La théologie de la création serait-elle le nom chrétien de l’écologie ?

Alors que sortait hier officiellement l’attendue encyclique sur l’écologie du pape François et sans avoir pu la lire, une réflexion et quelques « avis » de prudence (non sur le contenu mais sur l’emballement médiatique qu’elle pourrait susciter y compris parmi les fidèles) me sont venus à l’esprit.

La théologie de la création serait-elle le nom chrétien de l’écologie ?

Fait-on plus appropriée comme perspective introductive pour qui cherche à se situer entre ciel et terre ? Mais, la question mérite-t-elle d’être posée ou est-elle simplement saugrenue, voire provocatrice ? C’est en tout cas celle que je me suis posée en premier lieu pour savoir si les chrétiens avait quelque chose de spécifique à dire, donc aussi à connaître et à vivre, ou bien si les chrétiens pouvaient se contenter de la pensée courante sur la question.

Les discours anciens ne font pas état d’écologie (ni du terme, ni de la notion qu’elle pourrait recouvrir) : la création est alliée, hostile, bonne, instrument divin, faite pour l’homme, terrifiante, apaisante… Elle est un quotidien, un partenaire avec lequel la relation prend les mêmes aspects que pour n’importe quelle relation humaine. Il faut faire avec elle. Le rapport est essentiellement spirituel ou pragmatique. C’est une formidable ressource de paraboles et un champ sémantique pour les homélies. Et, pourrions-nous dire, les choses en restent là. Mais en restant là, peut-être disent elles beaucoup plus que tous nos discours actuels.

L’histoire est faite de mouvements de balancier. C’est malheureux, mais c’est ainsi. La tempérance et l’équilibre ne sont pas les vertus premières de l’humanité. Ainsi, passons-nous d’un extrême à l’autre, tout en sachant pertinemment que la vérité se trouve dans l’équilibre. Mais les excès du balancier nous font à chaque fois mieux comprendre et repérer où et comment l’équilibre peut se stabiliser.

L’écologie n’échappe pas à cette loi de l’histoire. C’est pourquoi, il nous faut nous garder de jugements hâtifs à l’emporte- pièce. Des décisions, des actes, ont souvent été pris en réaction à… Même si l’idéologie est parfois présente, il me semble que la réaction épidermique face à une situation concrète est souvent à l’origine de positions ou de renversements de situations.
C’est pourquoi, il convient de lire l’histoire de l’écologie à la lumière des contextes qui l’ont vu émerger. Je ne ferai pas un cours d’histoire, mais je voudrais juste attirer votre attention sur la récupération anachronique très tentante. Le rapport des Pères de l’Église à la Création n’a rien d’écologique. Il est surnaturel. Le regard de saint François d’Assise sur les créatures n’est pas plus écologique, ni même ‘naturophile’, il est spirituel.

Aussi, pouvons-nous et même devons-nous, tirer le meilleur parti de leurs enseignements, mais il paraît difficile d’en faire un modèle écologique actuel.

De la même manière, c’est faire un procès d’intention au passé que de plaquer notre conception moderne de « soumettre la nature » sur la conception médiévale. Tout simplement parce que l’hostilité de la nature n’était pas la même, que les moyens de la domestiquer n’étaient pas aussi puissants et que l’homme soumettait la nature par sa seule force et ingéniosité naturelle. Aujourd’hui la science en vient à modifier notablement la nature et le cours des choses. Ainsi, les termes ne recouvrent-ils pas les mêmes définitions et il faut donc être très prudent.

En fait, nous le savons, la notion actuelle d’écologie est extrêmement récente. Par commodité, nous catholiques, nous l’employons, mais il m’est avis que nous commettons une erreur. Je me demande, et je vous livre la question, si en voulant nous rapprocher de nos contemporains, parler leur langage, nous ne les éloignons pas (et nous avec) de Dieu. Concrètement, nous sommes, me semble-t-il, face à deux erreurs de la part des catholiques et des chrétiens en général. Une erreur de vocabulaire et une erreur de priorité.

Nous cherchons, en écologie comme ailleurs, à rejoindre le monde en employant les mots du monde. Or dans cette démarche, il y a deux écueils importants. L’appauvrissement des mots et l’amalgame. Lorsque nous disons « écologie », nous cherchons à le penser avec tout notre héritage chrétien. Mais le monde, lui, l’entend à la façon du monde. Ce qui conduit à un dialogue de sourds et à l’impossibilité de nous rejoindre. Au contraire, pour forcer la rencontre, nous nous retrouvons sur le plus petit dénominateur commun et de là nous reconstruisons, sur l’amalgame, un chemin qui n’est pas celui de la foi. Personnellement, j’admire beaucoup le chemin de Benoît XVI sur ce point. Il préfère employer les mots justes et redonner les bonnes définitions. M’est avis que nous devrions nous en inspirer. L’écologie n’est pas l’écologie chrétienne. Et il est très important de le dire et même de le brandir. J’y reviendrai. Certes et c’est heureux, nous avons des points de rencontre et c’est de ces points qu’il nous faut partir pour dialoguer.

Seconde erreur, l’erreur de priorité. Un pan entier de la théologie a été délaissé par les théologiens depuis des décennies, au profit de recherches annexes ou d’autres disciplines théologiques, à savoir la théologie de la Création. Nous avons pris un gros retard dans ce domaine. Or, ce que nous appelons aujourd’hui écologie chrétienne, l’Église le comprend depuis deux-mille ans comme théologie de la Création.

Et c’est bien, nous l’avons vu, dans cette dynamique là que nous avons à nous situer. L’écologie chrétienne, c’est la théologie de la Création. Mais jusqu’ici nombre de points n’étaient pas une préoccupation, parce que le rapport de l’homme à la Création était simple. C’est précisément cette complexité actuelle qui demande, un nouvel apport de la théologie de la Création. Mais déjà, rien que dans l’intitulé, nous voyons toute la profondeur qui s’y trouve par rapport au terme écologie. Parce que théologie de la Création renvoie à Dieu, au rapport de la Création à Dieu et au contrat tripartite passé entre Dieu, l’homme et la Création.

Nous sommes d’emblée bien au-delà de la simple préservation de la nature. Nous avons trop laissé derrière nous la théologie de la Création, reléguée aux premiers chapitres de la Genèse, c’est-à-dire à l’acte créateur, plus qu’à la Création elle-même.

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7 Comments

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  • nauticat , 19 juin 2015 @ 10 h 19 min

    bonjour ,il ressort de tout ceci que la création élaborée par Dieu serait susceptible d’être révisée lorsqu’elle arrive en bout d’utilisation ,eu égard au nombre pléthorique de ses utilisateurs ,que ce Dieu aurait imprudemment laisser proliférer ,tout en sachant ( car il est réputé omniscient ) que les utilisateurs primaires et leurs descendants allaient “saloper” sa belle planète .

  • Père Jean-Luc SOUVETON , 19 juin 2015 @ 21 h 00 min

    Les chrétiens on-ils quelque chose de spécifique à dire (sur les questions d’écologie) , donc aussi à connaître et à vivre, ou bien doivent-ils se contenter de la pensée courante… Trouver une parole ajustée est un des buts de l’évènement de l’été organisé en lien avec la Conférence des Evêques de France.

    Avec l’encyclique du pape François et l’organisation, par la France, de la Conférence internationale sur les changements climatiques (Cop 21), l’année 2015 est celle de l’écologie. Face aux menaces d’ampleur qui pèsent sur la planète, les chrétiens ont des propositions. Et la société française s’ouvre à une approche spirituelle de la crise écologique. Pour répondre à ce besoin d’échange, l’hebdomadaire La Vie coorganise, avec le diocèse de Saint-Étienne, la 2e édition des Assises chrétiennes de l’écologie : 3 jours de rencontres et de forums avec les meilleurs experts et penseurs de l’écologie les 28, 29 et 30 août 2015. Plus de 2 000 participants sont attendus.

    Parmi les temps forts proposés, on trouvera notamment des conférences plénières et des tables-rondes avec des intervenants de renom tels que Jean-Marie Pelt, directeur de l’Institut européen d’écologie, Patrick Viveret, philosophe, Corinne Lepage, ancienne ministre, présidente de LRC Cap 21, Gaël Giraud, économiste, Marie-Monique Robin, journaliste, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, Dominique Lebrun, évêque de Saint-Étienne, Marc Stenger, évêque de Troyes, Bruno Feillet, évêque auxiliaire de Reims, Christian Krieger, vice-président de la Fédération protestante de France, Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman, Yeshaya Dalsace, rabbin à Paris, Joshin Bachoux Sensei, nonne bouddhiste. De nombreuses organisations de la société civile seront également présentes.

    Près de 80 forums, ouverts aux familles et aux jeunes, sont au programme, parmi lesquels : « La terre nourricière, un trésor à préserver », « Devenir une famille à énergie positive », « Jeûner pour le climat », « Comment mettre notre argent au service d’une transition vers des sociétés soutenables ? », « Animer un éco-hameau chrétien », « Soigner l’esprit, guérir la terre ». Au-delà des temps de réflexion, le programme propose aussi des ateliers portés sur l’expérience sensible du monde (randonnée, travail de la terre) et des temps de recueillement (célébration eucharistique, prière, méditation).

    http://www.rencontres-ecologie-2015.assises-chretiennes.fr

  • Clovis , 21 juin 2015 @ 15 h 59 min

    J’ai commencé à lire cette encyclique et me suis arrêté net après avoir lu les numéros 20 à 26 sur le changement climatique. C’est une succession de banalités et de lieux communs alignés sur la pensée unique du GIEC. quelle déception! Dès que j’aurai repris mes esprits je poursuivrai la lecture de ce ( trop) long message de 200 pages.

    J’espérais que sa formation initiale de chimiste lui aurait donné un minimum d’esprit scientifique, mais ce n’est hélas qu’une teinture. Mais quelle mouche l’a piqué? Pour dire qu’il faut respecter la Création de Dieu, inutile d’épouser les théories truquées du GIEC. S’il voulait quand même parler du climat, il aurait été mieux inspiré de s’enquérir auprès de véritables scientifiques tels que, pour la France: le prof. Allègre, le professeur Gervais ( l’innocence du carbone), Christian Gérondeau, S. de Larminat, le professeur Paul Deheuvels, let bien d’autres….ou le site internet http://www.pensee-unique.fr/ qui synthétise les arguments scientifiques opposés aux truquages du GIEC. Non, il est tombé à pieds joints dans le panneau et blablate sur le climat comme le font les politiques de tous bords! Je n’en reviens pas!

    Tout ce qu’il veut dire est inspiré ( j’espère!) par la Bible Ancien et Nouveau Testament et la Tradition, pas besoin du GIEC ni d’adopter les idées à la mode presque toutes controversées par les scientifiques. Son rôle n’est pas de nous convaincre qu’il y a un réchauffement climatique et patati et patata, mais de nous inciter à respecter la Création de Dieu. Moi, je ne crois pas au réchauffement climatique d’origine humaine mais à des changements climatiques cycliques dont la cause échappe au pouvoir de l’homme, sur la base des informations que j’ai étudiées à diverses sources. Mais je suis à 100% pour le respect de la création de Dieu etc…Cette encyclique ne m’apporte aucune information de nature à contredire ce point de vue. Je vais lire la suite en espérant qu’elle contiendra moins de banalités et plus d’exhortations inspirées par l’amour de la Création de Dieu.
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  • Clovis , 21 juin 2015 @ 16 h 47 min

    En complément de mon précédent commentaire, voici une info trouvée sur le site pensée unique: bien entendu il faut lire toutes les explications et courbes à l’appui de ce que dit Christy, universitaire au nom peut-être prophétique???? C’est sorti en même temps que l’encyclique!

    : 18 Juin 2015 : Le climatologue John Christy témoigne devant le Comité sur les Ressources Naturelles de la Chambre des Représentants US au sujet des prises de position de la Maison Blanche.

    En bref, le message de Christy est simple : » Voici ce que nous disent les observations factuelles. Elles contredisent les modèles numériques utilisés par les climatologues et le GIEC ainsi que les affirmations du Conseil de la Maison Blanche sur la Qualité Environnementale. »

  • emilia , 22 juin 2015 @ 12 h 21 min

    A quoi bon amuser les fidèles avec des réflexions sur l’environnement…
    On ferait mieux de les évangéliser. Ce n’est pas en organisant des forums de ceci ou cela que les choses vont changer.
    Ne mélangeons pas le spirituel et le politiquement correct.
    Chacun à sa place et à sa mission. Ce n’est pas à l’Eglise de partir en mission dans ce domaine. Les hommes de d’Eglises ne savent plus quoi faire pour plaire aux politiques et s’aventurent dans des théologies nouvelles.
    Il y eut en son temps la Théologie de la Libération… on a vu la suite, maintenant on va avoir la Théologie de l’Ecologie ?
    Tout baptisé sait, ou devrait le savoir par son catéchisme, qu’il doit respecter la Création.
    Si les hommes d’églises enseignent le VRAI DIEU, tout sera ordonné dans le bon sens.

  • Clovis , 23 juin 2015 @ 23 h 20 min

    Très bien répondu, Emilia. Je pense comme vous.

  • Marc , 26 juin 2015 @ 18 h 47 min

    Certaines personnes ont une telle haine vis à vis de la gauche et du « politiquement corrects » qu’ils prennent systématiquement des positions inverses…
    L’Église est également un pilier morale et sa parole est très influente, encore aujourd’hui ! Alors je dis BRAVO au Pape François qui appelle au respect de la Création !

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