Empathique : il s’est adressé à de nombreuses catégories de Français en comprenant leur inquiétude, leurs besoins, en les remerciant et les encourageant à faire un effort salutaire pour tous. Emphatique : il a grossi démesurément les réformes qu’il a lancées et le mérite qu’il a eu pour les mener alors qu’il s’agit de mesures partielles et incapables de changer la France.
Les premiers commentaires ont souligné le caractère empathique de la prestation du Président : c’est un peu moins le Jupiter de l’Elysée inaccessible, distant et prétentieux ; c’est le Président qui se veut proche de tous, qui remercie toutes les Frances : celle de la campagne, celle des seniors retraités, celle des hôpitaux, celle des salariés, celle des premiers de cordée, celle des chômeurs, celle des jeunes, et même celle des cheminots. A tous il explique quel est son plan : prendre enfin des mesures structurelles (ignorées depuis 35 ans) pour remettre la France au travail et partager les fruits de ce changement. Les mesures structurelles demandent « des efforts », mais tous doivent les accepter (et qu’ils en soient remerciés) et tous en bénéficieront ensuite. Faire passer la justice sociale (réduction des inégalités) avant le travail et la production est une erreur. Il faut faire « en même temps » (d’où les mauvais esprits en déduisent que le « ensuite » est de trop). Mais il est vrai que faire l’apologie de l’économie de l’offre et rappeler qu’on ne peut pas distribuer un argent qui n’a pas été gagné est une position courageuse dans un pays habitué et acquis aux débordements de l’Etat Providence, aux déficits et aux dettes.
Je ne peux cependant m’empêcher de parler d’emphase ou d’exagération, parce que les fameuses mesures structurelles en question n’ont pas été prises. J’ai fait l’inventaire de ces mesures avortées ou retardées ou ignorées dans mon éditorial hier au soir*. Par exemple la réforme de la SNCF est minimale, et Emmanuel Macron le reconnaît implicitement : pas de suppression des petites lignes (on pourra même en créer), la SNCF demeurera une entreprise d’Etat (et pas une société privée capitaliste) et les cheminots « resteront cheminots » (on ne touche pas à leur statut actuel). La démonstration la plus flamboyante du résident a été à propos de l’effort demandé aux retraités avec la hausse de la CSG. De façon surprenante, Emmanuel Macron a expliqué que les retraités le remercieront plus tard pour leur avoir demandé cet effort parce qu’il est nécessaire dans un système de « répartition » « dont la France peut s’enorgueillir car il est fondé sur la solidarité ». Mais il y a, dit-il, solidarité entre des cotisants actifs moins nombreux et chômeurs, et des retraités qui vivent plus longtemps : donc le système est explosif (ce que tous les économistes et assureurs sérieux ont compris depuis au moins 25 ans). Il est explosif parce que stupide, et au lieu de dénoncer la stupidité et d’ouvrir la porte à des éléments de capitalisation, on annonce davantage de CSG : une hausse salvatrice des retraites ! Mais le Président en a rajouté en faisant remarquer que la hausse de la CSG a été également nécessaire pour compenser la baisse des cotisations sociales sur les salariés. Manque à gagner pour l’URSSAF : quelque 20 milliards, et Bercy a sans doute calculé qu’on peut demander 20 milliards à ceux qui payent la CSG ! Equilibre macro-économique. A vouloir trop expliquer on finit par se prendre les pieds dans le tapis. Surtout que la hausse du pouvoir d’achat des salariés (théorique ou concrète, on verra bien) s’articule naturellement avec le discours sur la participation des salariés à la réussite de l’entreprise, grâce à « l’intéressement, idée géniale du gaullisme en 1967 » (Debré). Allègement pour les PME de moins de 250 salariés : un forfait social.
A travers cet exemple, on peut mesurer qu’à trop vouloir prouver le Président s’enferme dans une logique à la fois technocratique et idéologique. « Libérer, protéger et unir » : c’est beau mais c’est n’importe quoi. Les propos du Président seraient-ils non seulement emphatiques mais aussi enfantins ? Emmanuel Macron atteindra peut-être un jour l’âge de raison. Pour l’instant sa place était bien en cm1, même s’il prêche comme Bossuet.
> Jacques Garello préside l’ALEPS.
*Nouvelle Lettre, n° 1359 mercredi 11 avril Les propos d’Emmanuel Macron demain sur TF1.
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