À mon sens, ce n’est absolument pas le fruit du hasard si le mariage homosexuel est l’une de ces nombreuses déviances nées en pays anciennement christianisés. Si des États conservateurs et religieux tels que la Pologne ou la Russie refusent – à raison – le mariage homosexuel, on ne peut que constater qu’il est apparu ni dans l’Inde hindoue, ni dans la Chine tao, ni dans le Japon shinto mais dans l’aire chrétienne et notamment dans ses pays anciennement les plus puritains tels que le Royaume-Uni, les États-Unis, la France ou l’Argentine, où, pour ce dernier, la pratique religieuse catholique est encore très vivace. Cela est dû à deux problèmes distincts qui prennent source au sein même de la religion chrétienne : le mariage d’amour et les persécutions des autorités religieuses et politiques contre les homosexuels depuis la naissance du christianisme, au mépris du message christique de tolérance. Explication et exemples.
I) Du mariage de procréation païen au mariage d’amour chrétien
À la différence de ce que l’on croit souvent, ce sont l’hindouisme et les paganismes gréco-romains qui ont instauré le mariage monogamique, et non le christianisme. En effet, Jésus se dit dans les Évangiles le « Fils du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » qui étaient tous polygames. Il vient de la lignée royale des rois David et Salomon comme le précisent les généalogies établies par les évangélistes Matthieu et Luc, et dans le Livre des Rois, nous apprenons que le roi David avait une vingtaine d’épouses légitimes et une soixantaine de concubines. Le roi Salomon, bâtisseur du Temple, aura quant à lui, selon le même livre des Rois, environ 2 000 épouses et 3 000 concubines ! Comme l’expliquait Éric Zemmour dans son excellent Premier Sexe, le mariage juif était simplement un contrat entre un époux et plusieurs femmes qu’il avait la possibilité de répudier à tout moment.
C’est le Saint apôtre Paul, l’un des piliers de la fondation de la nouvelle religion chrétienne, qui, en tant que citoyen romain, obligera les premiers adeptes du Christ à prendre une seule épouse. Cette réforme comme beaucoup d’autres avait pour but de ne pas offusquer les « gentils », c’est-à-dire les païens, afin qu’il soient plus facilement séduits par la nouvelle religion chrétienne dont le prosélytisme vis-à-vis du monde romain rentrait en concurrence directe avec celui de beaucoup d’autres courants juifs de l’époque. Au fil de ses épîtres, nous découvrons quelquefois son irritation envers les membres du clergé de l’Église primitive, qui prenaient deux à trois épouses. Ainsi, le christianisme va se greffer sur la conception monogamique romaine du mariage. Cet exemple-là, à l’instar de beaucoup d’autres, montre à quel point on peut vraiment parler de “religion catholique romaine”.
Mais à la grande différence du mariage gréco-romain ou hindou, le mariage chrétien affirmait que le plus important dans la formation de l’union entre les époux était le consentement réciproque. La vision païenne du mariage était totalement différente. En effet, si le sentiment amoureux et le choix des époux étaient importants et pris en compte dans les tractations familiales, le premier objet du mariage était la continuation de la lignée par la procréation et la transmission du patrimoine, à tel point qu’on pouvait divorcer pour infertilité du conjoint et qu’un père sans enfant pouvait très facilement en adopter un.
De plus, le mariage n’avait pas le monopole des sentiments amoureux et de la sensualité. Le philosophe Démosthène s’exclamait : « voilà ce qu’être marié veut dire : avoir des fils que l’on peut présenter à sa famille et aux voisins, et à avoir des filles à soi que l’on puisse donner à des maris. Car nous avons des courtisanes pour le plaisir, des concubines pour satisfaire nos besoins physiques quotidiens, et des épouses pour porter nos enfants légitimes et pour être les fidèles gardiennes de nos foyers ». (Contre Nééra, 122). En effet, l’homme étant par essence polygame et, la sexualité considérée comme l’un des plus grands plaisirs de l’existence, les rapports extra-conjugaux étaient totalement tolérés, et parmi eux l’homosexualité : un pater familias pouvait avoir aussi des amants.
Le mariage monogamique produit par le christianisme est différent non seulement car celui-ci condamnera le plaisir extra-conjugal (et même intra-conjugal dans le christianisme primitif au sein du couple, cf. les Pères de l’Églises et plus particulièrement Saint Jérôme ou Tertullien) mais aussi, et surtout, car le premier objet du mariage chrétien est le consentement et l’amour portés au pinacle par le IVe Concile de Latran en 1215.
Ainsi, puisqu’il émane d’une forte approbation entre les deux sexes opposés, le mariage est considéré comme indissoluble et, partant, le divorce est prohibé, même en cas de stérilité d’un des deux partenaires ; au risque d’éteindre la lignée, si importante dans les paganismes, qui croient, non pas en la réincarnation comme on le pense trop souvent, mais en la transmigration : c’est-à-dire à la continuité d’un être humain communautaire qui se déplace au fil des descendants (1).
La focalisation sur le consentement va d’ailleurs aboutir à quelques situations cocasses récurrentes dans l’histoire matrimoniale chrétienne. L’âge légal du mariage chrétien, qui était calqué sur le mariage romain d’origine, était de 14 ans pour les garçons et 12 ans pour les filles. Il apportera lui-même une dérogation de 12 ans pour les garçons et de… 8 ans pour les filles. Ainsi, nous disposons d’anecdotes où de jeunes enfants se marièrent discrètement, « en cachette » de leurs parents qui, lorsqu’ils le découvraient, déposaient auprès de l’autorité ecclésiale compétente un recours en annulation, recours fréquemment rejeté sous prétexte que le consentement validant l’union à vie avait eu lieu !
Voici ce qu’écrit le philosophe Alain de Benoist dans son livre intitulé Jésus et ses frères : « ce mariage chrétien eut le plus grand mal à s’imposer, parce qu’il contredisait en plusieurs points essentiels ce qu’était le modèle païen de la vie conjugale et familiale. Alors que le droit romain, le droit celtique et le droit germanique admettaient dans certains cas la séparation, la répudiation ou le divorce, notamment en cas d’infécondité de l’épouse, le mariage chrétien se veut d’abord indissoluble : la logique du couple prévaut sur celle de la lignée. Ce trait est encore accentué par l’importance que l’Église accorde à la liberté du consentement personnel des conjoints. Dans le contexte de l’époque, cette attitude revenait, en instituant une nouvelle forme d’autonomie du sujet à faire passer au second plan les intérêts des familles et des clans, c’est-à-dire la transmission de l’héritage. En institutionnalisant une conjugalité autonome au détriment des formes d’appartenance et de solidarités plus larges (communauté, lignage, famille étendue), le mariage chrétien entame un long procès d’individualisation, qui trouvera son aboutissement dans le mariage d’amour moderne (aujourd’hui principale cause de divorce) ».
Or c’est ce glissement du mariage de raison, qui a pour objet la perpétuation de la lignée dans le temps, au mariage d’amour qui va logiquement aboutir à la revendication des homosexuels pour le mariage. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’eux aussi éprouvent des sentiments et de l’affection et, par conséquent, croient pouvoir prétendre tout autant au mariage que les hétérosexuels !
Mais ce n’est pas l’unique raison ; dans une civilisation qui a toujours prôné l’égalité, d’origine chrétienne, entre les individus, certains homosexuels désirent ardemment avoir les mêmes droits que les hétérosexuels notamment par ressentiment envers ces derniers qui, lorsqu’ils étaient majoritairement chrétiens, les affligeaient, les persécutaient voire les tuaient via les institutions publiques au nom d’une religion puritaine qui, en contradiction avec le message originaire de tolérance du Christ, les considérait « comme dignes de mort » (Saint Paul).
II) L’hostilité de la religion chrétienne à l’encontre des homosexuels
Dans le livre vétérotestamentaire du Lévitique, l’homosexualité est définie comme quelque chose d’abominable et toute personne commettant des actes homosexuels doit être condamnée à mort par lapidation (Lévitique 20,13). Cette norme très sévère a deux raisons. La première est due à l’essence d’une religion issue des brûlures du désert proche-oriental incitant à l’ascèse et au renoncement des plaisirs. Mais plus encore, à l’instar des autres religions abrahamiques (le christianisme et l’islam), elle confesse une Vérité Unique qui prend l’aspect particulier de Peuple Élu à qui il est demandé de se reproduire le plus possible. La Genèse, livre commun aux trois religions révélées, invite les fidèles à être féconds, à se multiplier et croître le plus possible, afin de remplir la Terre et la soumettre (Genèse 1, 28). Si le harem et les maitresses (cf. le Lévitique et le Livre des Rois) sont tolérés pour la caste aristocratique, le mariage polygame est un droit à tous les hommes afin qu’ils maximisent leur chance de procréation et de peuplement sans pour autant se laisser aller au plaisir : certains rabbins condamneront les positions dites de jouissance au profit des positions dites reproductrices…
Le Jésus des Évangiles semble prendre le contrepied total du puritanisme juif. En effet, il se révolte contre les pharisiens, caste pudibonde hébraïque, en refusant de lapider la femme adultère, en pardonnant aux prostituées et leur promettant qu’elle dépasseront ces derniers dans le Royaume des Cieux, en guérissant la fille du centurion de l’empire colonisateur romain et pire encore en allant déjeuner chez le publicain Zachée qui a renié sa foi et sa culture juives pour collaborer avec le parti de l’étranger en collectant l’impôt du peuple juif au profit des romains, etc.
Concernant la vision de Jésus sur l’homosexualité, l’indianiste Alain Daniélou a une remarque intéressante : selon lui, on a faussé le sens des paroles de l’Évangile (Matthieu, 19.10-12) en employant le mot eunuque au lieu d’homosexuel lorsque Jésus dit : « Il y a des eunuques nés, d’autres qui sont devenus tels, d’autres qui ont choisi cette voie par aspiration monastique et qui ne se sont pas destinés au mariage ». En effet, au départ le mot eunuque signifiant littéralement « celui qui a la charge de protéger la vertu des femmes alors que les guerriers sont occupés ailleurs » désigne en réalité un être homosexuel, le sens d’éviration qu’on lui prêta par la suite n’étant qu’une déviance du mot initial.
Il est fortement probable que le message christique de miséricorde envers les faibles incluait aussi les homosexuels, d’autant plus que la vie de Jésus fut fortement influencée par celle des dieux indo-européens avec qui elle partage le schème archétypal du Sauveur en tant que deuxième fils trinitaire de Dieu descendant sur Terre, s’incarnant dans une vierge accouchant dans une crèche au solstice d’hiver (25 décembre) autour d’un âne (l’impur) et d’un bœuf (le pur), révéré par trois rois mages guidés par l’étoile polaire, prêchant dès l’âge de 12 ans, s’entourant adulte de 12 apôtres symbolisant les constellations du zodiaque, prêchant la tolérance et l’amour (notamment des plaisirs), ayant vécu 33 années, mort (parfois sur une croix symbolisant le centre raccordé aux 4 points cardinaux qu’on trouvera des milliers d’années avant le christianisme chez les hindous mais aussi à l’autre bout de l’arc indo-européen chez les celtes) puis ressuscité 3 jours plus tard. Tous ces dieux (Horus, Mithra, Vishnu, Dionysos, Orphée, Sérapis, etc.) étaient des dieux tolérants représentant la sacralité du monde, des plaisirs et de la nature, dont l’homosexualité fait partie car elle est d’origine biologique.
Mais Saint Paul va renouer avec la tradition hébraïque diabolisant l’homosexualité. Dans son Épître aux Romains (1, 26-28), il explique que Dieu livre notamment à l’homosexualité (qui est, selon lui, un comportement dégénéré alors qu’en réalité, elle est le plus souvent d’essence naturelle) ceux qui se sont détournés de lui : « c’est pour cette raison que Dieu les a livrés à des passions infâmes : leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature ; de même, les hommes ont abandonné l’usage naturel de la femme et se sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres ; ils ont commis homme avec homme des choses infâmes et ont reçu en eux-mêmes le salaire que méritait leur égarement. Comme ils n’ont pas jugé bon de connaitre Dieu, Dieu les a livrés à leur intelligence déréglée, de sorte qu’ils commettent des actes indignes (…) Et bien que connaissant le jugement de Dieu déclarant dignes de mort les auteurs de tels actes, non seulement ils les commettent, mais encore ils approuvent ceux qui agissent de même ».
Le résultat de cette stigmatisation sera le ferment d’une législation pénale particulièrement lourde dans les royaumes européens chrétiens. En effet, alors que sous la Rome antique l’homosexualité était acceptée, l’empereur chrétien Théodose (347-395) inscrira dans le code pénal la condamnation à mort de ceux qui pratiquent l’homosexualité, sanction plus ou moins appliquée selon les périodes et les pays et qui se perpétuera grosso modo jusqu’au XVIIIe siècle qui commuera cette peine en prison ferme. Le Royaume-Uni fut le pays le plus dur, n’abrogeant qu’en 1861 la pendaison pour acte de sodomie notamment pratiqué par les homosexuels, remplacée par la peine de prison pouvant aller jusqu’à la perpétuité et qui ne fut abolie qu’en 1967.
Nous connaissons tous le fameux procès de l’écrivain Oscar Wilde (1854-1900), obligé à deux ans d’emprisonnement dans la maison d’arrêt glauque de Reading qui le tua de tristesse mais voici ce que dit le biologiste Jean-Claude Ameisen concernant le célèbre mathématicien et précurseur de l’informatique Alan Turing (1912-1954) : « Turing est arrêté en 1952. La police a découvert qu’il a un amant. Et à cette époque, en Grande Bretagne, comme aujourd’hui encore dans de nombreuses régions du monde, une relation homosexuelle est un délit pénal. Il est condamné à la prison. Le seul moyen d’échapper à la prison est de subir un traitement à base d’hormones féminines. Il accepte. Il est profondément abattu. Brisé. On l’a privé de ses accréditations officielles qui lui permettent de poursuivre ses travaux. Il meurt deux ans plus tard, en 1954, à l’âge de quarante-deux ans. Il s’est empoisonné au cyanure. Ce n’est que plus d’un demi-siècle plus tard, en 2009, alors que se prépare, à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, la célébration de son œuvre scientifique, que le Premier Ministre de Grande-Bretagne, Gordon Brown, a prononcé des excuses publiques au nom du gouvernement de son pays ».
En 2013, les pro-mariages gays manifestèrent avec des pancartes anti-chrétiennes injurieuses contre les militants de la Manif pour Tous dont la majorité des bataillons sont de culture catholique. Même si ce n’est pas excusable, nous comprenons désormais d’où vient cette hostilité à l’encontre des catholiques conservateurs et s’il est de notre devoir de condamner les agissements des autorités publiques avec leurs gazages, paniers à salade et autres gardes à vues injustifiées, l’objectivité des faits nous pousse à accepter qu’elles sont bien plus clémentes que ne le furent les autorités chrétiennes d’antan à l’égard des homosexuels.
À mon sens, chacun doit faire un pas : les homosexuels doivent comprendre que le mariage soit avant tout une institution pour la procréation et la transmission du patrimoine d’autant plus que l’enfant a besoin de l’altérité sexuelle de ses parents pour forger son identité. Mais de la part des chrétiens conservateurs, je pense qu’il est nécessaire de changer d’attitude, de reconnaître la répression historique chrétienne contre l’homosexualité et d’arrêter de taxer celle-ci d’abomination comme vient de le faire Christine Boutin car cela ne fait pas avancer la concorde.
D’autant plus que l’homosexualité n’est pas uniquement un comportement comme le croient de nombreux chrétiens mais est surtout d’essence biologique. Selon le sexologue Gérard Zwang (qui est contre le mariage homosexuel comme l’a relevé Nouvelles de France) et bien d’autres scientifiques, l’homosexualité se forme in utero : pendant 4 semaines avant la naissance et 4 semaines après, le petit subit des sécrétions hormonales qui définissent à vie son orientation sexuelle qui peut être tournée vers le sexe opposé ou similaire. Donc les incantations de Najat Vallaud-Belkacem et de Vincent Peillon sur le supposé choix libre des enfants sont totalement vaines…
Conclusion : de la sacralité de l’homosexualité dans les paganismes
En conclusion les paganismes gréco-romains, l’hindouisme, le shintoïsme japonais ou le taoïsme chinois offrent une réponse pacifiée : étant des religions de constatation de la nature et du monde considérés comme sacrés car consubstantiels à Dieu qui les a engendrés, l’homosexualité est pleinement acceptée d’autant plus qu’elle relie le génie masculin à la tempérance féminine ayant donné ses plus beaux fruits parmi les élites des sociétés, notamment dans les arts. Selon les paganismes, tout homosexuel peut fréquenter des amants avant ou pendant le mariage mais celui-ci étant une institution de procréation et de transmission du patrimoine, il ne peut se faire qu’avec un époux légitime de sexe opposé. S’inspirer de cette conception permettrait peut-être à l’Occident de sortir de l’ambiguïté qui le noie.
Sources :
– Alain de Benoist : Familles et Société, origines, histoire, actualité
– Alain Daniélou : La Fantaisie des Dieux et l’Aventure Humaine
– Jean-Claude Ameisen : Sur les Epaules de Darwin, je t’offrirai des spectacles admirables
– Le docteur Gérard Zwang, Libre Journal des lycéens de Radio Courtoisie du 20 novembre 2010
1. Ce que tend désormais à accréditer, avec d’autres mots, la science : un embryon détient 1/3 de cellules de ses parents + 1/3 de cellules de ses parents en devenir (mutation évolutive) + 1/3 de cellules propres. Autre exemple sur un tout autre aspect : on a démontré désormais qu’il existe un très fort potentiel de la part d’enfants de criminels de tomber eux aussi (50% à 80%) pour la simple et bonne raison que l’acte s’inscrit dans les gènes transmissibles. L’idée, qui a soulevé un gigantesque tollé au sein d’une société qui nivelle toujours plus vers le bas au nom du principe égalitaire, de l’ancien président Nicolas Sarkozy d’encadrer les enfants de délinquants, n’était absolument pas dénuée de sens…
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