Le limogeage d’Eric Fournier est un scandale !

par Sébastien Meurant, sénateur du Val-d’Oise

Le limogeage de l’ambassadeur de France en Hongrie constitue un précédent inquiétant. Si je comprends bien ce qu’en a dit la presse, Eric Fournier a, en effet, été viré pour avoir fait correctement son travail. Car, que je sache, le métier d’un ambassadeur ne consiste pas à dire ce qui plaît au Pouvoir, mais à expliquer les enjeux et les motifs des actes du gouvernement auprès duquel il est accrédité. En l’occurrence, la fameuse note confidentielle, qui a été publiée par Médiapart, se contentait d’expliquer comment le gouvernement de Viktor Orban comprenait le monde et les motifs de son action politique. On peut penser ce que l’on veut d’Orban, mais le fait est que, jusqu’à nouvel ordre, il est Premier ministre hongrois – réélu triomphalement, d’ailleurs, alors que tous les « observateurs » européens prédisaient sa chute.

Eric Fournier faisait donc simplement son métier. Contrairement à ce qui a été dit, il n’était d’ailleurs nullement certain que l’ambassadeur de France à Budapest applaudissait les thèses ou les actes du gouvernement hongrois. Mais, quand bien même cela serait, je ne vois pas bien ce qu’il y aurait là de scandaleux.

Le vrai scandale, dans cette affaire, n’est donc pas l’écriture d’une note circonstanciée sur la politique hongroise, ni même le fait que l’ambassadeur de France à Budapest s’inquiète de la « magyarophobie » (ce qui a l’air de stupéfier Médiapart, mais qui, objectivement, rend la tâche du représentant français à Budapest, quel qu’il soit, compliquée) mais le fait que cette note se soit retrouvée si vite entre les mains de l’officine trotskiste. Pour l’expliquer, je ne vois pas d’autre possibilité que celle-ci : l’un des rares destinataires d’une note confidentielle s’est senti autorisé à la divulguer. Voilà une faute grave, qui aurait mérité une enquête et des sanctions, mais l’on n’a pas entendu dire que l’Élysée ait diligenté la moindre enquête.

Mais la suite de ce feuilleton est plus grave encore : qu’Eric Fournier soit limogé pour cette note ne peut qu’inciter les hauts fonctionnaires, et notamment les diplomates, à ne dire à leurs supérieurs que ce qu’ils veulent entendre, et surtout pas la vérité.

A cause de décisions sectaires et absurdes, nous n’avons déjà plus guère de visibilité dans certains pays, faute d’y entretenir de représentation diplomatique, au prétexte que les gouvernements de ces pays n’adoptent pas notre conception du monde. Mais, même là où nous avons encore des diplomates (pour combien de temps, puisque M. Orban n’a pas l’heur de plaire autant à notre bien-aimé président qu’à ses propres électeurs ?), il faudrait s’interdire de comprendre ceux qui ne sont pas intégralement alignés sur la politique bisounours d’Emmanuel Macron. Voilà qui ne risque pas d’améliorer la qualité de notre politique étrangère !

J’ai plusieurs fois eu l’occasion de dire que c’était sur les questions identitaires et culturelles, d’une part, et les sujets régaliens, d’autre part, que nos distances avec Emmanuel Macron étaient les plus étendues. Ce formatage politiquement correct et cet auto-aveuglement bien-pensant en matière de diplomatie prouvent, hélas, que j’étais encore loin du compte. La politique étrangère, qui était jadis la politique par excellence, est désormais le parent pauvre de la politique française, trop occupée à communiquer et à promouvoir les bons sentiments sur toute la planète, pour avoir le temps de regarder la réalité en face. Il est urgent que la France se réveille !

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2 Comments

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  • Ranguin , 19 juillet 2018 @ 13 h 18 min

    Vous êtes vous seulement demandé si Macron et sa clique n’avaient pas quelqu’un à placer ?

  • Melisenda , 20 juillet 2018 @ 22 h 41 min

    @ Ranguin
    Sincèrement,je ne crois pas. Macron et sa clique n’avaient pas besoin de ce prétexte, il leur suffisait de patienter un an ou deux, les ambassadeurs restant rarement en place et sont souvent redirigés vers d’autres missions, dans d’autres pays, au bout de quelques années de bons et loyaux services. M. Loyal était seulement vexé que ce qu’il croyait n’être qu’un clown ait, d’une certaine façon, désavoué sa politique immigrationniste.

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