Le 18 Juin est une date qui a marqué trois fois l’histoire de notre pays. On n’évoque pas suffisamment la bataille de Patay qui eut lieu ce jour de 1429. Il est d’ailleurs à remarquer que si les victoires sans lendemain de Napoléon sont connues et célébrées, celles de nos rois, pourtant plus décisives sont souvent passées sous silence, comme Denain, un « Waterloo » à l’envers, remportée par l’armée de Louis XIV en 1712. Patay, c’est après la libération d’Orléans, la bataille qui voit enfin détruire les redoutables archers anglais qui depuis près de cent ans décimaient la lourde cavalerie de la noblesse française. Patay efface Crécy, Poitiers et Azincourt. Les troupes de Charles VII, guidées par Jeanne d’Arc, et entraînées par les preux La Hire, Xaintrailles et Richemont taillent en pièces l’armée commandée par Falstoff dont la piteuse débâcle fera un personnage de comédie. Malgré la capture et le martyre de Jeanne, la France boutera les « godons » hors de son sol, à part Calais. La dernière bataille victorieuse, et bien méconnue, elle aussi, sera Castillon où l’artillerie prendra une place déterminante. Désormais les modernes sont les Français.
Le 18 Juin, c’est bien sûr aussi la date de Waterloo, il y a deux cents ans. Un jour à connaître et à méditer, mais certainement pas à célébrer, sauf à sombrer dans un aveuglement suicidaire. Mon ex-collègue Jacques Myard y voit une victoire en raison de la consécration du mythe napoléonien à laquelle elle contribue. C’est là un aveu flamboyant d’une véritable maladie nationale, celle qui associe la vanité de la gloire passée à la préférence marquée pour les légendes des défaites héroïques au détriment des victoires réelles. Le roman national, c’est bien. Le rêve éveillé d’une Nation qui perd le sens du réel, c’est nettement plus dangereux. Waterloo, après Trafalgar, que masque l’inutile Austerlitz, c’est l’aboutissement de l’échec de « notre » révolution. Un général, sans doute supérieurement intelligent et éminent stratège, a conduit ce qui restait de l’armée française au désastre. Après avoir ramassé dans le caniveau le plus puissant pays d’Europe exténué par l’agitation révolutionnaire, il va le ruiner et le saigner, de telle sorte que l’organisation rationnelle qu’il lui a donnée va servir aux concurrents sans l’empêcher de sombrer dans la médiocrité. Après Waterloo, la nostalgie française va hoqueter les régimes de son histoire : restauration, monarchie libérale, république, empire, puis république à nouveau. Le vainqueur britannique deviendra pour un siècle le maître du monde, d’un monde qui parlera anglais, alors que le français régnait auparavant. Waterloo, c’est le début de l’hégémonie anglo-saxonne qui continue pour l’instant avec les Etats-Unis. C’est aussi la victoire des Prussiens qui vont supplanter les Français sur le continent. On ne dira jamais assez que la politique étrangère bonapartiste, celle de l’oncle comme celle du neveu, a été la plus stupide de notre histoire puisqu’elle s’est acharnée par esprit de système à soutenir l’unité allemande quand les Bourbons avaient avec sagesse entretenu le puzzle germanique.
En 1940, c’est d’ailleurs auprès de nos alliés britanniques et contre l’envahisseur compulsif venu d’Outre-Rhin, que de Gaulle va lancer son appel à la résistance. Son message, d’un réalisme et d’une clairvoyance que les faits ont vérifiés, permettra à la France de participer à sa libération, d’être miraculeusement parmi les vainqueurs et de retrouver un semblant de grandeur que la fin désastreuse des aventures coloniales assombrira. Néanmoins, cette date doit nous enseigner à un moment où le pays s’enfonce dans le déclin et la décadence sous la houlette branlante de l’oligarchie médiatiaque et politique la plus calamiteuse qu’elle ait connue, que rien n’est jamais perdu et que le désespoir n’a pas sa place en politique.
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