Fournée est donc le dernier mot tabou dans le beau panorama intellectuel de la douce France. Littré, Larousse, et autres doivent s’en retourner dans leurs tombes. « Bon sang mais c’est bien sûr » aurait dit le commissaire Bourrel. Comment n’y ont-ils pas pensé plus tôt ? Et nous ? Nous y pensons.
Qui penche pour une gaffe monstrueuse, qui pour le psychanalytique meurtre du père, qui pour un coup de billard à huit bandes, qui pour… qui pour… on ne sait…
Mais fallait-casser trois pattes à un canard dans cette affaire ? Et quel est le canard boiteux ? That is the question.
En effet, pratiquement tous les mots de la langue française peuvent déclencher l’ire du Patrick de passage. Quant au phrases entières, c’est pire.
Preuve à l’apui : la photo illustrant cet article. Il s’agit d’un gobelet à café provenant d’une respectable chaîne de restauration rapide canadienne. Que lit-on ? Horreur de l’horreur, abomination de la désolation : Le Jour des camps ! Oui, vous avez bien lu : Le Jour des camps ! Ce qui nous ramène bien entendu, dans l’inconscient collectif savamment entretenu, aux tristes camps des jours les plus sombres de notre histoire.
Mais comme si cela ne suffisait pas, détaillons ce gobelet : les mots se détachent sur un fond vert dont la nuance grise évoque discrètement la tenue feldgrau des « verts-de-gris » de la dite époque la plus sombre.
Un pas de plus dans l’horreur : dans la partie inférieure gauche, sur fond orange, deux piques croisées perpendiculairement n’attendent que quatre brindilles supplémentaires bien placées pour dessiner une croix gammée de la pire espèce. Certes, elle n’existe pas, mais, qui sait… ?
Dans le coin inférieur droit, un foyer allumé fournit la preuve indispensable de l’indicible machination : les branches brûlant sont au nombre de cinq, qui, en symbolique numérologique, représente la vie. Il s’agit donc d’un message caché représentant le feu dévorant la vie dans cette triste journée des camps à l’ombre de « verts-de-gris » préparant leur symbole honni.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, n’oubliez pas la date de ce Jour des camps : le 4 juin. Un rapide coup d’oeil sur un site encyclopédique vous apprendra à retenir (entre des dizaines d’anniversaires) celui de la nomination de Léon Blum comme président du Conseil en 1936, ou de la naissance en 1986 d’Arthur Dreyfus, journaliste et écrivain français dont le nom pourrait évoquer la célèbre et dramatique affaire.
En réalité, cette valorisation du Jour des camps nous invite à donner notre obole et en retournant ce gobelet nous lisons : « Cette année, grâce aux dons amassés lors du Jour des camps, plus de 17 000 enfants provenant de foyers économiquement défavorisés profiteront d’une expérience enrichissante dans l’un des six camps de la FTEH en Amérique du Nord. »
Il est bien entendu que les délires présentés dans les lignes précédentes sont particulièrement peu ragoûtants et n’auraient jamais dû être écrits, sauf dans un mauvais roman de nazi-fiction. Toutefois, un esprit emporté pourrait encore inventer d’autres fumisteries. Ce fameux gobelet ne vous rappelle-t-il rien ? Personne ? Cherchez bien ! Vous donnez votre langue au chat ? Gobelet… Goebbels ! Bon sang, mais c’est bien sûr (encore le commissaire Bourrel).
Alors, Patriiiiiiick nous dira : « Tout dépend de qui prononce le mot ou la phrase. »
Accordons-lui d’avance ce bon point. Tout dépend de la personne, du contexte, des intonations, et même des signes associés que la neuro-linguistique nous apprend à reconnaître. Patriiiiiiick a raison. Nous n’avons plus qu’à prendre pour argent comptant cette remarque incisive, à faire amende honorable, et à revenir à ce jeu spéculatif du début : quelles étaient les intentions exactes du locuteur ? Ou pire, s’agissait-il d’une émergence de son inconscient coupable ? Car la psychologie nous dévoile le sens réel des erreurs de langage.
Sauf que… Sauf que… La même constatation s’applique alors à tous les intervenants de cet imbroglio médiatico-politique… et tout autant à Monsieur Bruel.
Puisque toutes les interprétations, tous les choix sont possibles, la question des intentions claires et de l’inconscient obscur de Monsieur Bruel se pose avec autant d’acuité qu’il en a mis à interpréter la phrase initiale.
Alors, qui nous dira quelles furent ses intentions en orientant a priori cette fameuse fournée dans un sens tristement évocateur des malheurs du peuple juif ?
Patriiiiiiick avait-il besoin d’un regain de publicité ? Pourquoi pas ?
Devait-il, pour une raison que nous ignorons, être plus royaliste que le roi ? Faire acte public de judéité ? Alors que tant de personnes, atteintes dans leur chair ou celle de leur famille méritent le double respect de victimes et de dignité.
Ce faisant, n’a-t-il pas ravivé des plaies chez des personnes qui pourraient le lui reprocher fortement ?
En joueur de poker intelligent, reconnu, habile à maîtriser ses comportements et à percer l’adversaire, a-t-il réellement décelé une perfidie ? S’est-il auto-intoxiqué à son propre jeu de supputations ? A-t-il voulu pousser plus loin le poker menteur ?
Plus profondément, regrette-t-il d’avoir choisi ce pseudonyme de BRUEL dont vous chercherez l’anagramme ? Ah, que l’inconscient est une étrange machine qui peut se retourner contre celui qui croit la diriger ?
Au fond, Monsieur B. – comment le nommer maintenant ? – joue peut-être la version modernisée des Pharisiens d’antan ? Eux affichaient à grands gestes leurs témoignages sabbatiques dans la synagogue. Lui dénonce le diable à grands cris devant les médias.
Chacun fait ce qu’il peut pour exister. Il eût été plus sain pour l’état de la France que cette chronique n’eût jamais eu lieu d’être. Mais Patriiiiiiick l’a voulu, et aucun ténor n’en sort grandi.
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