Et pendant que l’inestimable président français se pavane à la télé pour n’y rien dire de nouveau entre deux reflux gastriques, pendant que le pays réel s’enfonce, la vie politique continue, pépère et détachée, son chemin sur ce petit chemin qui sent la noisette et la servitude à plein nez. Ainsi, l’UDI, le parti du centre vague et vaporeux créé il y a huit mois sur une vague monstrueuse qui l’a porté dans toutes les têtes de France et de Navarre, tenait ainsi sa première grande réunion de famille. Émoi, palpitance et socialisme pastel.
Soyons bien clair : l’événement n’a, en lui-même, déclenché aucune espèce de ferveur de la part des foules, des journalistes ou même des politiciens présents sur place. L’UDI qui se rassemble, c’est l’équivalent, en charge émotionnelle, de la rencontre inopinée d’un escargot avec une coccinelle dans un carré de luzerne.
Mais bon, après tout, comme ce parti se veut fédérateur, novateur, et offrir une vraie alternative aux mastodontes de droite et de gauche, et qu’il se paie même le luxe d’une petite opposition frontale avec le Modem, cet autre parti de l’extrême-centre socialiste dont le président, Bayrou, est jugé « tout seul » par un Hervé Morin goguenard, peut-être trouverons-nous quelques éléments intéressants dans les discours qui se sont tenus au CNIT de la Défense, à Paris, à l’occasion de cet événement ?
Si l’on s’en tient aux très peu nombreux articles de la presse, il sera difficile de savoir exactement ce qui s’est dit à ce Conseil National. En substance, les deux ou trois pigistes dépêchés sur place entre deux reportages locaux rapportent quelques petites phrases et quelques éléments de programme politique. Ils semblent retenir la petite saillie de Borloo qui estime que cette formation serait la troisième force politique du pays, avec un optimisme qu’on peut difficilement qualifier autrement que médicamenteux : déjà, qu’un tel parti soit une force dans ce pays représente en lui-même un véritable prodige, tant apparaît grande la faiblesse d’avoir des partis tous obstinément socialistes. Mais que l’ancien ministre de Sarkozy prétende occuper la troisième place, cela confine, effectivement, à l’hallucination dont une cause stupéfiante ne pourrait être écartée.
Et lorsque je dis que tous les partis français actuellement visibles dans les médias sont obstinément socialistes, c’est un simple constat. Certes, la dose d’allégeance à un interventionnisme étatique est plus ou moins forte et pas toujours dans les mêmes domaines selon les partis. Mais le constat est bien là : si on trouve quelques propositions vaguement centristes comme la remise à plat d’un paritarisme qui ne veut plus rien dire, plus de soixante années après le Conseil national de la Résistance, si, certes, on trouve bien l’idée générale qui consiste à baisser les charges sociales et à revoir un peu le nombre d’heures travaillées (en repassant à 39h par exemple), tout ceci n’est pas un gage de libéralisme, comme le claironne des pigistes de l’AFP en manque de repère politique évident. Loin s’en faut.
Et je ne parle même pas ici de la taille du râteau que l’Union des Démocrates et des Indépendants compte mettre en place dans les prochaines élections pour attirer le candidat et l’électeur français moyen : Borloo a récemment expliqué vouloir lancer une liste baptisée « Les Européens » (ça roxxe, comme nom, ça !) réunissant tous ceux qui, au centre, au milieu, à droite, à gauche, et chez les écologistes (de droite et de gauche), souhaitent un renouveau de l’Europe. Il ratisse large, le râteau politique, donc. Et on le sent puissant, le râteau électoral qui viendra ensuite…
Car lorsqu’on découvre le programme, économique notamment, intitulé gentiment « Les 10 décisions d’urgence pour combattre la crise », on sent déjà l’odeur du sang. On imagine déjà le vol plané incontrôlé dans un ciel azuréen, et l’éclatement ratiches en premier sur le bitume inélastique de la réalité…
Lisez vous-même, c’est un festival !
L’UDI veut ainsi relancer la croissance et l’emploi ; pour cela, il envisage de créer un organisme de centralisation des achats pour acheter plus de « made in France » et de « made in Europe », un autre chargé de la rénovation thermique de bâtiments, plein de relance de grands travaux, de relancer la construction de bâtiments, de s’occuper du code de l’immobilier (pour y ajouter quelques clauses amusantes). Tout ceci n’est ni étatiste, ni keynésien, non non. Et ça ne se rapproche pas de ce que fait actuellementDuflot avec le résultat qu’on connaît. Du reste, le logement prend cher puisque l’UDI veut remettre le couvert des prêts à taux zéro, baisser la TVA … pour 2 ans seulement, et créer un établissement (un autre, en plus des organismes divers déjà cités) pour gérer le foncier national et les veaux sous la vache.
On ne sait pas si le bâtiment sera relancé, mais en tout cas, avec la création de ces organismes multiples, auxquels il faut ajouter la création d’une Agence Nationale de Formation Professionnelle, on sait déjà que la surface de bureaux occupée par des administrations ne va pas diminuer avec ce parti (qui est, je le rappelle, officiellement au centre, et normalement pas socialiste dans l’âme, voire plutôt libéral pour les pisse-copies dont la boussole interne marque toujours l’Est).
Ce n’est pas fini.
L’UDI s’improvise Papa Noël et propose de recruter des dizaines de milliers d’emplois (jeunes) dans la fonction publique (pour changer de la même idée soutenue par le Parti Socialiste – le mot « socialiste » dans ce nom de parti n’est pas un hasard : ils sont effectivement socialistes). Pour faire bonne mesure, l’UDI propose aussi que la BCE puisse prêter directement aux États, ce qui sera accepté par une Allemagne trop contente de renouer avec Weimar. Tout comme sera acceptée par Londres, le Luxembourg ou l’Autriche cette taxe européenne sur les transactions qui fleure bon ATTAC et les sites à gauche de la gauche. Rien de tel qu’instaurer un truc qui a foiré en Suède pour redonner ce côté anarcho-capitaliste à ce parti du centre extrême qui cogne du chaton capitaliste comme pas deux.
Mais l’UDI, ce n’est pas qu’une cataracte d’emplois publics. Ce n’est pas que le parti de la bulle immobilière joyeuse.
L’UDI, c’est aussi ce parti qui prend l’engagement (la promesse électorale, dont on connaît tous la valeur une fois au pouvoir) de geler les prélèvements obligatoires jusqu’en 2017. Ou 2027. Ou 2177. No limit. Ça ne coûte rien, autant y aller de bon cœur. Et surtout, l’UDI, c’est le parti qui a une paire de couilles en béton précontraint recouvert de titane puisqu’il propose, dans un élan qu’héroïque euphémise vraiment trop, de diminuer les effectifs de la fonction publique de 0.2% par an pendant 10 ans.
Putain ! Ça pique les yeux de voir autant de violence dans une aussi petite phrase : 0.2% par an, pendant 10 ans, de réduction d’effectifs. C’est, proprement, de la bombe atomique de psychopathe milliardaire dans sa base lunaire avec des missiles et des lasers. Au minimum. Parce que si on réfléchit bien, 0.2% de réduction d’effectifs sur 10 ans, ça nous fait (à la grosse louche, je vous l’accorde) un 2% de réduction. Je n’ai pas tous les chiffres (l’émotion, la douleur, le choc, que voulez-vous), mais je pense que les simples départs en retraite doivent être largement supérieurs à ça.
Le pays croule sous les fonctionnaires divers et variés, sous les échelons administratifs multiples, sous les organismes, les agences nationales, les commissions et les hautes autorités. Le pays déborde de relances courageuse avec l’argent des autres. Et que propose l’UDI ?
Tout, deux fois, avec beaucoup de sauce !
Pas de doute, lorsqu’on fait le bilan de toutes ces propositions, et notamment de cette dernière, on comprend tout : ce parti n’est décidément pas au centre. Il est à l’ouest. Complètement à l’ouest.
> h16 anime le blog hashtable. Il est l’auteur de Égalité taxes bisous.
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