constate qu’à deux reprises ma ville de Tourcoing a été libérée de l’occupation allemande… par des Anglais.

  • xanpur , 20 septembre 2014 @ 20 h 38 min

    Dans le résultat du vote, il ne faut pas oublier de prendre en compte le fait que les anglais ainsi que les résidents d’autres pays avaient également le droit de voter.
    Si seul les vrais écossais avaient voté, le résultat aurait peut-être été différents….
    Et ce vote nous montre ce qui nous attends si on laisse des étrangers participer à nos votes dans le futur.

  • Le Renard , 20 septembre 2014 @ 23 h 31 min

    Il est curteux que sont nombreux ceux qui ne voient pas le principal danger d’un vote écossais pour l’indépendance:
    Voir le propos d’Edmond de Rotscjild en 1970:t« Le verrou qui doit sauter à présent, c’est la nation » – Edmond de Rotschild 1970:

    …… Il y aura 39 ans dans trois mois, sous le règne du Président Georges Pompidou, dans un entretien accordé à la revue “Entreprise” (ancêtre de la revue l’”Expansion”) et publié en page 62 à 65 du n°775 de cette revue en date du 18 juillet 1970, Edmond de Rothschild, aujourd’hui décédé, quatre ans avant qu’il ne fonde la section européenne de l’aujourd’hui célèbre “Commission Trilatérale”, créée aux Etats-unis par David Rockefeller et Zbignew Brzezinsky, et quatre mois avant le décès brutal et inopiné (rupture d’anévrisme) du Général de Gaulle à Colombey, déclarait déjà (en haut de la seconde colonne de la page 64 de cet entretien :

    ” Le verrou qui doit sauter à présent, c’est la nation ! ” et par là notre conception de la République…. Un authentique visionnaire !

    Mis en ligne 7 avril 2009

    J’entends encore Bayrou hurler au cours d’une réunion politique en faveur de ” l’Europe des Régions ” ; Il était cornaqué par JF Poncet qui venait de renconterer Kissinger.
    Une poudrière de l’Occitanie, comme il existe une poudrière des Balkans ferait l’affaire de l’oligarchie financière qui veut la gouvernance du monde.
    Autant dire ” La nation c’est l’ennemie ”
    Cela ,pour ceux qui n’ont pas encore compris.

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